Des décors éclatants, des costumes « flashy » à souhait, des plans joliment contrastés, des paysages magnifiques aux couleurs saturées, on dirait presque de la peinture naïve. Wes Anderson présente Rhode Island sous son meilleur jour, à commencer bien entendu par la baie surnommée « Moorise Kingdom, » repère de nos deux jeunes tourtereaux en vadrouille.

La réalisation n'est d'ailleurs pas la seule naïveté du film. Dans un enrobage sucré de couleurs chatoyantes, deux jeunes adolescents découvrent avec candeur la passion. Ils se voient, se plaisent et, solidaires dans l'exclusion, entreprennent de se retrouver en catimini pour mûrir leur amitié. Autour d'eux, le monde est cruel. Les adultes se trompent et s'abhorrent, les autres enfants sont des sbires impitoyables à la solde d'un raisonnable que le spectateur apprend à détester, et même les éléments naturels semblent accompagner la tornade psychologique qui se déchaîne contre eux.

Inhumain est celui qui leur reprocherait leur égoïsme, complice celui qui prendrait le parti des adultes (loin d'être irré prochables d'ailleurs), intolérant obsédé celui qui écarquillerait ses yeux devant ces attouchements adolescents et l'étalage complaisant de ces charmes enfantins, rabat-joie celui qui penserait que deux gamins n'ont pas encore en eux de quoi construire leur bonheur, effronté surtout, celui qui irait contre les miaulements admiratifs de la croisette.

Je suis donc tout cela, malgré la beauté des images, le scénario accompli, la fraîcheur du jeu d'acteurs, les musiques superbes et les décors enchanteurs. Si le fond avait épousé la forme, ce film serait sans aucun doute un chef d'oeuvre.

Mais il n'est qu'un magnifique écrin sans bijou.