Monsieur Papa

Film : Monsieur Papa (2011)

Réalisateur : Kad Mérad

Acteurs : Kad Merad (Robert Pique), Michèle Laroque (Marie Vallois), Gaspard Meier-Chaurand (Marius), Vincent Perez (Jean-Laurent)... .

Durée : 01:30:00


Un film au thème profond mais qui rate sa cible tant sur le fond que sur la forme.

Incontestablement l'idée est originale !
Inventer un papa à un enfant qui en manque dans le but de l'en dégoûter, ce n'est pas simplement une idée stupide mais également, à n'en pas douter, un thème amusant de film ! C'est donc sur cette vague que comptait surfer le talentueux Kad Merad. Mais l'excellence de l'acteur allait-elle entraîner celle du réalisateur ? On déchante. Les acteurs sont bons, le thème est jubilatoire, la musique excellente, mais rien n'y fait... La mayonnaise ne prend pas... On sent bien, pétard, qu'il ne manque presque rien ! Mais quand ça ne veut pas, que voulez-vous, ça ne veut pas ! Que le rythme soit lent n'est pas un mal en soi, bien au contraire ! On pourrait à loisir s'appesantir sur la profondeur des dialogues mais gare aux vertiges : vous n'y trouverez que du creux. Non qu'ils soient sans objet, bien sûr (le thème est assez riche pour lâcher quelques miettes de profondeur au creux du script), mais ils sont plats, sans formes, sans rondeurs, sans voluptés. On aimerait se faire
toucher par une langue française sobre mais d'une justesse chirurgicale, se laisser envelopper dans une ambiance poignante, s'interroger sur le sens de la vie... Rien, ou pas grand chose...

Pourtant, au milieu des deux talents que sont Kad Merad et Michèle Laroque, le petit Gaspard Meier-Chaurand, dont c'est le premier film, relève correctement le défi : il joue assez juste, même si ses expressions manquent parfois cruellement d'intensité.


Sur le fond la question est intéressante. L'objectif est de montrer les graves problèmes soulevées par la monoparentalité,
et d'essayer d'y apporter des solutions. Pour Kad Merad, «  c’est un film qui parle d’amour et de solitude. De famille et du délicat rapport mère-enfant. De mensonge et de non-dit. De liberté aussi. Marie Vallois est une femme libre qui cherche à inventer ce qui n’existe pas pour faire plaisir à son fils. » (in Dossier de presse) En l’occurrence, la réponse au problème est celle de la famille recomposée. On aurait pu aussi se dire qu'une solution aurait été pour la femme de ne pas coucher avec un inconnu, même dans un accès de tristesse, ou au moins de garder les coordonnées d'une personne à laquelle elle se livre toute entière le temps de faire un enfant, mais enfin, une famille recomposée, c'est bien aussi ! Kad Merad l'a dit : son objectif est de montrer que la famille du sang n'est pas la seule possible. Sauf que le spectateur sort avec un goût d'inachevé : Robert et Marie ne finissent pas ensemble. On aimerait dire que c'est l'absence de happy end qui
heurte notre sens « petit bourgeois, » mais on comprend bien, une fois ressaisi, que le film finit sur un enfant qui aura pour tout avenir celui d'un enfant de parents divorcés. Quelle maigre consolation !


L'attitude de Marie est d'ailleurs assez irresponsable. Non qu'il faille imposer à cette malheureuse héroïne le tranchant d'une condamnation impitoyable, mais quand on fait des bêtises (coucher avec un inconnu, avec lequel on ne garde pas de contact, qu'on n'essaie pas de retrouver, etc.), on assume ! C'est d'ailleurs ce qu'elle finit par faire à la fin du film, poussée dans ses retranchements par l'attitude obstinée du petit garçon. Elle lui avoue tout. Ne valait-il pas
mieux le faire tout de suite ? Ce pourrait être un sens donné au film, qui montrerait ainsi les conséquences des mensonges, fussent-ils les conséquences de bonnes intentions. Mais lors de sa campagne de promotion, Michèle Laroque défendait sur TF1 une autre position. Selon elle, on n'est parfois pas assez fort pour dire la vérité, puis vient un moment où cette force voit le jour, et où il devient possible d'être honnête. Pour avoir le mérite d'être le fruit d'une réflexion, ce qui n'est jamais mal, un tel raisonnement fait penser à un sportif qui commencerait à se mettre en condition après la compétition. Car l'âge adulte est parsemé de terribles difficultés que l'éducation reçue aurait dû préparer à affronter, et si le bonheur est le but de tout homme, si la vie est une mer qui connaît bien des ouragans, comment faire de plus beau cadeau que celui de préparer l'enfant à les affronter ?

Bien sûr, certaines personnes n'ont pas la chance de recevoir une telle éducation et, même si c'était le cas, il est naturel que les êtres humains collectionnent des faiblesses qui les mettent en amont à l'abri des critiques rigoristes. Mais on décèle chez cette femme une certaine opiniâtreté à monter des bateaux qui prennent l'eau. N'a-t-elle pas maintes fois la possibilité de revenir sur ses mensonges, sans qu'elle y songe un instant ? Michèle Laroque explique : « Ce qui est touchant c’est la façon dont elle s’accroche vaille que vaille à sa mauvaise idée. Elle refuse de voir la réalité. Mais j’aime qu’elle possède une éthique et un vrai courage. » Euh.. L'intrus était les mots « éthique » et « courage. »

Et que dire de Robert, présenté comme un
homme modèle alors qu'il accepte de se prêter à cette mascarade par pur intérêt personnel : celui d'obtenir un emploi ? Difficile d'être aussi optimiste que Kad Merad : «  Certes, lui inventer un père n’est pas la meilleure idée à avoir mais finalement, c’est grâce à cette liberté de faire autrement qu’elle s’octroie que Marius va rencontrer, contre toute attente, une véritable figure paternelle. »


Comment dès lors ne pas avoir de peine au contact du triste spectacle d'un enfant qui vit au milieu de menteurs, qui s'y attache malgré tout par affection (comment l'en blâmer ?) pour finalement gagner le droit d'avoir des parents unis par le seul amour qu'ils lui
portent, insuffisant à lui offrir la stabilité d'un foyer uni ?

Michèle Laroque cherche la sortie du labyrinthe : « On voit bien que personne n’a raison, personne n’a tort mais que chacun fait comme il peut. Et c’est ce qui est vrai et émouvant. » Ha bah oui là c'est sûr, ce n'est même plus la peine de réfléchir !


Pour sûr qu'on aimerait s'émouvoir Michèle ! Mais on n'y arrive pas ! Le fond, comme la forme, laisse un arrière-goût d'inachevé...


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Raphaël Jodeau