Quand Jean-Jacques Annaud fait quelque chose, il le fait bien. Comme il n’est plus besoin de présenter ce talentueux
réalisateur, je le présente quand même. Le premier fait d’armes du bonhomme a été La Guerre du feu en 1981. Les films auxquels il a participé avant ne sont pas vraiment entrés dans l’histoire, sauf peut-être Je suis timide, mais je me soigne, avec Pierre Richard en 1978, pour lequel il n’était que scénariste. Puis il enchaîne les succès. C’est L’Ours, adaptation du roman de James Oliver Curwood, Le Grizzli, qui rafle trois Césars ; c’est aussi Les Ailes du courage en 1996, Sept ans au Tibet en 1997, Crinière au vent, une âme indomptable en 2001, Stalingrad en 2001, Deux frères en 2004, pour ne citer que les plus connus. Bref, du lourd, du très lourd. Même quand les animaux ne sont pas le sujet principal du film, il trouve
toujours le moyen de nous en mettre une belle lampée (cf. le loup au début de Stalingrad).
Dans Or noir, Jean-Jacques Annaud s’attaque à un autre animal, passionnant à étudier aussi : l’homme. Rassurez-vous : vous aurez droit à un rapace et à une flopée de chameaux quand même, mais l’aventure est avant tout humaine.
Dans les années 30, le désert a en effet été le théâtre d’un bouleversement économique extraordinaire : la découverte de gigantesques puits de pétrole. Sous l’impulsion de Tarak Ben Ammar, le producteur qui commit Hors-la-loi en 2010, ce désert sera pour le film celui du Qatar. Naturels, les décors sont donc grandioses et magnifiques, comme dans Lawrence d’Arabie, de David
Lean en 1962, dont Or noir reprend certains accents musicaux (en faisant toutefois preuve parfois d’une certaine audace).
À cette époque un accord a été signé entre deux émirs en guerre, qui proclament un bout de territoire neutre. C’est le « corridor jaune. » L’accord stipule également que les deux jeunes garçons de l’un d’eux devront désormais habiter chez l’autre, afin de prévenir tout nouveau conflit.
Seulement il y a un problème : ce corridor jaune regorge de pétrole. Quand l’émir qui a accueilli les enfants l’apprend, il fait fi du traité et décide de permettre aux Américains de l’exploiter pour en tirer des bénéfices. Son ancien adversaire constate que l’accord n’a pas été respecté et la
guerre est imminente.
Pour Jean-Jacques Annaud, le titre du film reflète le clair-obscur de ce trésor empoisonné : « Or noir a le mérite d’évoquer le coupable du conflit, le pétrole, tout en suggérant le dilemme du personnage principal, un jeune homme partagé entre ses deux pères, entre deux conceptions opposées de la vie et du futur, entre l’éclat de l’objet qui scintille au soleil et son ombre chargée d’incertitude et de tourments. »
Inspiré du livre La Soif noire, de Hans Ruesch, le film raconte également comment le cadet des deux garçons et la fille de l’émir sont tombés amoureux. Celle-ci souffle alors à son père de sceller l’accord
qui le lie à son rival par un mariage. L’influence de la jeune femme sur son père est un mélange de force et de tendresse qui opère tout au long du film et dévoile un aspect réellement méconnu de la culture arabe. Alors qu’on voudrait, autour de la polémique sur le niqab, penser la femme musulmane comme la victime d’un mutisme forcé, on oublie souvent que les femmes arabes jouent un rôle réel quoique non officiel. Le film, de l’avis de tous, va cependant plus loin. Il s’agit bel et bien d’une volonté quasi militante de présenter un islam sous un jour favorable. Jean-Jacques Annaud assume le rôle : « Mon désir de raconter un jour une histoire où la représentation des musulmans échapperait aux clichés hostiles, échapperait à la représentation de plus en plus fréquente désormais de gens bard&
eacute;s de ceintures d’explosifs, a grandi d’année en année. »
L’acteur principal, Tahar Rahim, apprécie cette « autre lecture du Coran. » Pour lui, « dans Or Noir il est nettement indiqué, montré, que les actes violents ne sont pas prescrits par le Coran, plutôt le contraire. »
L’histoire tourne donc autour de ces deux personnages (le frère aîné se faisant tuer par le fils de l’émir, lequel meurt à son tour), ainsi que des visions tout à fait contradictoires de leurs pères. L’un veut respecter les traditions et se méfie de l’argent comme de la peste, tandis que l’autre, dont le royaume est rongé par la maladie,
souhaite utiliser le pétrole à bon escient. « Il y a deux figures qui s’opposent dans le film, explique très bien Antonio Banderas, interprète d’un des deux émirs. Tout d’abord, un homme solide, d’une grande droiture, très religieux et dont les principes moraux ont été forgés à travers les siècles. Il estime que les Arabes ne devraient pas s’engager dans cette voie et qu’ils ne devraient donc pas profiter de l’argent du pétrole, mais qu’ils devraient conserver leurs traditions intactes. Ensuite, il y a mon personnage qui se prend pour un homme extrêmement pragmatique qui considère l’avenir d’une toute autre manière. Le film raconte l’affrontement entre ces deux forces. C’est un combat âpre et j’incarne, en quelque sorte, l’un des deux bords. »
Le jeune homme devra donc concilier les deux parties. Mais le dénouement est un peu facile. S’il l'est dans le livre, il aurait mérité d’être un peu plus travaillé dans le film. Attention les lignes qui vont suivre révèlent un pan du scénario, mais l’analyse doit parfois sacrifier à cette pratique pour sauver son honneur. Je m’y livre donc et constate que, comme par hasard, le fils d’un des émirs épouse la fille de l’autre. Voilà qui est fort heureux pour la réunification des deux royaumes, mais risque de se heurter à un certain nombre d'obstacles, que le film va lever comme par enchantement. Le jeune homme n’est pas le fils aîné, ce qui lui retire tout droit d’aînesse, mais son frère va mourir. Qu’à cela ne tienne ! Il reste encore le frère aîné de la jeune femme. Paf !
Le voilà qui meurt à son tour ! Le sort sourit à nos colombes. Le spectateur souhaite de tout son cœur que le jeune couple parvienne à trouver un compromis équilibré entre les traditions et l’enrichissement, mais il reste le père du jeune homme, farouchement opposé à l’utilisation du pétrole comme source de richesse. Pan ! Le voilà qui tombe, fauché par un coup de fusil qui n’était pas pour lui. Bref, tout se combine un peu trop bien pour le jeune prince, qui va pouvoir prendre la direction des émirats en toute quiétude. Le happy end tombe comme un hachoir, et sape toute infortune pour sa cause !
Malgré tout, l’évolution du personnage est bien rendue. Comme l’explique Jean-Jacques Annaud en parlant du personnage et de son interprète : « d’abord
intellectuel timide et maladroit,il devient au fil du film un guerrier vengeur, cela a été extrêmement difficile pour lui de tenir les rênes du rôle, car nous avons tourné dans un désordre chronologique absolu. Mais Tahar n’a jamais lâché. Il est aussi très courageux physiquement. »
Les débats qui opposent ce jeune prince aux conseillers religieux de son père sont assez déroutants. Les anciens connaissent le Coran par cœur et sont opposés à tout progrès en son nom. On aurait tendance, dans notre siècle résolument progressiste, à considérer que cette réaction est un réflexe obscurantiste que l’Occident a connu pendant son Moyen Âge. Mais cette approche trouve ici sa limite, car la période médié
vale était toute entière tendue vers le progrès, quand bien même les populations seraient par nature conservatrices. Même si ce n’est pas l’avis d’une certaine pensée caricaturale et idéologisée, la médecine par exemple, si elle a connu des débats et des polémiques nécessaires à tout progrès, n’a jamais été entravée comme elle le fut dans le film qui se situe, rappelons-le, au XXe siècle ! Le plus étonnant est d’ailleurs que les musulmans ont beaucoup contribué au développement des connaissances médicales !
S’agit-il alors d’une caricature faite par le film ? C’est possible. Mais la fermeture de ces hommes aux richesses du pétrole semble due, le film en témoigne aussi, plus à une méfiance de l’argent
qu’à un obscurantisme. Jean-Jacques Annaud raconte dans le dossier de presse un épisode qui l’a marqué : « Je suis en repérage dans le Sud tunisien, raconte-t-il. Nous tombons sur un ancien site de forage de la compagnie Elf. Là, il y a un vieux gardien, qui ne garde pas grand-chose, des anciens puits, quelques cabanes. Le vieux gardien me dit : "Monsieur, vous voyez notre bonheur de ne pas avoir trouvé de pétrole ? Nous avons été obligés de travailler, d’apprendre, d’améliorer notre artisanat, de développer notre tourisme. Et puis nous avons une agriculture, nous n’aurions rien fait de tout cela si le pétrole avait été là. Nos voisins ont le pétrole. Ils ont la richesse. Nous, nous avons le savoir. Il vaut mieux avoir le savoir que l’argent." Le vieil homme avec ses mots simples venait de me faire un discours gé
opolitique éblouissant. »
Il y a dans ce film un casting étonnant (Antonio Banderas est d’origine espagnole, Mark Strong, qui interprète un des émirs, est d’origine anglaise). Jean-Jacques Annaud tente de l’expliquer par la diversité ethnique du lieu : « J’ai voulu montrer dans la diversité des personnages la diversité des origines dans la péninsule arabique. Il y a des gens venus de tous côtés. [...] J’ai donc voulu reconstituer cette extraordinaire richesse d’appartenances ethniques, j’ai voulu que le melting pot arabe soit sur le visage des acteurs. J’ai donc pris un directeur de casting en France où il existe une très grande communauté maghrébine, j’ai rappelé mon directeur de casting de Stalingrad
span> pour qu’il rencontre à Berlin des acteurs de la communauté turque, et j’ai engagé enfin un directeur de casting égyptien qui a trouvé des interprètes au Liban, en Syrie, en Égypte. »
Pas sûr que l’argument soit bien payant, mais Antonio Banderas a l’air de s’y trouver comme chez lui. « En tant qu’Andalou, explique-t-il, J’ai toujours entretenu, dans ma culture et dans ma propre histoire, une certaine proximité avec le monde arabo-musulman. C’est une civilisation qui m’a toujours beaucoup intéressée. [...] Cela fait donc partie intégrante de ma culture, et c’est sans doute aussi inscrit dans mes gènes, d’une certaine façon. »
Reste à r&
eacute;pondre à une question qui m’a taraudé pendant tout le film. Pourquoi Jean-Jacques Annaud, pionnier de la réalisation en 3D avec son film Les Ailes du courage précité, n’a-t-il pas choisi de tourner Or noir en 3D ? La réponse du réalisateur est péremptoire : « La plupart du temps, je considère aujourd’hui la 3D comme une surenchère, une facilité que je refuse. »
Oui chef, bien chef.
Quand Jean-Jacques Annaud fait quelque chose, il le fait bien. Comme il n’est plus besoin de présenter ce talentueux
réalisateur, je le présente quand même. Le premier fait d’armes du bonhomme a été La Guerre du feu en 1981. Les films auxquels il a participé avant ne sont pas vraiment entrés dans l’histoire, sauf peut-être Je suis timide, mais je me soigne, avec Pierre Richard en 1978, pour lequel il n’était que scénariste. Puis il enchaîne les succès. C’est L’Ours, adaptation du roman de James Oliver Curwood, Le Grizzli, qui rafle trois Césars ; c’est aussi Les Ailes du courage en 1996, Sept ans au Tibet en 1997, Crinière au vent, une âme indomptable en 2001, Stalingrad en 2001, Deux frères en 2004, pour ne citer que les plus connus. Bref, du lourd, du très lourd. Même quand les animaux ne sont pas le sujet principal du film, il trouve
toujours le moyen de nous en mettre une belle lampée (cf. le loup au début de Stalingrad).
Dans Or noir, Jean-Jacques Annaud s’attaque à un autre animal, passionnant à étudier aussi : l’homme. Rassurez-vous : vous aurez droit à un rapace et à une flopée de chameaux quand même, mais l’aventure est avant tout humaine.
Dans les années 30, le désert a en effet été le théâtre d’un bouleversement économique extraordinaire : la découverte de gigantesques puits de pétrole. Sous l’impulsion de Tarak Ben Ammar, le producteur qui commit Hors-la-loi en 2010, ce désert sera pour le film celui du Qatar. Naturels, les décors sont donc grandioses et magnifiques, comme dans Lawrence d’Arabie, de David
Lean en 1962, dont Or noir reprend certains accents musicaux (en faisant toutefois preuve parfois d’une certaine audace).
À cette époque un accord a été signé entre deux émirs en guerre, qui proclament un bout de territoire neutre. C’est le « corridor jaune. » L’accord stipule également que les deux jeunes garçons de l’un d’eux devront désormais habiter chez l’autre, afin de prévenir tout nouveau conflit.
Seulement il y a un problème : ce corridor jaune regorge de pétrole. Quand l’émir qui a accueilli les enfants l’apprend, il fait fi du traité et décide de permettre aux Américains de l’exploiter pour en tirer des bénéfices. Son ancien adversaire constate que l’accord n’a pas été respecté et la
guerre est imminente.
Pour Jean-Jacques Annaud, le titre du film reflète le clair-obscur de ce trésor empoisonné : « Or noir a le mérite d’évoquer le coupable du conflit, le pétrole, tout en suggérant le dilemme du personnage principal, un jeune homme partagé entre ses deux pères, entre deux conceptions opposées de la vie et du futur, entre l’éclat de l’objet qui scintille au soleil et son ombre chargée d’incertitude et de tourments. »
Inspiré du livre La Soif noire, de Hans Ruesch, le film raconte également comment le cadet des deux garçons et la fille de l’émir sont tombés amoureux. Celle-ci souffle alors à son père de sceller l’accord
qui le lie à son rival par un mariage. L’influence de la jeune femme sur son père est un mélange de force et de tendresse qui opère tout au long du film et dévoile un aspect réellement méconnu de la culture arabe. Alors qu’on voudrait, autour de la polémique sur le niqab, penser la femme musulmane comme la victime d’un mutisme forcé, on oublie souvent que les femmes arabes jouent un rôle réel quoique non officiel. Le film, de l’avis de tous, va cependant plus loin. Il s’agit bel et bien d’une volonté quasi militante de présenter un islam sous un jour favorable. Jean-Jacques Annaud assume le rôle : « Mon désir de raconter un jour une histoire où la représentation des musulmans échapperait aux clichés hostiles, échapperait à la représentation de plus en plus fréquente désormais de gens bard&
eacute;s de ceintures d’explosifs, a grandi d’année en année. »
L’acteur principal, Tahar Rahim, apprécie cette « autre lecture du Coran. » Pour lui, « dans Or Noir il est nettement indiqué, montré, que les actes violents ne sont pas prescrits par le Coran, plutôt le contraire. »
L’histoire tourne donc autour de ces deux personnages (le frère aîné se faisant tuer par le fils de l’émir, lequel meurt à son tour), ainsi que des visions tout à fait contradictoires de leurs pères. L’un veut respecter les traditions et se méfie de l’argent comme de la peste, tandis que l’autre, dont le royaume est rongé par la maladie,
souhaite utiliser le pétrole à bon escient. « Il y a deux figures qui s’opposent dans le film, explique très bien Antonio Banderas, interprète d’un des deux émirs. Tout d’abord, un homme solide, d’une grande droiture, très religieux et dont les principes moraux ont été forgés à travers les siècles. Il estime que les Arabes ne devraient pas s’engager dans cette voie et qu’ils ne devraient donc pas profiter de l’argent du pétrole, mais qu’ils devraient conserver leurs traditions intactes. Ensuite, il y a mon personnage qui se prend pour un homme extrêmement pragmatique qui considère l’avenir d’une toute autre manière. Le film raconte l’affrontement entre ces deux forces. C’est un combat âpre et j’incarne, en quelque sorte, l’un des deux bords. »
Le jeune homme devra donc concilier les deux parties. Mais le dénouement est un peu facile. S’il l'est dans le livre, il aurait mérité d’être un peu plus travaillé dans le film. Attention les lignes qui vont suivre révèlent un pan du scénario, mais l’analyse doit parfois sacrifier à cette pratique pour sauver son honneur. Je m’y livre donc et constate que, comme par hasard, le fils d’un des émirs épouse la fille de l’autre. Voilà qui est fort heureux pour la réunification des deux royaumes, mais risque de se heurter à un certain nombre d'obstacles, que le film va lever comme par enchantement. Le jeune homme n’est pas le fils aîné, ce qui lui retire tout droit d’aînesse, mais son frère va mourir. Qu’à cela ne tienne ! Il reste encore le frère aîné de la jeune femme. Paf !
Le voilà qui meurt à son tour ! Le sort sourit à nos colombes. Le spectateur souhaite de tout son cœur que le jeune couple parvienne à trouver un compromis équilibré entre les traditions et l’enrichissement, mais il reste le père du jeune homme, farouchement opposé à l’utilisation du pétrole comme source de richesse. Pan ! Le voilà qui tombe, fauché par un coup de fusil qui n’était pas pour lui. Bref, tout se combine un peu trop bien pour le jeune prince, qui va pouvoir prendre la direction des émirats en toute quiétude. Le happy end tombe comme un hachoir, et sape toute infortune pour sa cause !
Malgré tout, l’évolution du personnage est bien rendue. Comme l’explique Jean-Jacques Annaud en parlant du personnage et de son interprète : « d’abord
intellectuel timide et maladroit,il devient au fil du film un guerrier vengeur, cela a été extrêmement difficile pour lui de tenir les rênes du rôle, car nous avons tourné dans un désordre chronologique absolu. Mais Tahar n’a jamais lâché. Il est aussi très courageux physiquement. »
Les débats qui opposent ce jeune prince aux conseillers religieux de son père sont assez déroutants. Les anciens connaissent le Coran par cœur et sont opposés à tout progrès en son nom. On aurait tendance, dans notre siècle résolument progressiste, à considérer que cette réaction est un réflexe obscurantiste que l’Occident a connu pendant son Moyen Âge. Mais cette approche trouve ici sa limite, car la période médié
vale était toute entière tendue vers le progrès, quand bien même les populations seraient par nature conservatrices. Même si ce n’est pas l’avis d’une certaine pensée caricaturale et idéologisée, la médecine par exemple, si elle a connu des débats et des polémiques nécessaires à tout progrès, n’a jamais été entravée comme elle le fut dans le film qui se situe, rappelons-le, au XXe siècle ! Le plus étonnant est d’ailleurs que les musulmans ont beaucoup contribué au développement des connaissances médicales !
S’agit-il alors d’une caricature faite par le film ? C’est possible. Mais la fermeture de ces hommes aux richesses du pétrole semble due, le film en témoigne aussi, plus à une méfiance de l’argent
qu’à un obscurantisme. Jean-Jacques Annaud raconte dans le dossier de presse un épisode qui l’a marqué : « Je suis en repérage dans le Sud tunisien, raconte-t-il. Nous tombons sur un ancien site de forage de la compagnie Elf. Là, il y a un vieux gardien, qui ne garde pas grand-chose, des anciens puits, quelques cabanes. Le vieux gardien me dit : "Monsieur, vous voyez notre bonheur de ne pas avoir trouvé de pétrole ? Nous avons été obligés de travailler, d’apprendre, d’améliorer notre artisanat, de développer notre tourisme. Et puis nous avons une agriculture, nous n’aurions rien fait de tout cela si le pétrole avait été là. Nos voisins ont le pétrole. Ils ont la richesse. Nous, nous avons le savoir. Il vaut mieux avoir le savoir que l’argent." Le vieil homme avec ses mots simples venait de me faire un discours gé
opolitique éblouissant. »
Il y a dans ce film un casting étonnant (Antonio Banderas est d’origine espagnole, Mark Strong, qui interprète un des émirs, est d’origine anglaise). Jean-Jacques Annaud tente de l’expliquer par la diversité ethnique du lieu : « J’ai voulu montrer dans la diversité des personnages la diversité des origines dans la péninsule arabique. Il y a des gens venus de tous côtés. [...] J’ai donc voulu reconstituer cette extraordinaire richesse d’appartenances ethniques, j’ai voulu que le melting pot arabe soit sur le visage des acteurs. J’ai donc pris un directeur de casting en France où il existe une très grande communauté maghrébine, j’ai rappelé mon directeur de casting de Stalingrad
span> pour qu’il rencontre à Berlin des acteurs de la communauté turque, et j’ai engagé enfin un directeur de casting égyptien qui a trouvé des interprètes au Liban, en Syrie, en Égypte. »
Pas sûr que l’argument soit bien payant, mais Antonio Banderas a l’air de s’y trouver comme chez lui. « En tant qu’Andalou, explique-t-il, J’ai toujours entretenu, dans ma culture et dans ma propre histoire, une certaine proximité avec le monde arabo-musulman. C’est une civilisation qui m’a toujours beaucoup intéressée. [...] Cela fait donc partie intégrante de ma culture, et c’est sans doute aussi inscrit dans mes gènes, d’une certaine façon. »
Reste à r&
eacute;pondre à une question qui m’a taraudé pendant tout le film. Pourquoi Jean-Jacques Annaud, pionnier de la réalisation en 3D avec son film Les Ailes du courage précité, n’a-t-il pas choisi de tourner Or noir en 3D ? La réponse du réalisateur est péremptoire : « La plupart du temps, je considère aujourd’hui la 3D comme une surenchère, une facilité que je refuse. »
Oui chef, bien chef.