Kenneth Brannagh, ce grand shakespearien devant l'éternel, n'en est pas à son coup d'essai. A l'exception de Thor, dont on se demande ce qu'il avait bien pu faire dans cette galère, il a toujours tenu à donner à l'actorat et à la réalisation un je-ne-sais-quoi tout british, mêlant la noblesse des idéaux aux basses-oeuvres de la condition humaine.
C'est ainsi que l'ambassadeur de la culture anglaise décide de s'attaquer à ce sacré morceau de littérature que représente le très célèbre ouvrage éponyme d'Agatha Christie.
Kenneth Brannagh, qui interprète le célèbre détective Hercule Poirot, entreprend de donner une épaisseur intimiste à son personnage. Rien n'est de trop pour offrir à la star un espace où le monologue en emprunte à la tragédie. Clair-obscur caravagien, épouse regrettée, cas de conscience, l'objectif des projecteurs trahit à n'en pas douter l'égocentrisme du réalisateur-acteur, mais qu'importe après tout, si le spectateur en accepte le principe et en savoure l'interprétation...
Ce qui est plus surprenant, c'est que les acteurs hollywoodiens acceptent à ce point de s'inscrire dans ce torrent où chacune de leur barque n'est qu'un banal accessoire. Johnny Depp le très imbu, Penelope Cruz la séductrice, Michelle Pfeiffer la rayonnante... autant d'interprètes qui ne tiennent finalement (à l'exception de Michelle Pfeiffer peut-être) qu'un rôle assez modeste.
L'aura du Branagh aura-t-elle persuadé ces vedettes de prendre place dans une tragédie prometteuse ? Peut-être.
Les similitudes avec le roman sont là même si, au siècle où le metteur en scène se targue de distancer les volontés de l'auteur, le réalisateur prend quelques libertés qui décevront sans doute les puristes. Mais si l'incipit diffère sensiblement de celui de l'oeuvre initiale, c'est sur le dénouement que se cristallise le plus la morsure du romantisme moderne.
Brannagh décide en effet de "tragédier" (que l'on m'excuse ce néologisme) l'oeuvre initiale en la personne de M. Mac Queen, le secrétaire de la victime, dont le père ne perdit sa carrière que dans le film. Le film insiste également sur le dilemme qui saisit Poirot : doit-il révéler le coupable à la police, ou au contraire décider que l'assassin d'un assassin n'est pas un assassin ?
Dans le livre, le dilemme est en réalité plus simple. La focalisation zéro permet de savoir que Cassetti était coupable, et qu'il n'échappât à la justice qu'en tirant les cordons de son porte-monnaie.
Dans le film, en revanche, c'est le mauvais travail du procureur qui disculpe Cassetti, pourtant coupable.
L'assassin de Cassetti n'est-il dès lors que l'exécuteur de la justice, ou une personne qui ajoute le crime au crime ? Dans une société civilisée, la vengeance personnelle ne saurait être admise sous peine de disloquer la paix sociale, comme le firent toutes les vendettas depuis le début de l'humanité. La justice supplie en effet d'instituer un juge impartial et froid, les yeux bandés comme Thémis, capable de résister aux sirènes de la passion pour asséner une sentence la plus juste possible. Et à ceux qui, prisonniers de la folie qui saisit notre époque aux travers des vidéos Youtube et autres meurtriers de la pensée sereine, m'objecteraient que les juges ne sont pas dignes de foi, je répondrai qu'une mauvaise sentence vaut bien mieux qu'une bonne vendetta.
Outre donc ces faiblesses inhérentes à l'oeuvre et soulignées par le tragédien Kenneth Brannagh, il faut admettre que le film présente l'intérêt d'un jeu d'acteur persuasif, d'une réalisation pafois audacieuse et d'une intrigue captivante.
Kenneth Brannagh, ce grand shakespearien devant l'éternel, n'en est pas à son coup d'essai. A l'exception de Thor, dont on se demande ce qu'il avait bien pu faire dans cette galère, il a toujours tenu à donner à l'actorat et à la réalisation un je-ne-sais-quoi tout british, mêlant la noblesse des idéaux aux basses-oeuvres de la condition humaine.
C'est ainsi que l'ambassadeur de la culture anglaise décide de s'attaquer à ce sacré morceau de littérature que représente le très célèbre ouvrage éponyme d'Agatha Christie.
Kenneth Brannagh, qui interprète le célèbre détective Hercule Poirot, entreprend de donner une épaisseur intimiste à son personnage. Rien n'est de trop pour offrir à la star un espace où le monologue en emprunte à la tragédie. Clair-obscur caravagien, épouse regrettée, cas de conscience, l'objectif des projecteurs trahit à n'en pas douter l'égocentrisme du réalisateur-acteur, mais qu'importe après tout, si le spectateur en accepte le principe et en savoure l'interprétation...
Ce qui est plus surprenant, c'est que les acteurs hollywoodiens acceptent à ce point de s'inscrire dans ce torrent où chacune de leur barque n'est qu'un banal accessoire. Johnny Depp le très imbu, Penelope Cruz la séductrice, Michelle Pfeiffer la rayonnante... autant d'interprètes qui ne tiennent finalement (à l'exception de Michelle Pfeiffer peut-être) qu'un rôle assez modeste.
L'aura du Branagh aura-t-elle persuadé ces vedettes de prendre place dans une tragédie prometteuse ? Peut-être.
Les similitudes avec le roman sont là même si, au siècle où le metteur en scène se targue de distancer les volontés de l'auteur, le réalisateur prend quelques libertés qui décevront sans doute les puristes. Mais si l'incipit diffère sensiblement de celui de l'oeuvre initiale, c'est sur le dénouement que se cristallise le plus la morsure du romantisme moderne.
Brannagh décide en effet de "tragédier" (que l'on m'excuse ce néologisme) l'oeuvre initiale en la personne de M. Mac Queen, le secrétaire de la victime, dont le père ne perdit sa carrière que dans le film. Le film insiste également sur le dilemme qui saisit Poirot : doit-il révéler le coupable à la police, ou au contraire décider que l'assassin d'un assassin n'est pas un assassin ?
Dans le livre, le dilemme est en réalité plus simple. La focalisation zéro permet de savoir que Cassetti était coupable, et qu'il n'échappât à la justice qu'en tirant les cordons de son porte-monnaie.
Dans le film, en revanche, c'est le mauvais travail du procureur qui disculpe Cassetti, pourtant coupable.
L'assassin de Cassetti n'est-il dès lors que l'exécuteur de la justice, ou une personne qui ajoute le crime au crime ? Dans une société civilisée, la vengeance personnelle ne saurait être admise sous peine de disloquer la paix sociale, comme le firent toutes les vendettas depuis le début de l'humanité. La justice supplie en effet d'instituer un juge impartial et froid, les yeux bandés comme Thémis, capable de résister aux sirènes de la passion pour asséner une sentence la plus juste possible. Et à ceux qui, prisonniers de la folie qui saisit notre époque aux travers des vidéos Youtube et autres meurtriers de la pensée sereine, m'objecteraient que les juges ne sont pas dignes de foi, je répondrai qu'une mauvaise sentence vaut bien mieux qu'une bonne vendetta.
Outre donc ces faiblesses inhérentes à l'oeuvre et soulignées par le tragédien Kenneth Brannagh, il faut admettre que le film présente l'intérêt d'un jeu d'acteur persuasif, d'une réalisation pafois audacieuse et d'une intrigue captivante.