Mon Roi

Film : Mon Roi (2014)

Réalisateur : Maïwenn

Acteurs : Vincent Cassel (Georgio), Emmanuelle Bercot (Tony), Louis Garrel (Solal), Isild Le Besco (Babeth)

Durée : 02:04:00


« L'amour commence par l'éblouissement d'une âme qui n'attendait rien et se clôt sur la déception d'un moi qui exige tout. » S’il fallait résumer Mon Roi en une phrase, cette citation de Gustave Thibon serait le candidat parfait. La rencontre, plus fortuite qu’accidentelle, entre Tony (Emmanuelle Bercot) et Georgio (Vincent Cassel) est bien un cadeau qu’ils se font l’un à l’autre, sans rien attendre. Ils s’autorisent un éblouissement du cœur qui s’avèrera être l’aveuglement de deux âmes perdues : prêtes à toutes les folies pour se convaincre qu’elles aiment et qu’elles sont heureuses.

C’est une passion d’une rare violence que nous montre Maïwen dans ce long-métrage, et la cinéaste ne manque pas de talent pour développer, en deux heures, tous les aspects de ce terrible sentiment. Certaines scènes clefs rythment le film en recentrant l’attention du spectateur. Le scène de la boîte de nuit, par exemple, qui marque le point de départ de la relation, est un grand moment de mise en scène et de jeu d’acteurs – tout en regards fuyants – sur un fond musical envoûtant et excitant : un grand moment ! Il faut de surcroit remarquer la qualité de jeu d’Emmanuelle Bercot – tantôt attendrie, tantôt au bord de la crise, et même parfois hystérique – et de Vincent Cassel – arrogant et magnétique, drôle et incroyablement à l’aise dans son jeu.

Il est évident qu’un bon film sur une histoire d’amour n’est pas obligé de représenter la relation idéale, et les passions malsaines ont toujours eu leur place dans le cinéma, et la littérature avant lui ! Mais ici, la vision de l’amour est très réduite, il est conçu comme un entre soi égoïste, sans cesse défini par un « être heureux ensemble » qui n’a pas de sens, c’est-à-dire pas de direction. Cet amour né en boîte de nuit n’évolue qu’en deux lieux : la chambre à coucher et le groupe d’ « amis » (une bande de bobos toxicos qui partage son temps entre faire la fête et faire des tentatives de suicide) ; l’intimité se réduit à la capacité qu’on a d’échanger des remarques graveleuses, sans jamais oser se confier vraiment, avec humilité, à l’autre. Même si ce défaut est principalement celui de Georgio (grand méchant homme manipulateur), il est aussi celui de Tony qui avoue ne tenir à sa relation que par lâcheté, simplement parce qu’à son âge il lui fallait quelqu’un. C’est tragique d’être célibataire à 35-40 ans, et l’on compatit avec le personnage, mais elle l’utilise aussi, cet homme qui n’est qu’un faire valoir, et un géniteur !

Si la passion est évoqué dans Mon Roi avec beaucoup de virtuosité, l’amour, lui, censé être le personnage principal, est très fade, réduit et en rien transcendant. La bêtise et l’égoïsme des personnages transforment en deux heures de temps notre identification et notre compassion en un dégoût distant… aimez-vous ou faites-vous du mal, je ne veux plus le savoir !