L'Outsider

Film : L'Outsider (2016)

Réalisateur : Christophe Barratier

Acteurs : Arthur Dupont (Jérôme Kerviel), François-Xavier Demaison (Keller), Sabrina Ouazani (Sofia), Mhamed Arezki (Nouredine)

Durée : 01:57:00


J’avais évoqué dans un récent papier la tendance de la critique française à comparer le cinéma national à son concurrent américain. C’est fort dommage, car déplorer que David ne soit pas Goliath, c’est perdre l’occasion d’un chauvinisme distrayant et d’une fierté paysanne, de faire bien mieux en étant plus petit. Christophe Barratier n’est pas critique, mais réalisateur, et son comportement est d’autant plus déplorable lorsqu’il décide en réalisant l’Outsider de pomper les grands métrages américains qui traitent du milieu de la finance. Wall Street d’Oliver Stone, Le loup de Wall Street de Martin Scorcese ou encore Margin Call de J.C. Chandor pour ne citer qu’eux. Ajoutons à cela que l’origine même du film est très française. Tout d’abord car il n’est pas une critique générale du monde de la finance mais l’histoire d’un breton venu se brûler les ailes au sommet des tours de La Défense. Ensuite parce que la triste « affaire Kerviel » est devenue une affaire Dreyfus qui a vite permis aux français de se diviser en deux catégories, comme ils aiment tant le faire.

A ce sujet, il faut reconnaître au métrage une certaine impartialité, bien que la Société général ait refusé toute communication avec l’équipe du film, laissant Christophe Barratier avec le seul avis de Jérôme Kerviel. D’autant plus qu’après son magnifique Les Choristes (2004), simple et beau, il avait pris le parti de films plus orientés avec Faubourg 36 (2008) et La nouvelle Guerre des Boutons (2011) : deux films évoquant la France pauvre rurale ou urbaine, en qui il plaçait toute la beauté de la nation — le tout parfois saupoudré de bien-pensance sur la seconde guerre mondiale ou les conflits entre l’extrême droite et l’extrême gauche dans les années 30.

Mais quand l’occasion lui vient de taper fort sur le capitalisme oppressant, il fait faut bon… C’est le drame du film qui n’est pas impartial par respect mais par manque de réel propos, de réel courage. On aura vu que la forme n’est pas neuve, que la plupart des plans travaillés sont récupérés sur d’autres films (la défense filmée comme Wall Street, le plan sur les écouteurs venu de Margin Call…) mais le fond lui-même ne porte rien de nouveau : les traders sont riches, arrogants et boivent du champagne avec les strip-teaseuses, les patrons sont agressifs, les employés sont concurrents… On ne voit que ce qu’on s’attend à voir… c’est à dire que Christophe Baratier raconte l’histoire de Kerviel comme il aurait pu raconter n’importe quelle autre. Par exemple le paradoxe moral et spirituel n’est jamais évoqué : on fait impasse sur la foi dans laquelle il a été éduqué, et donc sur les tensions avec sa famille, ses hésitations au vice, etc. Seul son désintérêt pour l’argent est évoqué, en effet il pratique son métier par pure passion et c’est cela qui le rend attachant.

Seul le jeu d’Arthur Dupont et la vie du personnage attireront votre attention… si vous avez déjà vu les films que je citais plus haut, vous vous ennuierez ; sinon ne perdez pas de temps avec l’Outsider et regardez-les.