Ma part du gâteau

Film : Ma part du gâteau (2010)

Réalisateur : Cédric Klapish

Acteurs : Gilles Lellouche (Steeve), Karin Viard (France), Audrey Lamy (Josy), Jean-Pierre Martin (JP), Zinedine Soualem (Ahmed)… .

Durée : 01:49:00


Un Klapich poussif et dont on ne sait pas trop où il veut en venir, que tentent de sauver ses acteurs.

Un film de Cédric Klapisch est toujours attendu avec impatience, aussi bien par le public que par la critique. Cinéaste emblématique des films de mœurs de ces dernières années en France, le réalisateur de Un air de famille, Chacun cherche son chien, Ni pour, ni contre, bien au contraire ou encore L’auberge espagnole est d’emblée considéré comme un pilier du cinéma français. Il risque cependant fort de décevoir avec ce film dont le principal défaut est d’être bancal. Traitant, pour une fois, d’un thème d’actualité (les délocalisations et les marchés financiers), le film semble hésiter perpétuellement dans le genre où s’inscrire. Comédie de mœurs ? Drame social ? Satire ? Romance ? Il y a un peu de tout cela dans cette histoire qui n’arrive pas à choisir son registre. Cette valse hésitation
décrédibilise fortement le propos du film, d’autant plus que celui-ci n’a pas vraiment le sens du rythme et n’arrive pas à accrocher. Les incohérences troublantes du scénario (on voit notamment Steeve changer d’humeur du tout au tout en cinq minutes) achèvent la crédibilité du film. Klapisch expliqua qu’il voulait faire une sorte d’anti-Pretty Woman, et justifie sa démarche par un certain sens du réalisme : « J'essaie plutôt de faire de la publicité pour la réalité en disant, en ce moment il vaut mieux arrêter de rêver... (...) Il faut faire du cinéma pour avertir, pas seulement pour divertir" (Dossier de Presse). Louable intention, mais cela nécessitait-il un tel mélange de genre aussi peu adéquat et où, finalement, aucune question importante du film n’est traité en profondeur ? Parmi celles-ci, citons notamment la place de la famille. Celle-ci est omniprésente dans le film, aussi bien par le biais des personnages de France avec ses trois filles et son ex-mari que par celui de Steeve et
son petit garçon dont il partage la garde avec son ex-compagne mais dont il a le plus grand mal à s’occuper. Mais, paradoxalement, cette thématique intéressante est à peine effleurée tout au long du film, jamais traitée sérieusement. Pas d’avantage le rapport de l’individu à la société affairiste et libérale, thème déjà traité à de nombreuses reprises mais qui aurait pu bénéficier d’un angle neuf. Même l’aspect comique n’est pas vraiment exploité bien que le réalisateur assure avoir voulu tirer le film vers la comédie : « Rire de tout cela n’annule pas la dénonciation, mais, au contraire, l’accentue » affirma Klapisch (Dossier de Presse). Le problème est qu’on ne rie pas vraiment dans le film et qu’on ne sait pas trop ce qu’il dénonce. Peut-être le monde impitoyable de la haute finance et des traders, mais d’une manière très conventionnelle et déjà vue (Wall Street de Oliver Stone est déjà passé par là !). Quelle grande originalité de présenter des requins de la finance sans scrupules et
sans morale provoquant sciemment la mise au chômage de pauvres ouvriers sans défense, sur fond de lutte des classes recuite! Cela nous donne, du coup, un film propagandiste marxiste de plus au palmarès du cinéma français qui n’en est pas avare. Cette impression d’indécision culmine avec un final à la limite de l’abscons et dont on peut se demander s’il n’était pas inachevé. Cette dernière scène illustre assez clairement les lubies du cinéma d’auteur à la française, se complaisant dans l’incompréhension et l’invraisemblable.

Tout n’est évidemment pas à jeter dans ce film. Les acteurs notamment rattrapent largement les choses par leurs interprétations très convaincantes. Gilles Lellouche (Sans arme, ni haine, ni violence de Jean-Paul Rouve, Le dernier gang de Ariel Zeitoun) est très convaincant en trader arrogant et sans
scrupule se prenant à douter de lui. Karine Viard (Les randonneurs de Philippe Harel, France Boutique de Tonie Marshall) est également parfaite en mère de famille éprouvée mais pas abattue qui tente de s’en sortir. Tous deux avaient d’ailleurs déjà tourné sous la direction de Klapisch dans Paris. Signalons également au casting la présence de l’humoriste Audrey Lamy  (Brice de Nice de James Huth, Au suivant de Jeanne Biras) dans le rôle de Josy, la sœur de France, de Zinedine Soualem, (Mademoiselle de Philippe Lioret, Roman de gare de Claude Lelouch) et par ailleurs un fidèle de Klapisch (Ni pour, ni contre, L’auberge espagnole, Paris) en directeur d’agence pour l’embauche de femmes de ménage et de l’acteur britannique Kevin Bishop que Klapisch avait déjà dirigé dans L’auberge espagnole et Les poupées russes en trader cynique et arriviste. Signalons également une certaine volonté de Klapisch de ne pas céder entièrement au manichéisme en nous présentant un portrait trouble de Steeve, autant détestable en
liquidateur d’entreprises sans remord et en goujat volage qu’attendrissant en père aimant avec son fils. Hélas, cette bonne idée, comme l’ensemble des autres thèmes du film, est vite abandonnée et inexploitée. Ne reste qu’un film d’auteur assez prétentieux, ennuyeux et démagogue.

Un Klapisch pour rien donc. Dommage !