On ne choisit pas sa famille

Film : On ne choisit pas sa famille (2011)

Réalisateur : Christian Clavier

Acteurs : Christian Clavier (César), Jean Reno (Luix), Muriel Robin (Kim), Helena Noguerra (Alex)

Durée : 01:43:00


Un film militant pour le droit d'adoption pour les couples homosexuels, rarement drôle malgré l'excellent casting qui le porte à bout de bras.

À écouter Jean Réno, « traiter de l’homoparentalité dans une comédie très grand public est inédit. Ceux qui y sont réfractaires seront sans doute
surpris de voir que le film n’est pas militant, » –ce à quoi je réponds : On ne choisit pas sa famille est incontestablement un film militant. Il s'agit pour Christian Clavier, dont c'est le premier film, et Muriel Robin, qui a fait en 2009 son coming out sur TV Grandes Chaînes en assumant son lesbianisme, de défendre le droit à l'adoption des couples homosexuels. « L’homoparentalité est un sujet de mœurs actuel, explique le réalisateur. Quand on se demande si c’est bien ou pas que deux personnes du même sexe puissent adopter des enfants, les réactions divergent. Pourtant, c’est une réalité : beaucoup de couples d’hommes ou de femmes ont envie d’adopter. Et il y a beaucoup d’enfants qui seraient plus heureux dans leur nouveau foyer que dans des orphelinats. Il me semblait intéressant d’aborder cette problématique. » Muriel Robin enfonce le
clou : « Faut-il qu’un enfant ait forcément un papa et une maman ? Non ! »

Le débat est ouvert depuis bien longtemps et avance inexorablement sous la pression de lobbies puissants, qui sont parvenus entre autres faits d'armes à faire adopter un PACS qui coûta cher à Lionel Jospin, et une loi du 30 décembre 2004 réprimant toute injure ou toute diffamation perpétrée contre une personne à raison de son orientation sexuelle, vocable si flou qu'il permet de museler selon les humeurs tout opposant à ce droit d'adoption. Pour Jean Réno, « il n’est plus question de se demander si deux femmes ont le droit de s’aimer. Aujourd’hui, la question est de savoir si elles peuvent adopter et être de bons parents à l’image des couples hétérosexuels. C’est un vrai thème d’actualité, sujet à débat. »
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Pour ce faire, la production (dont Christian Clavier décidément très investi dans ce film) a donc sorti la grosse Bertha : un casting riche d'acteurs célèbres comme Jean Réno, Muriel Robin ou Christian Clavier, ou moins célèbres mais engagés comme Helena Noguerra, petite sœur de la chanteuse Lio et réalisatrice de Peep Show Hero (2008), film pornographique de la série X Femmes diffusé sur Canal +.

Mais ce casting n'est pas la seule arme des militants. Le scénario est tout entier tendu vers la cause et, pour ce faire, la recette est classique, et payante !

Tout d'abord il s'agit de représenter de manière caricaturale toutes les personnes qui pourraient être opposées aux homosexuels de manière générale. On a donc droit à la totale : un concessionnaire automobile, incarné par Christian Clavier, parfaitement
idiot et qui n'accepte que très difficilement les tendances homosexuelles de sa sœur (« avec ce personnage à la limite de l’homophobie, raconte l'acteur, je me retrouvais dans un Feydeau ! »), un médecin à la violence sourde rendu parfois rigolo par le jeu de Jean Réno, des religieuses catholiques un peu niaises qu'il ne fallait surtout pas trop ridiculiser pour avoir l'air objectif (Muriel Robin salue d'ailleurs respectueusement les moines bouddhistes, pourtant hostiles à l'homosexualité, qu'elle croise dans l'aéroport). Pour Helena Noguerra, la prise en charge d'un enfant est la même qu'il s'agisse d'une communauté de religieuses ou de deux femmes lesbiennes : « Le grand public va pouvoir se positionner par rapport à la question et sans doute l’accepter parce que les interrogations soulevées sont simples. En tout cas pour moi elles le sont ! Je suis favorable à l’
homoparentalité. Ces enfants ont surtout besoin d’amour. À partir du moment où ils n’ont pas de géniteurs homme-femme qui s’occupent d’eux à l’orphelinat mais qu’ils ont beaucoup de religieuses pour « parents » comme dans le film, je préfère qu’ils aient deux femmes désireuses de fonder une famille. » Sauf, chère Helena, que les religieuses n'ont aucune prétention d'être les parents de ces enfants, même adoptifs. Si elles le sont, c'est d'un point de vue spirituel uniquement et afin de prodiguer un foyer à ces petits orphelins. Si elles se prenaient pour leurs parents, pourquoi se battraient-elles à ce point pour les faire adopter ?

Sur ce droit d'adoption plus spécifiquement, le film en profite également pour égratigner au passage les homosexuels qui se dégonflent devant l'idée d'entrer dans l'illé
galité pour faciliter l'adoption par leurs semblables.

Au milieu de ce panier de vilains crabes, deux lesbiennes épanouies, elle avocate et elle technicienne du son, joyeuses, pimpantes, qui s'aiment d'un amour sans nuages et que la méchante société empêche d'adopter. Ignorant la supercherie (le frère d'une des deux qui fait croire qu'il est le mari de l'autre pour pour pouvoir adopter) et chargé d'évaluer le couple, le médecin note d'ailleurs sur son carnet « Femme maternelle, homme beaucoup de défauts. » C'est bien la preuve que les homosexuels sont au moins aussi aimants que les couples hétérosexuels ! Osez dire le contraire, bande d'homophobes !

Quand aux sociétés, elle sont méchantes bien sûr car ces deux pauvres agnelles seront opposées à la brutalité d'un système impitoyable, français d'abord
qui interdit l'adoption et force les deux femmes à faire de faux papiers pour parvenir à leurs fins, thaïlandais ensuite, dont la brutalité des douaniers vise à décourager les plus motivés. « Il est question d’homoparentalité, explique Christian Clavier, deux femmes veulent adopter une petite Thaïlandaise. J’ai choisi ce pays pour sa photogénie, pour son accueil incroyable et parce que ce n’est pas un état de droit. En cas de transgression de la loi sur l’adoption on court un très grand danger. »

Bien sûr tous ces obstacles ne viendront pas à bout de la détermination de nos deux héroïnes, qui finiront par adopter la petite Maï en déjouant la vigilance de tout le monde. Pour le producteur-réalisateur, « ces deux femmes ont un vrai désir d’enfant. Elles ont une dimension maternelle importante. Elles vont donc dé
fier les autorités par nécessité en s’aidant d’un personnage complètement décalé. » La rencontre entre la petite fille et ses adoptants est d'ailleurs la scène la mieux négociée du film. Elle parvient ainsi à susciter pendant quelques courtes secondes une réelle émotion.

Bien évidemment, cette petite Maï vivra très heureuse, entouré de ses deux mamans et de son papa qui est au passage le frère d'une des deux mamans (tout va bien !).

Sur la forme on aura compris que le genre adopté est celui de la comédie. Là, ce n'est pas folichon. Les scènes amusantes sont déjà, à quelques exceptions près, dans la bande-annonce du film, et quoi qu'il en soit, le tout est poussif et porté à bout de bras par les acteurs.

Homosexuels de tous pays et de toutes couleurs, allez donc voir ce film
pour soutenir la cause et donner de l'argent à votre nouveau champion ! Car le public ne se laissera pas prendre au jeu : un mauvais film est un film mauvais...