Oseam

Film : Oseam (2003)

Réalisateur : Seong Baek-Yeop

Acteurs : les voix françaises de Magali Rosenzweig, Marine Boiron et Matéo Capelli. .

Durée : 01:15:00


La Corée du Sud a longtemps été le principal sous traitant des films d’animations américains et japonais, ce qui a permis la formation de nombreux experts, mais du même coup étouffé la production coréenne, tout juste bonne à plagier ses puissantes aînées. Depuis quelques années, des cinéastes indépendants, s’appuyant sur le savoir faire des techniciens, ont développé un cinéma d’animation réellement coréen, dont l’extraordinaire qualité a été reconnu dans le monde entier avec son chef d’œuvre, Mari Iyagi, de Sung-Gang Lee. Oseam se situe dans la ligné de ce dernier, celle de l’anime zen, avec une bonne dose d’onirisme et de poésie.
L’histoire du film est une vielle légende dont Jeong Chae-Bong, qui est un peu l’Andersen coréen, avait tiré un remarquable conte, devenu un grand classique. Ce qui a séduit Seong Baek-Yeop dans cette nouvelle, c’est qu’elle s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Notons au passage que c’est la première caractéristique des chefs d’œuvre du cinéma pour enfants, tels que Peter Pan, Le ballon rouge, ou la plupart des films de Myazaki. Mais Oseam n’atteint malheureusement pas ces sommets: les enfants seront décontenancés par une fin qu’ils ne comprendront pas, tandis que tous les rajouts effectués par Seong Baek-Yeop à l’œuvre originale pour donner au film la taille d’un long métrage, avec leur simplisme mélodramatique, laisseront les adultes de marbre face à ce qu’il faut bien appeler du remplissage.

A l’opposé, le traitement chromatique, qui a marqué tout les spectateurs, est vraiment remarquable. L’automne est traité avec des tons rouges et oranges et l’hiver avec des teintes blanches et bleues. Certaine scènes sont des petits miracles de beauté et de finesse, avec une richesse des coloris qui est cependant bien éloigné du formalisme d’un Hero.
Mais l’animation et la réalisation sont vraiment décevantes. Le mélange entre technique traditionnelle et animation en 2D aurait tout pour nous plaire si ne venait se greffer dessus une foule d’ effets très marqués, à peine bons pour une production télévisuelle: superposition d’image en guise d’animation, arrêt sur image, travelling par transparence, et même plusieurs bullet time (la caméra fait un pano-travelling sur une action au ralenti, comme dans Matrix). Cet affligeant melting-pot de tradition, d’académisme et de pseudo-modernité fait se demander si le film avait un budget suffisant ou si Seong Baek-Yeop savait vraiment ce qu’il voulait.
En résumé, c’est un film dont les défauts sont autant évidents que ses qualités, qui présente autant de scènes sublimes que de passages insupportables, et qui, dans sa banalité, est d’une originalité bienvenue, ce qui lui a valu d’être primé au festival d’Annecy.

«Je pense que même en dehors de la compréhension philosophique qui va avec le film et les éléments religieux, on peut simplement interpréter la fin de façon fantastique. » Voici les propos que tient le réalisateur dans le dossier de presse. Mais on peut sans doute aller plus loin en affirmant que c’est sa conception même du bouddhisme qui appartient à l’univers fantastique. Le film répond ainsi à un attrait pour le bouddhisme, religion sans vraiment de dogme et centré sur l’intériorité et le «ressenti». Il est certainement faux de croire que cette curiosité puisse être sans conséquence. La fin du film, où le garçon a une illumination et rentre au Nirvana, appelle de sérieuses réserves, malgré les propos du réalisateur. Ce bouddhisme de façade que projette certains artistes en intégrant des éléments de spiritualité et de méditation piochés ici ou là est dangereux à cause de sa trompeuse séduction. Le reste du film est sain, quoique un peu niais.

Benoît d'ANDRE