Philibert

Film : Philibert (2010)

Réalisateur : Sylvain Fusée

Acteurs : Jérémie Renier (Philibert), Alexandre Astier (Clotindre), Manu Payet (Martin), Elodie Navarre (Inès)...

Durée : 01:43:00


Un pastiche des vieux films de cape et d'épée d'une rare justesse, qui salit allègrement le catholicisme et ses croyances.

Philibert contient tout ce qui fait rire dans les vieux films de chevalerie et de cape et d'épée. C'est comme une résurrection d'Errol Flynn, avec les collants moulants aux couleurs vives (globalement les costumes sont d'ailleurs remarquables !), les grands rires constipés avec les mains sur les hanches et les plaisanteries surannées qu'on lui connaissait dans Les aventures de Robin des Bois (1938). Même les transitions sont aussi artisanales que celle de ces films qui sont venus illustrer notre jeunesse, pendant que les cadavres respirent encore et clignent des yeux. Pour Sylvain Fusée, le réalisateur : « Le défi était de pasticher les films de cape et d’épée sans tomber dans la parodie.
On n’est ni chez les Zucher - Abrahams - Zucher, ni chez Mel Brooks, ni chez les Monty Python (même si FRANKENSTEIN JUNIOR et MONTY PYTHON , SACRE GRAAL sont des films fondateurs pour moi). Non, dans PHILIBERT, on ne mise pas sur l’outrance ou l’effet comique. On joue sur les règles, les codes du genre, en les respectant mais aussi en les pointant et les forçant pour que s’en dégage la comédie. »
(in Dossier de Presse).

Déjà scénariste d'OSS 117, Jean-François Halin ne renie pas son style et pose un Philibert, incarné à la perfection par Jérémie Renier, très proche du faux James Bond : « Le héros tout blanc, preux chevalier sans peur et sans reproche, le méchant
tout noir, la pure colombe dont le héros s’éprend, la rencontre amoureuse, les duels... Autant d’archétypes un peu forcés que l’on a repris, puis décalé ou détourné, en faisant, par exemple, du héros un puceau qui voit Dieu partout »
(Karine Angeli, scénariste).


Le film tourne effectivement autour du pucelage de Philibert, grand gaillard d'une trentaine d'année qui ne s'est jamais laissé aller dans le foin. Alors que les films d'Errol Flynn, coureurs de jupons invétéré par ailleurs, montrait une image
de héros fidèle à sa promise, il semble que notre siècle ait décidé de trouver cela ridicule et ringard, probablement pour des raisons de performance, chère à notre temps. D'ailleurs les filles, stéréotypées, ne sont considérées dans le film que chaudes comme la braise. Mais pour Jérémie Rénier la raison de la raillerie est plus profonde : « [le fanatise religieux] est la raison pour laquelle il veut rester chaste jusqu’à l’autel. Dieu le guide et Philibert se raccroche à lui. Mais, à force de déceptions, il finit par devenir athée. » Si on est chaste c'est qu'on est fanatique. Hé bien oui, pardi !

>

Le deuxième thème important du film est en effet et sans aucun doute la christianophobie dont le cinéaste fait preuve (il serait probablement trop dangereux de caricaturer un certain prophète). «  Dans la plupart des films de cape et d’épée, il y avait une forte dimension chrétienne : cette idée qu’il faut en baver pour que sa destinée soit merveilleuse. Pour faire exploser ça, on a écrit un personnage qui se détache totalement de la religion. Au début du film, Philibert est puceau, pétri de religiosité, de catholicisme. Puis, au fur et à mesure, il s’éloigne de la foi jusqu’à devenir athée » (Jean-François Halin)

Mais sur cette question le film est particulièrement virulent, comme s'il émanait tout droit des blagues nauséabondes de la jet-set. Il ne s'agit évidemment pas simplement d'une méconnaissance des règles du christianisme (on comprend mal comment la quête d'un héros très chrétien pourrait être la vengeance), mais d'une profanation en règle des croyances les plus intimes des catholiques : vêtu d'un pagne et attaché sur une croix tel le Christ, Jérémie Rénier se tourne vers Dieu pour lui crier « Père, pourquoi m'as-tu abandonné ? », au moment d'une « torture-dépucelage », il récite le « Notre Père » comme, une
autre fois, il résiste de façon ridicule aux assauts de deux nymphomanes, appelant Dieu à l'aide. Mais le film continue : le méchant invoque « Notre-Dame de la désolation, » avant de prononcer des blasphèmes en série, deux religieuses dont on se demande bien ce qu'elles viennent faire dans l'histoire sont passées par le fil de l'épée sur le ton de la plaisanterie et un crucifix, pris au ralenti, sert dans les mains d'un prêtre à matraquer le visage de notre Philibert.

Karine Angeli essaie désespérément de justifier le fait : « Auparavant, Philibert ne s’était jamais posé de question. Tout ce qu’il faisait, c’était parce qu’on lui avait dit de le
faire. Il ne réfléchissait pas, animé par une foi aveugle. La première fois qu’il dit quelque chose qu’il pense par lui-même, c’est à la fin du film quand il lance au prêtre : «  Homme de Dieu, j’ai vu ton vrai visage. Mais contrairement à ces hommes, le tien est hideux… Va-t’en. » »
Il est vrai qu'à partir du moment où le prêtre (forcément véreux) qui va marier de force Inès et Clotindre n'est autre que Christophe Salengro (qui interprète le Président de Groland dans la très fine émission du même nom), on pouvait s'attendre au pire.


Le respect des croyances de l'autre n'est pas une option. Il est la condition nécessaire du « mieux vivre ensemble », seriné par les politiciens. D'autant qu'au cinéma, ce sont toujours les mêmes qui trinquent.


Raphaël Jodeau