Miss Peregrine et les enfants particuliers

Film : Miss Peregrine et les enfants particuliers (2016)

Réalisateur : Tim Burton

Acteurs : Eva Green (Miss Peregrine), Asa Butterfield (Jacob), Samuel L. Jackson (Barron), Judi Dench (Miss Avocet), Ella Purnell (Emma)

Durée : 02:07:00


Faut-il encore présenter Tim Burton ? Ce maître de la bizarrerie, de l'adaptation cinématographique de l'expressionnisme allemand, ce faiseur de monstres, celui qui est le cri de Munch à lui tout seul vient de frapper de nouveau.
Tiré  du  premier  roman de  Ransom  Riggs,  publié  en  2011 et vendu à 3,1  millions d’exemplaires, ce nouveau film envisage de normaliser la bizarrerie. Des milliers d'abeilles habitent à l'intérieur de ton corps ? Tu peux donner vie à des marionnettes ? Tu t'envoles ou tu glaces ce que tu touches façon Alicia des X-MEN ? Calme-toi gars, tu es normal, tu es juste... particulier, mais c'est... normal !
Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous... Edward aux mains d'argent était déjà un monstre rejeté pour ses particularités, et toute la filmographie de Tim Burton semble hantée par cette idée fixe. D'ailleurs, explique-t-il, "J’ai moi-même été désigné comme « particulier » parce que j’adorais les films de monstres. Dans l’enfance, on vit ce genre de chose, et parfois cela se prolonge même plus tard dans la vie. Beaucoup de gens le ressentent."
Les profs de collège vont être content : cette année, l'Education Nazionale a mis au programme de français les figures de monstres. Bon on est d'accord, ils feront toujours une dictée par trimestre et seront incapables d'écrire français en fin de troisième, mais au moins ils seront connectés, sensibles à ce monstrueux univers burtonien et, certainement, beaucoup plus compréhensifs à l'égard des monstres tueurs de latin et autres ministres très... particuliers...
Je m'égare ? Bon, d'accord... Revenons à nos petits monstres...
Quoiqu'il en soit, ma comparaison ci-dessus avec les mutants n'était pas si spécieuse puisque c'est Jane Goldman, déjà scénariste dans X-MEN : Le commencement et X-MEN : Days of future past, qui se voit chargée de transformer le livre en scénario.
Constat : c'est une réussite. Anxiogène à souhait, l'histoire transporte le spectateur dans un monde où les jeux du temps balottent les personnages de pérégrination en pérégrination (vous avez capté ? le super jeu de mots ? Mouahahah !).
Au milieu de ces remous, la très stable Miss Pérégrine, protectrice des enfants. C'est encore Burton qui a le mot juste : "Scary Poppins", voilà ce qu'elle est... Une Mary Poppins dure, inquiétante, mais protectrice : "À l’école, explique le cinéaste, on aurait tous aimé avoir une directrice comme Eva ou Miss Peregrine, quelqu’un de solide, drôle, mystérieux et protecteur." Mouais, chacun ses fantasmes Timmy, mais il est clair qu'Eva Green interprète magnifiquement le personnage.
Fatalité du choix artistique, il faut bien dire que l'univers burtonien a une conséquence perverse dans ce film. Celle d'écraser le prétendu personnage principal, Jake. Car les enfants particuliers, flanqués de leur sombre gouvernante, sont le vrai moteur de l'oeuvre. Jake, quant à lui, fait figure de touriste candide. Ce n'est pas lui qu'on retient, même s'il est indispensable comme point de jonction de l'identification si pénible à Brecht.
Tim Burton, souvent copié, jamais égalé, remet donc le couvert de façon efficace et nous transporte efficacement dans son monde pour délivrer un message très politiquement correct : il faut accepter la différence.
Et là, pour le coup, Burton manque cruellement d'originalité...