Warner Bros nous propose une genèse de l'histoire de Peter Pan, inconnue du conte original et jamais portée à l'écran jusqu'à présent. On découvre ainsi comment ce jeune garçon, orphelin (comme dans le célèbre Hook, de Disney), a débarqué dans le pays imaginaire pour en vivre le destin, comment il fit la connaissance de Lili La tigresse, Clochette, James Crochet et sa bande de potes dont l'obsession est de passer au fil de l'épée les fées, les enfants et tous les indiens qui traînent.
Pour cette version de l'histoire, la production a décidé de mettre les petits plats dans les grands. Des décors grandioses, des effets spéciaux à couper le souffle, une 3D irréprochable, un casting sincère et la caméra de Joe Wright, réalisateur entre autres d'Anna Karénine ou encore Orgueil et préjugés.
Le résultat embarque le spectateur dans une immersion très efficace.
Sur le fond, le film choisit des thèses pour le moins inattendues.
Le messianisme d'abord, puisque Peter, fils d'une femme nommée Marie, est clairement assimilé à un « messie », venu sauver le pays imaginaire des griffes du cruel Barbe Noire, en quête de poussière de fée pour obtenir une jeunesse éternelle (vu à quel point le type est cintré, on comprend combien sa jeunesse éternelle constitue une gêne pour toute personne normalement constituée).
N'allez pas croire cependant que ce messianisme serait d'inspiration catholique. C'est là un deuxième parti pris du film : l'orphelinat où vit Peter est tenu par des religieuses sadiques et égoïstes qui ne font pas reluire l'image de marque de l'Église catholique. La directrice, en particulier, est grosse, laide et s'empiffre de nourriture toute la journée alors qu'on est en période de disette. Elle est également méchante (ce qui ne l'empêche pas d'invoquer le Bon Dieu à l'appui de sa méchanceté) puisqu'elle adore faire sentir à Peter qu'il n'est qu'un petit orphelin sans destin. D'ailleurs, c'est elle qui fournit les pirates en chair fraîche, ce qui donne des frissons dans le dos. En prétendant dans le le dossier de presse recréer un univers cher à Dickens, la production ment effrontément puisque celui-ci avait pour l'Église catholique un grand respect. Et pour enfoncer le clou, le film n'hésite pas à jouer les sacrilèges puisque la cachette de la méchante religieuse ne s'ouvre que lorsque l'on tord le nez d'une statue de la Vierge Marie. Avoir inscrit une telle chose dans un scénario témoigne d'une volonté ferme de salir, et quand on pense qu'un enfant a dû faire ça au milieu d'adultes encourageants, on se demande vraiment quel esprit sous-tend le film.
S'il ne s'agit pas d'un messianisme catholique, donc, on imagine que la métaphore emprunte au messianisme juif, puisque c'est la seule religion qui attend encore un messie. Bizarre tout ça…
Le film enrobe ensuite le tout (et c'est là un caractère très actuel des films pour adolescents) dans un gnosticisme qui a déjà fait ses preuves. On sait en effet qu'initier le spectateur (le moldu ?) à des vérités qu'ignore le commun des mortels est très séduisant. Le public se sent différent, valorisé, caressé même. Il sait ce dont les autres n'ont même pas conscience ce qui, dans notre monde complotiste actuel, est particulièrement en vogue.
Même si ce ressort n'est absolument pas mauvais en soi, il était intéressant de le souligner.
Un des traits principaux de ce film est, incontestablement, son esthétique noire. Le Pays imaginaire est absolument merveilleux. Les lois de la gravité ne s'appliquent pas comme dans notre monde, les bateaux volent, les fées existent, les sirènes sont canons, les crocodiles géants, les oiseaux terrifiants, les forêts gigantesques, mais tout ceci est enfumé de noirceur et d'insécurité.
Au milieu de ce monde, la poussière de fée prend des allures ésotériques et, fringués comme des punks, passablement androgynes, sales, les pirates installent un malaise palpable qui ne permet pas à l'esprit, ainsi que le disait Maritain, de se reposer dans la beauté. On décèle même cet expressionnisme allemand qui fait la signature des films burtoniens.
On comprend que le film ait besoin de nourrir l'inquiétude au contact des pirates mais, finalement, rien ne permet au spectateur de goûter sereinement aux merveilles de ce pays fantastique. Même ce passage dans lequel James et Lili accomplissent le rituel tête-à-tête enamouré baigne dans une lumière étrange et peu rassurante. Quel dommage, quand on sait que la production en aurait eu les moyens !
Alors que la Warner claironne avoir fait un film pour enfants, la violence des images, la laideur des multiples dangers et le contexte anxiogène dans lequel il baigne refuse donc de facto le film à un jeune public qui, sans cela, aurait pu lui aussi se délecter de ce monde onirique. Les opi suivant seront-ils du même acabit ? L'avenir le dira. En attendant, ce film est une gigantesque claque qui laisse le spectateur un peu sonné et, sûrement, quelque peu perplexe.
Warner Bros nous propose une genèse de l'histoire de Peter Pan, inconnue du conte original et jamais portée à l'écran jusqu'à présent. On découvre ainsi comment ce jeune garçon, orphelin (comme dans le célèbre Hook, de Disney), a débarqué dans le pays imaginaire pour en vivre le destin, comment il fit la connaissance de Lili La tigresse, Clochette, James Crochet et sa bande de potes dont l'obsession est de passer au fil de l'épée les fées, les enfants et tous les indiens qui traînent.
Pour cette version de l'histoire, la production a décidé de mettre les petits plats dans les grands. Des décors grandioses, des effets spéciaux à couper le souffle, une 3D irréprochable, un casting sincère et la caméra de Joe Wright, réalisateur entre autres d'Anna Karénine ou encore Orgueil et préjugés.
Le résultat embarque le spectateur dans une immersion très efficace.
Sur le fond, le film choisit des thèses pour le moins inattendues.
Le messianisme d'abord, puisque Peter, fils d'une femme nommée Marie, est clairement assimilé à un « messie », venu sauver le pays imaginaire des griffes du cruel Barbe Noire, en quête de poussière de fée pour obtenir une jeunesse éternelle (vu à quel point le type est cintré, on comprend combien sa jeunesse éternelle constitue une gêne pour toute personne normalement constituée).
N'allez pas croire cependant que ce messianisme serait d'inspiration catholique. C'est là un deuxième parti pris du film : l'orphelinat où vit Peter est tenu par des religieuses sadiques et égoïstes qui ne font pas reluire l'image de marque de l'Église catholique. La directrice, en particulier, est grosse, laide et s'empiffre de nourriture toute la journée alors qu'on est en période de disette. Elle est également méchante (ce qui ne l'empêche pas d'invoquer le Bon Dieu à l'appui de sa méchanceté) puisqu'elle adore faire sentir à Peter qu'il n'est qu'un petit orphelin sans destin. D'ailleurs, c'est elle qui fournit les pirates en chair fraîche, ce qui donne des frissons dans le dos. En prétendant dans le le dossier de presse recréer un univers cher à Dickens, la production ment effrontément puisque celui-ci avait pour l'Église catholique un grand respect. Et pour enfoncer le clou, le film n'hésite pas à jouer les sacrilèges puisque la cachette de la méchante religieuse ne s'ouvre que lorsque l'on tord le nez d'une statue de la Vierge Marie. Avoir inscrit une telle chose dans un scénario témoigne d'une volonté ferme de salir, et quand on pense qu'un enfant a dû faire ça au milieu d'adultes encourageants, on se demande vraiment quel esprit sous-tend le film.
S'il ne s'agit pas d'un messianisme catholique, donc, on imagine que la métaphore emprunte au messianisme juif, puisque c'est la seule religion qui attend encore un messie. Bizarre tout ça…
Le film enrobe ensuite le tout (et c'est là un caractère très actuel des films pour adolescents) dans un gnosticisme qui a déjà fait ses preuves. On sait en effet qu'initier le spectateur (le moldu ?) à des vérités qu'ignore le commun des mortels est très séduisant. Le public se sent différent, valorisé, caressé même. Il sait ce dont les autres n'ont même pas conscience ce qui, dans notre monde complotiste actuel, est particulièrement en vogue.
Même si ce ressort n'est absolument pas mauvais en soi, il était intéressant de le souligner.
Un des traits principaux de ce film est, incontestablement, son esthétique noire. Le Pays imaginaire est absolument merveilleux. Les lois de la gravité ne s'appliquent pas comme dans notre monde, les bateaux volent, les fées existent, les sirènes sont canons, les crocodiles géants, les oiseaux terrifiants, les forêts gigantesques, mais tout ceci est enfumé de noirceur et d'insécurité.
Au milieu de ce monde, la poussière de fée prend des allures ésotériques et, fringués comme des punks, passablement androgynes, sales, les pirates installent un malaise palpable qui ne permet pas à l'esprit, ainsi que le disait Maritain, de se reposer dans la beauté. On décèle même cet expressionnisme allemand qui fait la signature des films burtoniens.
On comprend que le film ait besoin de nourrir l'inquiétude au contact des pirates mais, finalement, rien ne permet au spectateur de goûter sereinement aux merveilles de ce pays fantastique. Même ce passage dans lequel James et Lili accomplissent le rituel tête-à-tête enamouré baigne dans une lumière étrange et peu rassurante. Quel dommage, quand on sait que la production en aurait eu les moyens !
Alors que la Warner claironne avoir fait un film pour enfants, la violence des images, la laideur des multiples dangers et le contexte anxiogène dans lequel il baigne refuse donc de facto le film à un jeune public qui, sans cela, aurait pu lui aussi se délecter de ce monde onirique. Les opi suivant seront-ils du même acabit ? L'avenir le dira. En attendant, ce film est une gigantesque claque qui laisse le spectateur un peu sonné et, sûrement, quelque peu perplexe.