Ma sorcière bien aimée

Film : Ma sorcière bien aimée (2005)

Réalisateur : Nora Ephron

Acteurs :   Nicole Kidman (Isabel Bigelow / Samantha Stevens), Will Ferrell (Jack Wyatt / Darrin Stephens), Shirley MacLaine (Iris Smythson / Endora)

Durée : 01:42:00


On reconnaît bien le style de Nora Ephron, réalisatrice notamment de Vous avez un message et scénariste de Quand Harry rencontre Sally, dans le genre de la comédie romantique.  L’humour est partagé entre le
comique de situation et les dialogues sentimentaux ou explosifs. Cependant on pouvait attendre une atmosphère plus envoûtante compte tenu du sujet et de l’introduction du film. En effet, alors que la caméra plane gracieusement dans les premières minutes, l’épaule de la réalisation semble fatiguée sous le poids du scénario qui nous emmène, malgré une idée intéressante et dynamique, dans l’ambiance lourde de quelques gags poussifs et une attitude souvent surjouée des acteurs. L’humour n’est pourtant pas absent mais il s’adresse à un public facile.  De plus, la réalisation ne manque pas de qualité, comme l’utilisation ingénieuse des décors conférant au montage une certaine fluidité, notamment dans les rapports entre le monde de la sorcellerie et le monde des mortels. Nicole Kidman est sans aucun doute la force du film. Elle campe le rôle de Samantha (autrefois joué par Elizabeth Montgomery) avec une surprenante aisance, que ce soit dans les attitudes ou dans le physique (son nez surtout a beaucoup plu !).
Elle n’en perd pas moins sa personnalité maintes fois exprimée dans les grands rôles de sa carrière : un charme attendrissant, une grande sensibilité, de la passion et un jeu magnifiquement bien rythmé. Le genre comique ne lui va pas si mal même si elle peut sembler perdre en naturel dans certaines scènes. Le casting de manière générale est assez pertinent, même si Will Ferrell, dans le rôle de Jack, n’est pas très convaincant malgré ses talents connus pour l’improvisation. L’histoire est issue d’une idée louable que Lucy Fisher, productrice, salue en ces termes : « Nous n’avons jamais voulu nous contenter de transposer la série sur grand écran avec des stars dans les rôles principaux. Et Nora nous a donné la solution. Nous gardions l’essence de la série et nous en transposions l’énergie, l’originalité, dans un contexte d’aujourd’hui. Nora a réussi l’exploit de garder tout ce qui a rendu cette série culte tout en la projetant dans le présent de la manière la plus originale qui soit ». Sans s’adonner au même
enthousiasme, il est vrai que le film est un assez bon hommage à la série qui a diverti des millions de spectateurs, mais il ne faut pas s’attendre à retrouver une adaptation moderne qui aurait été l’affaire d’un tout autre projet et d’une tout autre prétention.

Ce qui est toujours déconcertant dans ce genre de comédie, c’est la manière romantico-moderne de parler de l’amour. Bien sûr on pourra dire que dans le film il faut s’attacher non pas aux petits détails mais au message général. Ce serait faire une interprétation partielle de l’œuvre et ce serait insulter le réalisateur qui s’évertue à construire tout un contexte, une histoire, des principes directeurs, des personnages, des personnalités… bref, un univers diégétique cohérent. De plus, le message général est clairement insuffisant pour comprendre l’ensemble : par exemple ici l’idée est que l’amour est beau, précieux et qu’il faut mettre de côté son égoïsme pour le conserver ; mais d’un autre côté le père d’Isabelle,
mage que la fidélité ne semble pas concerner, est un affreux coureur de jupons, le divorce de Jack est banalisé, les seconds rôles sont souvent pitoyables etc. On nage dans une triste réalité empêtrée de sexe et d’amour tordu, même si les images n’ont pas de contenu particulièrement choquant. Il faut prendre garde, non pas sur un seul film mais sur un ensemble de films, à ne pas s’habituer et à ne pas accepter tacitement un système dévalorisant et dangereux. Cela dit, Ma sorcière bien aimée tourne assez bien en dérision le milieu féroce de la télévision où le profit et la célébrité justifient toutes sortes d’exactions.

Jean LOSFELD