Parfums de solitude sur la pellicule

Film : La Route Sauvage (2018)

Réalisateur : Andrew Haigh

Acteurs : Charlie Plummer (Charley Thompson), Chloë Sevigny (Bonnie), Steve Buscemi (Del), Travis Fimmel (Ray), Steve Zahn (Silver), Thomas Mann (Lonnie), Amy Seimetz (), Frank Gallegos (Santiago), Rachael...

Durée : 2h 1m


Film rafraîchissant, La Route Sauvage nous reconnecte à la réalité. Celle vécue par un bonhomme de 16 ans, Charley, vivant de sa passion pour un cheval dans une région désertique des Etats-Unis. Livré à lui-même à cause de son père frimeur vivant à côté de ses pompes, le bon Charley, vif de caractère, décide de ne pas se laisser décourager. Il chausse ses santiagues et part se trouver un job de palfrenier dans un ranch... pour pouvoir rapporter des vivres à la maison. C'est le début d'une grande aventure montrant cet adolescent en pleine débrouillardise se sortir du pétrin dans lequel semble se complaire son père déphasé, presque jaloux de ses qualités. Pétri de cette atmosphère silencieuse, terrestre et odoriférante, La Route Sauvage, adapté du roman Lean on Pete (publié en français sous le titre Cheyenne en automne) de l'écrivain américain Willy Vlautin, emprunte toutes les qualités du roman d'évasion solitaire déjà porté à l'écran par Into the Wild (Sean Penn, 2007).

Une grande sagesse humaine se dégage en effet de la capacité qu'éprouve ce jeune héros à se réaliser sans l'apprentissage de la paternité. La vie le laisse orphelin de toute direction, et le voilà parti malgré tout sur la route de l'incertitude. Une route qui le blesse et en même temps le forge, le pousse à la maturation précoce par la force de la nécessité. L'instinct de survie lui ordonne de mentir, de voler et de fuire, mais pour mieux échapper aux griffes d'un monde trop systématique gainé par les procédures, les règlements, le recherche de dividendes. La Route Sauvage du réalisateur britannique Andrew Haigh résonne comme un cri dans le désert social et humain. Il dit stop à la mécanique de la vie moderne. Il donne la parole à la voix intérieure de l'enfant-homme poussé à l'origine vers l'amour de la nature et le bonheur des choses simples. Cet instinct naturel l'attire dans la solitude, mais contrairement au héros malheureux de Sean Penn, c'est pour mieux lui faire espérer le désir de la famille. Le mythe du "Bon sauvage" à la Diderot s'inverse alors subitement : l'homme ne recherche pas la solitude pour elle-même, mais pour une meilleure sociabilité. Il est l'observateur sauvage d'une nature sociale qui le façonne et le rend maître par l'apprentissage de la patience. Il est comme ces pur-sang avides de frénésie sur le sable immobile et sec de l'Oregan. Allez vous perdre un instant sur cette Route Sauvage : vous ne perdrez pas votre temps !