Mais comment font les femmes ?

Film : Mais comment font les femmes ? (2011)

Réalisateur : Douglas McGrath

Acteurs : Sarah Jessica Parker (Kate Reddy), Pierce Brosnan (Jack Abelhammer), Greg Kinnear (Richard Reddy), Christina Hendricks (Allison)

Durée : 01:30:00


Une comédie drôle mais loin d'être hilarante, qui apporte une pierre assez peu féministe dans le débat de la situation des femmes au travail.

style="margin-bottom: 0cm;">Alors ? Comment font-elles ? Comment font ces femmes pour concilier enfants, mari et vie professionnelle ? La question parcoure régulièrement les tuyaux de la presse, déchaînant passions et polémiques. Quel est le parti pris du film ?

Les options étaient nombreuses.

Le film aurait pu, par exemple, défendre l'idée que le meilleur moyen d'entretenir le foyer ou d'éduquer les bambins était de prendre le temps de le faire, mais à la façon des rares journalistes qui soulignent le fait, il lui aurait fallu noyer l'id&
eacute;e de femme au foyer sous un fatras d'idées politiquement correctes. Dans notre société sans tabou, on ne dit pas qu'on est femme au foyer Madame, on le fait !

Il aurait également pu prendre le parti d'affirmer que la femme est un homme, et réciproquement. L'idée aurait ainsi remplacé la réalité, subterfuge fort pratique pour affirmer qu'il n'est pas de tâche sexuée. Il n'y a qu'une liste de corvées à se partager entre les deux époux, en quantité tellement égale que celui ou celle qui, dans un grand élan d'abnégation, accepterait exceptionnellement l'une des obligations de l'autre s'offrirait une créance imprescriptible sur lui.

style="margin-bottom: 0cm;">Ce n'est pourtant pas non plus sur ce dernier chemin que le film a souhaité s'aventurer.

Comme dans le roman d'origine d' Allison Pearson, Je ne sais pas comment elle fait (2002), Kate est une femme active, qui a besoin de travailler pour se sentir bien dans sa peau. Elle porte sur son environnement professionnel un regard lucide et assez savoureux : le rival qui mise tout sur le fait qu'elle a des enfants, l'assistante glaciale et jolie qui jure tous ses grands dieux qu'elle n'aura jamais d'enfants parce qu'elle veut faire carrière, son patron qui la traite comme n'importe quel autre homme...

Cette dernière considération trace d'ailleurs la frontière entre films américains et français : les patrons ne sont pas d'horribles exploiteurs. « Clark est impressionnant parce qu'il est bon dans son boulot et qu'il jouit d'une excellente réputation, relève Kelsey Grammer. Il se montre respectueux envers les femmes, et il n'est pas très à l'aise pour évoquer des choses personnelles avec ses subalternes féminines. Mais c'est un bon patron, qui a un vrai sens de la justice. »

Mais Kate est bien une femme. Le film l'assume absolument et lui affecte des soucis de vraie maman : faire des bonhommes de neige, se préoccuper de la première coupe de cheveux de son fils, penser à
eux tout le temps, en parler au travail et même - quelle horreur ! - faire la cuisine.

C'est, en même temps, une vraie professionnelle ! Ponctuelle, dure à la tâche, intelligente, elle fait le bonheur de ses patrons.

Alors, puisque c'est la question du film, comment est-ce possible ?

Pour y répondre, le scénario dresse méticuleusement devant Kate tous les obstacles propres à la situation, à commencer par le regard des autres.

A voir le film, il semblerait en effet qu'aux États-Unis les femmes au foyer soient aussi méprisantes à l'égard des travailleuses que celles-ci le sont en France pour les mamans à la maison. La belle-mère ne saurait bien entendu échapper à cette attitude, ce qui fait un premier obstacle à surmonter par Kate qui, disons-le, n'en est qu'à peine agacée. « Pour la génération de Marla et de son mari, il était indiscutable que l'épouse reste à la maison pour s'occuper des enfants, et que le mari travaille pour gagner de l'argent, précise Jane Curtin. ils ont donc des idées bien arrêtées sur ce qu'il faut faire et ne pas faire, mais ils ne portent pas de jugements de valeur trop catégoriques ils portent des jugements, mais avec une certaine discrétion ! »

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Moins évident pour elle est la question principale du film, à laquelle tout le monde pense naturellement : l'emploi du temps. Il faut travailler jusque tard la nuit (Kate a du pain sur la planche !) tout en pensant à accompagner les enfants à l'école ou chez le coiffeur. Le résumé du dossier de presse se focalise même sur cette question d'agenda, qui suppose un parti pris dès le départ : la question n'est pas de s'interroger sur la pertinence de l'activité professionnelle d'une mère de deux enfants (Kate DOIT travailler), mais plutôt de savoir comment concilier travail et famille. Cette dernière question est la seule que le film envisage, ne nous méprenons pas, mais à laquelle il essaie de répondre.

style="margin-bottom: 0cm;">Alors que, tout le long de la pellicule, Kate essaie désespérément de concilier les deux, elle finit par résoudre le problème en forçant son patron, par son professionnalisme, à adapter ses horaires. Plus encore, elle lui fait un véritable chantage : il accepte ou elle démissionne, ce qui présuppose à nouveau un parti pris, puisqu'elle soumet ainsi son travail à sa vie de famille, et non l'inverse.

Avant de résoudre cette question, Kate doit répondre aux attentes de son mari, qui vient péniblement de décrocher un gros contrat pour qu'elle puisse moins travailler et être plus présente. Greg Kinnear explique&
nbsp;: « Je pense que l'accord tacite entre Kate et Richard, c'est que s'il décroche ce projet, c'est elle qui prend le relais des tâches domestiques. » Là le bât blesse. Kate ne veut pas arrêter de travailler. Elle ne le fait plus par nécessité, mais pour d'autres raisons qui, faiblesse du scénario, ne sont pas vraiment explicitées. On devine néanmoins qu'elle en a besoin pour se sentir bien.

Le film enfonce le clou, car Kate a un tort incontestable : celui de délaisser sa famille (« Elle culpabilise énormément de négliger sa famille au profit de sa carrière, explique l'actrice Jessica Parker, mais de toute évidence son travail occupe une place très importante dans sa vie. »
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Par égoïsme ou par désorientation ? Parce qu'elle veut à tout prix travailler ou parce qu'elle ne parvient pas à concilier les deux ? Le film penche nettement pour la deuxième solution, mais on a le droit de se poser la question : pourquoi s'imposer absolument un travail quand on pourrait y échapper ? Peut-être est-ce là encore une question que seuls les hommes se posent, qui donneraient tout pour arrêter enfin de travailler.

Kate est ensuite confrontée à un problème pas si anodin : celui de différencier sa vie sentimentale de sa vie professionnelle. Car son plus
gros client, irrésistible comme un Pierce Brosnan, est fort sensible à ses charmes. « En allant à New York, Kate s'échappe de ses soucis quotidiens, raconte Sarah Jessica Parker. Elle peut se concentrer sur son travail et fréquenter des restaurants chics dans l'une des villes les plus exaltantes du monde. Et côtoyer Jack n'est pas franchement désagréable : il est élégant, drôle, et il apprécie les qualités professionnelles de Kate. Bien entendu, elle culpabilise d'autant plus d'être loin de chez elle qu'elle s'amuse comme une folle ! »

Malgré la jalousie naissante de son mari (qui en pareil cas est un redoutable pousse-au-crime), elle restera fidèle.

Cette comédie utilise principalement le ressort de l'empathie. Non que le film ne s'adresse pas aux hommes, mais les femmes rient de bon cœur parce qu'elles identifient souvent des situations qui leur sont propres (le fameux coup du papier toilette accroché au talon aiguille, par exemple).