Je n'aime pas Luc Besson, mais cette fois il faut reconnaître qu'il s'est surpassé.
Ce dernier film Lucy est une réussite à de nombreux points de vue.
Dans la gestion de l'espace filmique, d'abord, le réalisateur déploie les grands moyens. Il faut dire qu'à force de promouvoir de jeunes réalisateurs, il faut montrer de quoi le « master » est capable, ce qui a dû lui mettre une bonne pression ! La caméra virevolte donc dans tous les sens avec une grande virtuosité.
Du point de vue du montage, on appréciera particulièrement le montage parallèle en début de film, grâce auquel le cinéaste fait une analogie entre Lucy et l'antilope.
Concernant les effets spéciaux, ils sont d'autant plus réussis qu'il s'agit, rappelons-le, d'un film français. Luc Besson a-t-il voulu faire une démonstration de force pour la mise en service de sa cité du cinéma ? Rien n'est plus probable ! Toujours est-il que ceux-ci sont de très grande qualité.
D'un point de vue éthique, on a le droit à un questionnement existentiel en règle.
Le principe de départ est simple : nous n'utilisons que 10 % des capacités de notre cerveau. Que se passerait-il si nous en exploitions 100 % ?
Partant de là, le scénario s'engage dans une brèche passionnante, mais avec les insuffisances propres à notre époque. D'une part il s'agit d'extrapolation totale : pour faire une analogie avec les lumières d'une maison, on sait que notre cerveau peut allumer toutes les lampes, mais la recherche se demande pourquoi il est incapable de les allumer toutes en même temps. Ce n'est donc pas que nous n'utilisons que 10 % de notre cerveau, mais c'est que notre cerveau ne parviendrait à mobiliser au même moment que 10 % de ses capacités. On a donc peine à croire que cette sollicitation complète décuplerait nos capacités au point de défier la gravité ou de voir le monde sous forme mathématique.
Une chose intéressante cependant : le scénario s'amuse à remettre en cause le « un » comme unité de base de notre monde. Celle-ci serait en fait le temps. De grandes réflexions en perspective !
Ce qui est sûr, c'est que prétendre que l'utilisation de 100 % de nos capacités nous donnerait la science infuse est illusoire ! Le film semble ainsi prendre parti pour la théorie innéiste, défendue par Platon et Leibniz, brillante mais fausse.
Je ne peux résister à l'envie de vous faire part des propos que m'avait tenus un vieux prêtre, passionné de bouddhisme comme je le fus, qui était certain que les techniques de lévitation utilisaient probablement des zones inexplorées de notre cerveau. Selon lui, la ligne de feu tracée par l'ange à la frontière du paradis terrestre n'était pas (seulement ?) matérielle, mais également cérébrale : notre cerveau était condamné à n'avoir qu'un minimum. En franchissant la ligne comme le feraient certains « sages » bouddhistes, on s'exposerait à des dégâts (désocialisation, vieillissement prématuré de certaines de nos facultés, etc.)…
Vous en ferez ce que vous voulez.
Quant aux blaireaux qui, comme d'habitude, me répondraient qu'il faut arrêter de se prendre la tête sur des scénarios taillés pour le simple divertissement, je répondrais qu'en l'occurrence, il y a eu une vraie réflexion de la part des scénaristes, et qu'il serait insultant de ne pas se prendre un peu au jeu !
Quoiqu'il en soit, à en croire le film, le développement des capacités cérébrales ne rendrait pas meilleur. Si les facultés intellectuelles et physiques sont décuplées, on remarque que l'éthique reste au ras des pâquerettes ! Le personnage de Scarlett Johansson flingue à tout-va sans sourciller et, chose intéressante, a l'impression de perdre son humanité. Or cette thèse est honteusement matérialiste. Car ce qui fait l'homme, c'est d'être doté d'une intelligence capable de métaphysique (et non seulement de connaissance comme on pourrait le croire en voyant le film) d'une part, et d'être doué de volonté d'autre part. Un surhomme ne saurait échapper à un développement spectaculaire de ces deux facultés. Prenons un exemple : l'homme qui aurait un grand pouvoir de pénétration intellectuelle saurait par exemple que chaque homme tué entraîne le bouleversement d'un univers : celui de sa famille, de ses amis, donc d'un pan de la société. Il ne pourrait prendre une vie sans en mesurer le prix, et son choix de tuer serait plus que jamais un choix lourd de responsabilité. En sachant cela, la tuerie ne serait probablement pas une option par défaut, mais un acte posé quand n'existe plus aucune solution.
De récentes recherches (Massachusetts Institute of Technology de Cambridge) ont permis de poser les fondements de la construction d'une vaste intelligence collective. Pour une fois la réalité précède donc la fiction puisqu'au travers de Lucy, prénom pris en référence à la première femme, ce serait donc un stade nouveau de l'humanité qui serait conquis (le film étant explicitement évolutionniste). Le but de Lucy est clair : délivrer toutes ses connaissances au monde.
Mais une telle perspective est gravement optimiste : quand on considère les dégâts causés par l'homme au sortir de la découverte du nucléaire, on tremble de ce qu'il ferait d'une pareille omniscience !
Le film n'hésite d'ailleurs pas à poser la question.
Aucune référence n'est faite à Dieu… Le terrain était certes glissant… Au vu de ce qui est avancé (évolutionnisme, toute-puissance de l'homme, etc.) on peut cependant se douter qu'au serpent de la Bible promettant que nous serions comme Dieu, le fantasme cinématographique répond que nous y sommes presque. Encore quelques millénaires, espère la science, et on y sera. En attendant, l'homme rêve d'ÊTRE Dieu.
Si fragiles et si prétentieux !..
Mises à part ces considérations qui ne viennent probablement pas du néandertalien Besson, comme la réalisation d'ailleurs, puisque ce cinéaste ne fait que piloter des équipes souvent plus brillantes que lui, on retrouve cependant quelques thèmes bessonniens qui, personnellement, m'exaspèrent.
Avec Lucy, on le sait, Luc Besson part à la conquête du public américain. Raison de plus pour ne pas montrer une police française sale et agressive (je passe sur l'interprétation médiocre d'Amr Waked dans le rôle d'un gradé).
De même pour la vision manichéenne du monde. Les gentils très gentils et les méchants très méchants s'affrontent dans une relation où la charité n'a pas sa place. En adoptant des comportements de pourris au sang-froid, l'homme ne se justifie pas, il se dégrade.
Et ça quel que soit son QI...
Je n'aime pas Luc Besson, mais cette fois il faut reconnaître qu'il s'est surpassé.
Ce dernier film Lucy est une réussite à de nombreux points de vue.
Dans la gestion de l'espace filmique, d'abord, le réalisateur déploie les grands moyens. Il faut dire qu'à force de promouvoir de jeunes réalisateurs, il faut montrer de quoi le « master » est capable, ce qui a dû lui mettre une bonne pression ! La caméra virevolte donc dans tous les sens avec une grande virtuosité.
Du point de vue du montage, on appréciera particulièrement le montage parallèle en début de film, grâce auquel le cinéaste fait une analogie entre Lucy et l'antilope.
Concernant les effets spéciaux, ils sont d'autant plus réussis qu'il s'agit, rappelons-le, d'un film français. Luc Besson a-t-il voulu faire une démonstration de force pour la mise en service de sa cité du cinéma ? Rien n'est plus probable ! Toujours est-il que ceux-ci sont de très grande qualité.
D'un point de vue éthique, on a le droit à un questionnement existentiel en règle.
Le principe de départ est simple : nous n'utilisons que 10 % des capacités de notre cerveau. Que se passerait-il si nous en exploitions 100 % ?
Partant de là, le scénario s'engage dans une brèche passionnante, mais avec les insuffisances propres à notre époque. D'une part il s'agit d'extrapolation totale : pour faire une analogie avec les lumières d'une maison, on sait que notre cerveau peut allumer toutes les lampes, mais la recherche se demande pourquoi il est incapable de les allumer toutes en même temps. Ce n'est donc pas que nous n'utilisons que 10 % de notre cerveau, mais c'est que notre cerveau ne parviendrait à mobiliser au même moment que 10 % de ses capacités. On a donc peine à croire que cette sollicitation complète décuplerait nos capacités au point de défier la gravité ou de voir le monde sous forme mathématique.
Une chose intéressante cependant : le scénario s'amuse à remettre en cause le « un » comme unité de base de notre monde. Celle-ci serait en fait le temps. De grandes réflexions en perspective !
Ce qui est sûr, c'est que prétendre que l'utilisation de 100 % de nos capacités nous donnerait la science infuse est illusoire ! Le film semble ainsi prendre parti pour la théorie innéiste, défendue par Platon et Leibniz, brillante mais fausse.
Je ne peux résister à l'envie de vous faire part des propos que m'avait tenus un vieux prêtre, passionné de bouddhisme comme je le fus, qui était certain que les techniques de lévitation utilisaient probablement des zones inexplorées de notre cerveau. Selon lui, la ligne de feu tracée par l'ange à la frontière du paradis terrestre n'était pas (seulement ?) matérielle, mais également cérébrale : notre cerveau était condamné à n'avoir qu'un minimum. En franchissant la ligne comme le feraient certains « sages » bouddhistes, on s'exposerait à des dégâts (désocialisation, vieillissement prématuré de certaines de nos facultés, etc.)…
Vous en ferez ce que vous voulez.
Quant aux blaireaux qui, comme d'habitude, me répondraient qu'il faut arrêter de se prendre la tête sur des scénarios taillés pour le simple divertissement, je répondrais qu'en l'occurrence, il y a eu une vraie réflexion de la part des scénaristes, et qu'il serait insultant de ne pas se prendre un peu au jeu !
Quoiqu'il en soit, à en croire le film, le développement des capacités cérébrales ne rendrait pas meilleur. Si les facultés intellectuelles et physiques sont décuplées, on remarque que l'éthique reste au ras des pâquerettes ! Le personnage de Scarlett Johansson flingue à tout-va sans sourciller et, chose intéressante, a l'impression de perdre son humanité. Or cette thèse est honteusement matérialiste. Car ce qui fait l'homme, c'est d'être doté d'une intelligence capable de métaphysique (et non seulement de connaissance comme on pourrait le croire en voyant le film) d'une part, et d'être doué de volonté d'autre part. Un surhomme ne saurait échapper à un développement spectaculaire de ces deux facultés. Prenons un exemple : l'homme qui aurait un grand pouvoir de pénétration intellectuelle saurait par exemple que chaque homme tué entraîne le bouleversement d'un univers : celui de sa famille, de ses amis, donc d'un pan de la société. Il ne pourrait prendre une vie sans en mesurer le prix, et son choix de tuer serait plus que jamais un choix lourd de responsabilité. En sachant cela, la tuerie ne serait probablement pas une option par défaut, mais un acte posé quand n'existe plus aucune solution.
De récentes recherches (Massachusetts Institute of Technology de Cambridge) ont permis de poser les fondements de la construction d'une vaste intelligence collective. Pour une fois la réalité précède donc la fiction puisqu'au travers de Lucy, prénom pris en référence à la première femme, ce serait donc un stade nouveau de l'humanité qui serait conquis (le film étant explicitement évolutionniste). Le but de Lucy est clair : délivrer toutes ses connaissances au monde.
Mais une telle perspective est gravement optimiste : quand on considère les dégâts causés par l'homme au sortir de la découverte du nucléaire, on tremble de ce qu'il ferait d'une pareille omniscience !
Le film n'hésite d'ailleurs pas à poser la question.
Aucune référence n'est faite à Dieu… Le terrain était certes glissant… Au vu de ce qui est avancé (évolutionnisme, toute-puissance de l'homme, etc.) on peut cependant se douter qu'au serpent de la Bible promettant que nous serions comme Dieu, le fantasme cinématographique répond que nous y sommes presque. Encore quelques millénaires, espère la science, et on y sera. En attendant, l'homme rêve d'ÊTRE Dieu.
Si fragiles et si prétentieux !..
Mises à part ces considérations qui ne viennent probablement pas du néandertalien Besson, comme la réalisation d'ailleurs, puisque ce cinéaste ne fait que piloter des équipes souvent plus brillantes que lui, on retrouve cependant quelques thèmes bessonniens qui, personnellement, m'exaspèrent.
Avec Lucy, on le sait, Luc Besson part à la conquête du public américain. Raison de plus pour ne pas montrer une police française sale et agressive (je passe sur l'interprétation médiocre d'Amr Waked dans le rôle d'un gradé).
De même pour la vision manichéenne du monde. Les gentils très gentils et les méchants très méchants s'affrontent dans une relation où la charité n'a pas sa place. En adoptant des comportements de pourris au sang-froid, l'homme ne se justifie pas, il se dégrade.
Et ça quel que soit son QI...