Petite joueuse

Film : Le Grand Jeu (2017)

Réalisateur : Aaron Sorkin

Acteurs : Jessica Chastain (Molly Bloom), Idris Elba (Charlie Jaffey), Kevin Costner (Larry Bloom), Michael Cera (Player X), Brian d'Arcy James (Bad Brad), Bill Camp (Harlan Eustice), Chris O'Dowd (...

Durée : 2h 20m


Le titre original, "Molly's game", donnait l'impression qu'on avait trouvé une espèce de stratège féminin. Sortie des meilleures écoles, talent multi-casquettes (championne de ski), cette femme et son titre éponyme supposaient une intelligence supérieure. Finalement, Molly n'est qu'une petite business woman malhonnête, se plaignant du cynisme des hommes, revendiquant sa pureté à leur égard, et pourtant loin d'être immaculée : tricheuse, voleuse, et incapable de tenir son montage juteux sans enfreindre la loi, donc susceptible de tout perdre du jour au lendemain. Un "grand" jeu, vraiment ? 

Le film fait preuve lui aussi d'une étrange morale : il geint que les autorités aient confisqué l'argent de sa championne pour la mettre dos au mur face à la justice (choix d'un bon - donc cher - avocat, par exemple), alors que cet argent était ... illégalement gagné. Le scénariste s'emballe, se croit génial avec la tirade de l'avocat pour défendre sa cliente ; on en ressort moyennement convaincu, et pourtant, c'est la minute émotion du film où l'on est censé tomber dans les bras de l'héroïne, quasiment devenue victime du système. 

Déception que de voir cette fille si sûre d'être supérieurement intelligente se contenter de ce qui n'est, en fin de compte, qu'une petite arnaque, où le seul danger potentiel est une violente paire de baffes (d'autres risquent leur vie, dans ces histoires, c'est la catégorie au-dessus...). Une petite voleuse, en un mot, à laquelle le film essaie de trouver des excuses, dans un attachement au personnage peu compréhensible. La faute à qui ? Le fait est que Molly n'est guère très attachante. Elle est relativement froide, vulgaire au possible avec des tenues, qui, s'étonne-t-elle, n'inspirent pas beaucoup de respect ; et surtout, elle incarne le gâchis d'une belle promesse de réussite sociale. Elle n'est pas drôle, n'a pas la répartie que lui accorde deux fois le film ("ah quelle répartie Molly !" s'exclament presque ses interlocuteurs, qui semblent surtout trouver la répartie de sa poitrine vraiment désarmante), demeure désagréable avec tout le monde, même avec l'avocat qui veut bien la défendre... 

Dommage ! Les ingrédients étaient là. Son histoire demeure intéressante, mais le scénario parle trop de son procès, alors que la narration de ses petits méfaits captaient autrement plus l'attention. 
Une fille rebelle, fâchée avec son père (un bon point dans le film, pour le coup), pouvait être plus attachante que ce qu'en a fait une Jessica Chastain qui a manifestement voulu en faire une féministe insoumise, ce qui n'est guère flatteur, au regard de ses exploits. L'actrice prend une moue boudeuse, fait quelques réflexions de militantisme 2.0 anachronique et inutile, envoie balader les hommes avec un détachement presque suspect... Chastain comprend que la pureté est une forme de respect de soi-même, peut-être arrivera-t-elle à comprendre que ce n'est donc pas une question de rapport de force avec les hommes ! Mais vouloir inspirer le respect en se promenant à demi-nue : on peine à comprendre la logique... 

Bref ! Le film se regarde gentiment ; il traîne un peu, trois scènes au moins sont de trop, notamment celle d'ouverture, filmée avec auto-satisfaction, et surtout carrément ennuyeuse au niveau de l'intrigue. Du ski pour présenter un film sur du poker clandestin, bon... 
Cette avalanche de petits défauts casse la dynamique impecccable de la partie sucess-story de notre anti-héroïne (avant les problèmes juridiques). Trop long, mené par une Chastain qui prend franchement la grosse tête et ne provoque pas l'empathie du spectateur, le film (sympathique en fin de compte), profite tout de même de la vague d'auto-flagellation d'Hollywood pour être nommé pour deux Oscars : meilleure actrice et meilleur scénario. Mais de toute façon, qui croit encore que les Oscars récompensent le talent ?

 

 

Commentaires

Portrait de Mia
Longuet

et pas passionnant en fin de compte ! Ai préféré Miss Sloane avec la même Jessica Chastain.

Portrait de Philou
Effectivement ... Beaucoup de

Effectivement ... Beaucoup de bruit et de bling-bling pour une histoire somme toute pas si recambolesque que ça !