Marguerite

Film : Marguerite (2015)

Réalisateur : Xavier Giannoli

Acteurs : Catherine Frot (Marguerite Dumont), André Marcon (Georges Dumont), Michel Fau (Atos Pezzini / Divo), Christa Théret (Hazel)

Durée : 02:07:00


« La cause est juste, le chant est faux ». Cette critique cinglante d’un journaliste envers la pauvre Marguerite Dumont pourrait se retourner pour ce film. On rit bien, on s’émeut même de cette malheureuse qui se croyait diva, en priant, avant le lever de rideau, pour qu’elle n’ait pas de descendants morts de honte à cause du film …

Marguerite chante faux. Etait-ce à ce point ? Difficile de savoir. De toute façon, le réalisateur Xavier Giannoli asume les libertés prises par son récit romancé. Il est, comme la mention l’indique, « inspiré de faits réels ». Au lieu de tomber dans une curiosité moqueuse, l’évocation tourne en réflexion. Voici la vraie valeur ajoutée de ce Marguerite. Pourquoi chante-t-elle ? Pourquoi s’acharner ?

Il semblerait que le désir d’expression, celui de l’artiste, soit à l’origine du cri, puisqu’il s’agit bien de cris, de hurlements même, de la cantatrice. Cette expression est faite pour un échange, le fameux échange de la scène, la « communion » avec le public. Il y a de l’amour, là-dedans. L’artiste, qui travaille à montrer ce qu’il sait faire de plus beau, pour un spectateur qui finit conquis. Et le spectateur à conquérir est Monsieur son mari. Le film propose une vision touchante du personnage, après nous avoir rendus complices de la moquerie. Il faut dire que vivre dans un rêve à ce point, sans se rendre compte de rien … On frise la schizophrénie.
Complices au départ, nous repartons touchés et convaincus. La sincérité de cette femme et son innocence mêlée à de l’inconscience enfantine parviennent à transformer cette bête de foire grotesque en héroïne (presque) ordinaire.

Catherine Frot réussit un tour de force, en se rendant attachante au possible malgré la folie du personnage. Il faut dire qu’elle est entourée d’un casting en grande partie à sa hauteur (André Marcon excelle dans le rôle du mari), « en grande partie » car quelques personnages secondaires sont de vrais pots de fleurs (Aubert Fenoy, Théo Cholbi, Christa Théret, inutiles ; cette dernière, ici en tout cas, est le portrait-type de la jeune actrice école française qui n’articule pas, fait toujours la tronche et dont le regard constamment outré crache « fasciste ! » à chacun de ses interlocuteurs ; qu’elle apprenne de la vieille Frot !). Dialogues fins, portraits réalistes, sens du détail, c’est une copie soignée, vivante, étonnante. On se remettra de la petite ambiance marxisto-démago anti-bourgeoisie hétéro adultérine, et pro-artisto-romantico-homo-sans le sou. Plutôt ingrat d’insulter la majeure partie de son public de la sorte …

Une tragi-comédie originale, non sans défaut, et notamment deux-trois lourdeurs. Ce serait toutefois dommage d’arrêter son impression là-dessus, en oubliant la finesse de l’écriture, la variété visuelle (et musicale, entre le beuglement et les morceaux classiques choisis avec pertinence …) et la qualité de l’interprétation. À vos boules Quies !