Présumé coupable porte un titre sans équivoque. Inscrit en négatif de la fameuse présomption d'innocence consacré par Elisabeth Guigou dans
sa loi du 15 juin 2000, le film entend continuer le procès d'un système que les médias transformèrent en lynchage pour se venger de leur propre crédulité. Le réalisateur n'est pas dupe : « autant dire que lorsqu’on voit, du point de vue d’Alain, ces actualités à la télé, on se rend compte que les médias ont contribué à accréditer l’idée que les prévenus étaient vraiment pédophiles. D’ailleurs, certains journalistes qui ont réalisé ces sujets ont refusé de réenregistrer leurs voix pour les besoins du film. »
Dans le silence de la bande son sans musique, dans son scénario fermement chronologique, le film raconte tout, et ne laisse traîner aucune erreur. Il montre le
désarroi d'Alain Marécaux : cet homme broyé par une calomnie dont on peut alors mesurer toute la gravité, ouvre les portes d'une cellule minuscule où s'entassent les détenus, perce à jour le moindre geste, fût-il désespéré comme toutes ces tentatives de suicide avortées, comme cette grève de la faim douloureuse, comme ces lettres désespérées au Président de la République ou aux ministres. Le réalisateur insiste : « il fallait coller au plus près de la réalité, nous n’avions pas le choix. Alain lui-même [...] c’était sa seule condition : qu’on ne raconte pas n’importe quoi au prétexte de faire du cinéma, et nous étions complètement en phase là-dessus. » (in Dossier de presse)
>Est-il dès lors besoin dans cet article ce revenir sur cet enchaînement hallucinant de fautes, de maladresses, de naïvetés judiciaires ? Non, sauf peut-être pour se demander si hurler avec les loups est bien utile, si le bébé n'est pas jeté avec l'eau du bain...
« À l’aube d’un nouveau projet de film, se pose toujours la question de sa nécessité. Je dois dire que quand j’ai découvert le journal tenu par Alain Marécaux en prison, cette question ne s’est pas longtemps posée. Au fil de cette lecture, je n’ai jamais cessé de m’indigner, de pleurer, de décolérer, jamais je n’aurais pu imaginer qu’une telle histoire fût possible en France, et pourtant… Ce sont ces sentiments de colère et d’
indignation que j’ai voulu transmettre. Avant de lire ce précieux témoignage, je croyais connaître l’affaire d’Outreau, en réalité, je n’en savais rien.» (Vincent Garenq).
Le film est donc basé sur Chronique de mon erreur judiciaire, d'Alain Marécaux, huissier de justice de son état qui, après avoir perdu sa femme, dû démissionner de sa charge et vendre son étude. Fondé sur la partialité de ce témoignage, le film n'a pas besoin d'être objectif, car l'assentiment du public est acquis. « Ce n’est pas un film sur l’affaire d’Outreau : c’est un film sur trois ans de cauchemar vécus par Alain Marécaux » raconte Philippe Torreton.
Et quand le désormais fameux juge d'
instruction, magistralement incarné par un Raphaël Ferret dans les salles pour la première fois, explique à l'écran qu'on ne mène pas une procédure dans l'émotion, il a raison, mais il est déjà détesté, et le public s'indigne comme les personnages de Georges Orwell dans 1984, conditionnés à haïr. « Moi, s'il y avait ce petit juge Burgaud, je l'attendrai à la sortie » fulmine une petite vieille en passant devant moi, générique dans le dos, applaudie par ses amis de la maison de retraite. Dans ce monde, le pardon n'existe pas. Chacun se met à la place, tellement difficile, d'Alain Marécaux mais personne ne s'imagine sur le fauteuil de ce jeune juge chargé du plus gros scandale pédophile de toute l'histoire de France. C'est le premier constat qu'on peut faire sur cette triste
et sombre affaire. Peut-être arrogant, peut-être froid comme la porte des prisons qu'il remplit encore, le juge Burgaud est devenu un bouc émissaire dans la bonne conscience générale, puisqu'il a fauté. Les vies qu'il sauve en neutralisant les malfrats n'intéressent personne. Il en a détruit au moins une, et c'est ce que l'Histoire retiendra.
Est-ce le procès de tous les magistrats ? Alain Marécaux relativise : « je pense vraiment que Fabrice Burgaud est une exception dans sa profession et que la plupart de ses collègues font leur travail avec intégrité et humanité. »
Plus que celle d'un juge, c'est aussi l'accusation de la police qui ressort du film. Brutale, inhumaine, musclé
e, sans aucun état d'âme, son portrait viendra grossir les rangs des films qui la conspuaient et la détestaient déjà, souvent sous le seul prétexte puéril qu'elle défend un ordre. Voyez ce qu'elle prétend défendre, voyez ce qu'elle commet en fait. Une fois de plus l'arbre du fait divers viendra masquer l'immense forêt des arrestations justifiées, des hommes et des femmes tombés sous les balles pour protéger les citoyens, renversés par des voitures, dont les veuves et les enfants orphelins n'ont pas fini de pleurer la disparition. L'émotion, sauf quand elle est contenue, oriente les yeux, commande le coeur et sert une idéologie, car derrière ce film intitulé Présumé coupable, c'est une nouvelle fois la présomption d'innocence mal comprise qui sort renforcée.
Comment, en effet, ne pas souhaiter consacrer le principe de la présomption d'innocence à la vue de pareilles bavures ? Et d'abord, qu'est-ce que la présomption d'innocence ?
Pour les juristes qui façonnèrent la loi du 15 juin 2000, comme d'ailleurs pour l'Organisation des Nations-Unies dans l'article 11 de sa déclaration universelle des droits de l'homme, la présomption d'innocence se définit comme l'obligation de considérer une personne innocente tant qu'elle n'a pas été reconnue coupable par un tribunal compétent. Une telle garantie satisfait d'abord la soif de justice, tant qu'elle n'a pas été confrontée au bon sens.
Le bon sens commande en effet qu'à l'
arrivée des policiers, la personne soit présumée innocente, puisqu'il est évident qu'aucun indice ne saurait être retenue à charge. Les policiers enquêtent (partons évidemment du principe qu'il n'y a pas de flagrant délit) et soit constatent qu'aucun élément ne permet une interpellation, soit disposent au contraire d'éléments accablants et décident, en la personne du procureur, de déclencher des poursuites et de transmettre le dossier au juge d'instruction (nous sommes dans le cadre d'une affaire grave). La personne n'est pas encore jugée, mais qui alors pourrait affirmer sérieusement que la personne est présumée innocente ? Elle est maintenant présumée coupable, au contraire, et doit à présent convaincre de son innocence en renversant tous les indices récoltés contre elle.
A cette réalité, les tenants de la présomption d'innocence substituent donc une idée dont personne n'est dupe, même en présence d'une loi ! Les policiers soupçonnent et, jusqu'à preuve du contraire, n'en démordent pas, les juges d'instruction se disent naturellement que le procureur n'a pas transmis le dossier pour rien, le juge de la détention, croulant sous les dossiers, se dit rapidement que la personne n'est pas incarcérée sur un coup de tête et les journalistes participent à ce soupçon général selon le mauvais vieux principe qu'il n'y a pas de fumée sans feu ! Cette conception est même la seule façon pour les policiers de travailler en toute bonne conscience : comment accepter d'arrêter un innocent, même pré
sumé ?
A ceux qui répondraient qu'on joue simplement sur les mots, rappelons que la conséquence immédiate d'un extrême est d'appeler celui inverse, ce qui explique pourquoi, aujourd'hui, des associations de victimes se battent pour revaloriser les droits des victimes, dénonçant à juste titre que l'accusé soit mieux protégé qu'elles-mêmes, et nourrissant au passage la bonne vieille dialectique marxiste (le conflit d'intérêts contradictoires) qui imprègne notre société.
Il est donc tout à fait naturel que pareille loi ait été incapable d'empêcher le scandale d'Outreau, survenu cinq ans après, comme il est parfaitement normal que, même après ce scandale, tout le monde continue à rester sur la conception
traditionnelle de la culpabilité, à part les esprits formatés par les universités et les écoles.
Cette présomption de culpabilité paraît fortement dénoncée par Alain Marécaux dans le dossier de presse (« en France, alors qu’on bénéficie normalement de la présomption d’innocence, Outreau a montré que lorsqu’on est entraîné dans une affaire judiciaire, la présomption de culpabilité prime sur tout le reste. »), mais ce qui est en fait anormal n'est pas la présomption de culpabilité. C'est plutôt que la police, les magistrats, la presse et, donc, les moutons du peuple se comportent aussi mal avec une personne qu'ils présument coupable, comme ce fut le cas dans cette sordide affaire. Mê
me la sacro-sainte psychologie figure au banc des accusés : « une psychologue nous a expliqué qu’un enfant qui avait dessiné une «musaraigne à moyenne queue» voulait dire qu’il était susceptible d’avoir été abusé sexuellement. Ou encore qu’un enfant pouvait avoir été abusé parce qu’il avait dessiné une araignée coloriée en rouge ! » raconte Alain Marécaux.
Cette responsabilité est en effet très lourde car d'abord il est effectivement possible que la personne soit innocente et cela même si elle est condamnée (il serait bon de ne jamais l'oublier !), et ensuite même les coupables ont le droit d'échapper au lynchage pour se voir appliquer la juste peine qu'ils méritent.
align="JUSTIFY">Même Alain Marécaux reconnaît volontiers que le problème ne vient pas en fait de la présomption de culpabilité :
« je dirais même qu’avec Outreau, il n’y a même pas eu de présomption de culpabilité, mais d’emblée une culpabilité avérée. D’autre part, l’affaire dite d’Outreau a bafoué un principe fondamental de notre droit qui est que la liberté est le principe et la mise en détention provisoire l’exception : hormis Karine Duchochois, nous avons tous été incarcérés. »
A ceux, enfin, qui penseraient que la justice a le devoir d'être parfaite et infaillible, on rappellera que, depuis son début, l'humanité a montré qu'elle ne le serait
jamais, pas plus que ses institutions. « Ce que j’espère surtout, explique Philippe Torreton, c’est que les spectateurs se rendront compte de la fragilité du témoignage humain. Et de la fragilité de l’homme. »
Ce film a donc une utilité certaine : celle de dénoncer d'authentiques fautes dont les magistrats, et a fortiori M. Burgaud, ne sont pas les seuls responsables. Il mérite vraiment d'être pris en considération et soigneusement rangé dans les charges contre la bêtise humaine. Mais dès qu'il alimentera l'agressivité, la défiance des institutions, la soif de vengeance ou la dérive idéologique, il aura cessé d'être un révélateur pour devenir une corde dont nous méritons tous d
39;être les pendus.
Présumé coupable porte un titre sans équivoque. Inscrit en négatif de la fameuse présomption d'innocence consacré par Elisabeth Guigou dans
sa loi du 15 juin 2000, le film entend continuer le procès d'un système que les médias transformèrent en lynchage pour se venger de leur propre crédulité. Le réalisateur n'est pas dupe : « autant dire que lorsqu’on voit, du point de vue d’Alain, ces actualités à la télé, on se rend compte que les médias ont contribué à accréditer l’idée que les prévenus étaient vraiment pédophiles. D’ailleurs, certains journalistes qui ont réalisé ces sujets ont refusé de réenregistrer leurs voix pour les besoins du film. »
Dans le silence de la bande son sans musique, dans son scénario fermement chronologique, le film raconte tout, et ne laisse traîner aucune erreur. Il montre le
>Est-il dès lors besoin dans cet article ce revenir sur cet enchaînement hallucinant de fautes, de maladresses, de naïvetés judiciaires ? Non, sauf peut-être pour se demander si hurler avec les loups est bien utile, si le bébé n'est pas jeté avec l'eau du bain...désarroi d'Alain Marécaux : cet homme broyé par une calomnie dont on peut alors mesurer toute la gravité, ouvre les portes d'une cellule minuscule où s'entassent les détenus, perce à jour le moindre geste, fût-il désespéré comme toutes ces tentatives de suicide avortées, comme cette grève de la faim douloureuse, comme ces lettres désespérées au Président de la République ou aux ministres. Le réalisateur insiste : « il fallait coller au plus près de la réalité, nous n’avions pas le choix. Alain lui-même [...] c’était sa seule condition : qu’on ne raconte pas n’importe quoi au prétexte de faire du cinéma, et nous étions complètement en phase là-dessus. » (in Dossier de presse)
« À l’aube d’un nouveau projet de film, se pose toujours la question de sa nécessité. Je dois dire que quand j’ai découvert le journal tenu par Alain Marécaux en prison, cette question ne s’est pas longtemps posée. Au fil de cette lecture, je n’ai jamais cessé de m’indigner, de pleurer, de décolérer, jamais je n’aurais pu imaginer qu’une telle histoire fût possible en France, et pourtant… Ce sont ces sentiments de colère et d’
indignation que j’ai voulu transmettre. Avant de lire ce précieux témoignage, je croyais connaître l’affaire d’Outreau, en réalité, je n’en savais rien.» (Vincent Garenq).
Le film est donc basé sur Chronique de mon erreur judiciaire, d'Alain Marécaux, huissier de justice de son état qui, après avoir perdu sa femme, dû démissionner de sa charge et vendre son étude. Fondé sur la partialité de ce témoignage, le film n'a pas besoin d'être objectif, car l'assentiment du public est acquis. « Ce n’est pas un film sur l’affaire d’Outreau : c’est un film sur trois ans de cauchemar vécus par Alain Marécaux » raconte Philippe Torreton.
Et quand le désormais fameux juge d'
instruction, magistralement incarné par un Raphaël Ferret dans les salles pour la première fois, explique à l'écran qu'on ne mène pas une procédure dans l'émotion, il a raison, mais il est déjà détesté, et le public s'indigne comme les personnages de Georges Orwell dans 1984, conditionnés à haïr. « Moi, s'il y avait ce petit juge Burgaud, je l'attendrai à la sortie » fulmine une petite vieille en passant devant moi, générique dans le dos, applaudie par ses amis de la maison de retraite. Dans ce monde, le pardon n'existe pas. Chacun se met à la place, tellement difficile, d'Alain Marécaux mais personne ne s'imagine sur le fauteuil de ce jeune juge chargé du plus gros scandale pédophile de toute l'histoire de France. C'est le premier constat qu'on peut faire sur cette triste
et sombre affaire. Peut-être arrogant, peut-être froid comme la porte des prisons qu'il remplit encore, le juge Burgaud est devenu un bouc émissaire dans la bonne conscience générale, puisqu'il a fauté. Les vies qu'il sauve en neutralisant les malfrats n'intéressent personne. Il en a détruit au moins une, et c'est ce que l'Histoire retiendra.
Est-ce le procès de tous les magistrats ? Alain Marécaux relativise : « je pense vraiment que Fabrice Burgaud est une exception dans sa profession et que la plupart de ses collègues font leur travail avec intégrité et humanité. »
Plus que celle d'un juge, c'est aussi l'accusation de la police qui ressort du film. Brutale, inhumaine, musclé
e, sans aucun état d'âme, son portrait viendra grossir les rangs des films qui la conspuaient et la détestaient déjà, souvent sous le seul prétexte puéril qu'elle défend un ordre. Voyez ce qu'elle prétend défendre, voyez ce qu'elle commet en fait. Une fois de plus l'arbre du fait divers viendra masquer l'immense forêt des arrestations justifiées, des hommes et des femmes tombés sous les balles pour protéger les citoyens, renversés par des voitures, dont les veuves et les enfants orphelins n'ont pas fini de pleurer la disparition. L'émotion, sauf quand elle est contenue, oriente les yeux, commande le coeur et sert une idéologie, car derrière ce film intitulé Présumé coupable, c'est une nouvelle fois la présomption d'innocence mal comprise qui sort renforcée.
Comment, en effet, ne pas souhaiter consacrer le principe de la présomption d'innocence à la vue de pareilles bavures ? Et d'abord, qu'est-ce que la présomption d'innocence ?
Pour les juristes qui façonnèrent la loi du 15 juin 2000, comme d'ailleurs pour l'Organisation des Nations-Unies dans l'article 11 de sa déclaration universelle des droits de l'homme, la présomption d'innocence se définit comme l'obligation de considérer une personne innocente tant qu'elle n'a pas été reconnue coupable par un tribunal compétent. Une telle garantie satisfait d'abord la soif de justice, tant qu'elle n'a pas été confrontée au bon sens.
Le bon sens commande en effet qu'à l'
arrivée des policiers, la personne soit présumée innocente, puisqu'il est évident qu'aucun indice ne saurait être retenue à charge. Les policiers enquêtent (partons évidemment du principe qu'il n'y a pas de flagrant délit) et soit constatent qu'aucun élément ne permet une interpellation, soit disposent au contraire d'éléments accablants et décident, en la personne du procureur, de déclencher des poursuites et de transmettre le dossier au juge d'instruction (nous sommes dans le cadre d'une affaire grave). La personne n'est pas encore jugée, mais qui alors pourrait affirmer sérieusement que la personne est présumée innocente ? Elle est maintenant présumée coupable, au contraire, et doit à présent convaincre de son innocence en renversant tous les indices récoltés contre elle.
A cette réalité, les tenants de la présomption d'innocence substituent donc une idée dont personne n'est dupe, même en présence d'une loi ! Les policiers soupçonnent et, jusqu'à preuve du contraire, n'en démordent pas, les juges d'instruction se disent naturellement que le procureur n'a pas transmis le dossier pour rien, le juge de la détention, croulant sous les dossiers, se dit rapidement que la personne n'est pas incarcérée sur un coup de tête et les journalistes participent à ce soupçon général selon le mauvais vieux principe qu'il n'y a pas de fumée sans feu ! Cette conception est même la seule façon pour les policiers de travailler en toute bonne conscience : comment accepter d'arrêter un innocent, même pré
sumé ?
A ceux qui répondraient qu'on joue simplement sur les mots, rappelons que la conséquence immédiate d'un extrême est d'appeler celui inverse, ce qui explique pourquoi, aujourd'hui, des associations de victimes se battent pour revaloriser les droits des victimes, dénonçant à juste titre que l'accusé soit mieux protégé qu'elles-mêmes, et nourrissant au passage la bonne vieille dialectique marxiste (le conflit d'intérêts contradictoires) qui imprègne notre société.
Il est donc tout à fait naturel que pareille loi ait été incapable d'empêcher le scandale d'Outreau, survenu cinq ans après, comme il est parfaitement normal que, même après ce scandale, tout le monde continue à rester sur la conception
traditionnelle de la culpabilité, à part les esprits formatés par les universités et les écoles.
Cette présomption de culpabilité paraît fortement dénoncée par Alain Marécaux dans le dossier de presse (« en France, alors qu’on bénéficie normalement de la présomption d’innocence, Outreau a montré que lorsqu’on est entraîné dans une affaire judiciaire, la présomption de culpabilité prime sur tout le reste. »), mais ce qui est en fait anormal n'est pas la présomption de culpabilité. C'est plutôt que la police, les magistrats, la presse et, donc, les moutons du peuple se comportent aussi mal avec une personne qu'ils présument coupable, comme ce fut le cas dans cette sordide affaire. Mê
me la sacro-sainte psychologie figure au banc des accusés : « une psychologue nous a expliqué qu’un enfant qui avait dessiné une «musaraigne à moyenne queue» voulait dire qu’il était susceptible d’avoir été abusé sexuellement. Ou encore qu’un enfant pouvait avoir été abusé parce qu’il avait dessiné une araignée coloriée en rouge ! » raconte Alain Marécaux.
Cette responsabilité est en effet très lourde car d'abord il est effectivement possible que la personne soit innocente et cela même si elle est condamnée (il serait bon de ne jamais l'oublier !), et ensuite même les coupables ont le droit d'échapper au lynchage pour se voir appliquer la juste peine qu'ils méritent.
align="JUSTIFY">Même Alain Marécaux reconnaît volontiers que le problème ne vient pas en fait de la présomption de culpabilité : « je dirais même qu’avec Outreau, il n’y a même pas eu de présomption de culpabilité, mais d’emblée une culpabilité avérée. D’autre part, l’affaire dite d’Outreau a bafoué un principe fondamental de notre droit qui est que la liberté est le principe et la mise en détention provisoire l’exception : hormis Karine Duchochois, nous avons tous été incarcérés. »A ceux, enfin, qui penseraient que la justice a le devoir d'être parfaite et infaillible, on rappellera que, depuis son début, l'humanité a montré qu'elle ne le serait
jamais, pas plus que ses institutions. « Ce que j’espère surtout, explique Philippe Torreton, c’est que les spectateurs se rendront compte de la fragilité du témoignage humain. Et de la fragilité de l’homme. »
Ce film a donc une utilité certaine : celle de dénoncer d'authentiques fautes dont les magistrats, et a fortiori M. Burgaud, ne sont pas les seuls responsables. Il mérite vraiment d'être pris en considération et soigneusement rangé dans les charges contre la bêtise humaine. Mais dès qu'il alimentera l'agressivité, la défiance des institutions, la soif de vengeance ou la dérive idéologique, il aura cessé d'être un révélateur pour devenir une corde dont nous méritons tous d
39;être les pendus.