Inarritu se sait virtuose, et n’hésite pas à le montrer. Son Birdman, un plan-séquence sur le monde du théâtre américain, avait été couronné des principaux oscars, et l’avait fait connaître plus largement qu’autrefois. Dans cette posture favorable, et vu la campagne autour du probable premier Oscar du meilleur acteur de Di Caprio, on pouvait craindre que le réalisateur arrondisse les angles de son style pour plaire au plus grand nombre, et enchaîner les trophées. Heureusement, Inarritu fait du Inarritu : sûr de lui, symbolique, hermétique, et maître de sa narration.
Mais son trappeur n’a pourtant rien à voir avec l’homme-oiseau : entre théâtreux, ça bavarde fort bien et logiquement pendant tout le film ; en revanche, il n’en sera pas de même pour des trappeurs errant dans le froid … Ainsi se déroule une véritable odyssée, bien silencieuse, dans un enfer de rivières, de bois et de neige.
A la façon d’un Gravity, The Revenant s’appuie sur une histoire extrêmement simple. Elle est prétexte à une narration répartissant parfaitement la dose de tension du début à la fin, romanesque et vivante (de nombreuses péripéties, le film est une adaptation et cela se voit). Pour agrémenter l’aventure de poésie, les rêves aux multiples symboles, les images contemplatives et les interrogations aussi brèves que profondes donnent une valeur artistique unique au film. A la croisée de Terrence Malick (pour l’esthétique) et d’Alfonso Cuaron (pour les rebondissements), The Revenant accumule les vertus cinématographiques.
Histoire de vengeance, The Revenant est plus un voyage qu’une leçon de morale. La sentence qu’il donne ne se discute pas. Au moins, Inarritu sait que son métier est réalisateur, et pas philosophe ; son film ne prétend pas repenser la civilisation, comme certains tentent de faire.
The Revenant est en fait bien plus littéraire que philosophique, notamment par son réalisme « jusqu’au boutiste ». Ainsi, sur le plan des idées, le mal peut se trouver en chacun de nous. D’un point de vue pratique, et c’est là qu’il faudra prendre garde, le film ne nous épargne rien. Le sang coule à flots, les hurlements, les coups, les blessures violentes se multiplient presque avec sadisme (Inarritu évite cependant la petite envie de rire que l’on pouvait ressentir devant Gravity, puisqu’on en parle, tant l’héroïne était victime de malchance).
Mélange parfaitement dosé de réalisme cruel, totalement immersif, et d’onirisme inspiré, The Revenant a des allures de grand classique. Une histoire simple, un acteur principal surdoué (Di Caprio donne l’impression de pouvoir jouer les sentiments les plus difficiles avec une facilité déconcertante, et ce n’est pas la première fois …), une réalisation grandiose, que demander de plus ?
Manifestement, quelques journalistes auraient préféré pleurer à chaudes larmes. Mais ne comptez pas sur The Revenant pour repartir le cœur brûlant de tendresse ; au contraire, vous serez plutôt pétrifié, tremblant de froid, de passions, éprouvé, stupéfié par la cruauté des montagnes et des hommes, loin de nos gros canapés urbains. L’aventure n’interpelle pas la raison, mais l’instinct, et c’est là toute la force animale, en quelque sorte, du film. Quant à la cruauté, on en fait ici une qualité parce que (trop) souvent, les films expliquent au spectateur que ce qui est arrivé à tel personnage est atroce, affreux, et qu’il est prié d’être compatissant. Mais pour une (rare) fois, un film, au lieu de le dire par phrases artificielles, le montre. C’est toute la différence entre un métrage qui se regarde, et un métrage qui se vit. L’un reste un conte divertissant (ou pas), l’autre est une expérience, une illusion de réalité troublante. Et qui vit vraiment un rêve, si ce n’est en le croyant réel sur le moment ?
En deux mots, une odyssée magistrale, dont on ne ressort pas indemne.
Inarritu se sait virtuose, et n’hésite pas à le montrer. Son Birdman, un plan-séquence sur le monde du théâtre américain, avait été couronné des principaux oscars, et l’avait fait connaître plus largement qu’autrefois. Dans cette posture favorable, et vu la campagne autour du probable premier Oscar du meilleur acteur de Di Caprio, on pouvait craindre que le réalisateur arrondisse les angles de son style pour plaire au plus grand nombre, et enchaîner les trophées. Heureusement, Inarritu fait du Inarritu : sûr de lui, symbolique, hermétique, et maître de sa narration.
Mais son trappeur n’a pourtant rien à voir avec l’homme-oiseau : entre théâtreux, ça bavarde fort bien et logiquement pendant tout le film ; en revanche, il n’en sera pas de même pour des trappeurs errant dans le froid … Ainsi se déroule une véritable odyssée, bien silencieuse, dans un enfer de rivières, de bois et de neige.
A la façon d’un Gravity, The Revenant s’appuie sur une histoire extrêmement simple. Elle est prétexte à une narration répartissant parfaitement la dose de tension du début à la fin, romanesque et vivante (de nombreuses péripéties, le film est une adaptation et cela se voit). Pour agrémenter l’aventure de poésie, les rêves aux multiples symboles, les images contemplatives et les interrogations aussi brèves que profondes donnent une valeur artistique unique au film. A la croisée de Terrence Malick (pour l’esthétique) et d’Alfonso Cuaron (pour les rebondissements), The Revenant accumule les vertus cinématographiques.
Histoire de vengeance, The Revenant est plus un voyage qu’une leçon de morale. La sentence qu’il donne ne se discute pas. Au moins, Inarritu sait que son métier est réalisateur, et pas philosophe ; son film ne prétend pas repenser la civilisation, comme certains tentent de faire.
The Revenant est en fait bien plus littéraire que philosophique, notamment par son réalisme « jusqu’au boutiste ». Ainsi, sur le plan des idées, le mal peut se trouver en chacun de nous. D’un point de vue pratique, et c’est là qu’il faudra prendre garde, le film ne nous épargne rien. Le sang coule à flots, les hurlements, les coups, les blessures violentes se multiplient presque avec sadisme (Inarritu évite cependant la petite envie de rire que l’on pouvait ressentir devant Gravity, puisqu’on en parle, tant l’héroïne était victime de malchance).
Mélange parfaitement dosé de réalisme cruel, totalement immersif, et d’onirisme inspiré, The Revenant a des allures de grand classique. Une histoire simple, un acteur principal surdoué (Di Caprio donne l’impression de pouvoir jouer les sentiments les plus difficiles avec une facilité déconcertante, et ce n’est pas la première fois …), une réalisation grandiose, que demander de plus ?
Manifestement, quelques journalistes auraient préféré pleurer à chaudes larmes. Mais ne comptez pas sur The Revenant pour repartir le cœur brûlant de tendresse ; au contraire, vous serez plutôt pétrifié, tremblant de froid, de passions, éprouvé, stupéfié par la cruauté des montagnes et des hommes, loin de nos gros canapés urbains. L’aventure n’interpelle pas la raison, mais l’instinct, et c’est là toute la force animale, en quelque sorte, du film. Quant à la cruauté, on en fait ici une qualité parce que (trop) souvent, les films expliquent au spectateur que ce qui est arrivé à tel personnage est atroce, affreux, et qu’il est prié d’être compatissant. Mais pour une (rare) fois, un film, au lieu de le dire par phrases artificielles, le montre. C’est toute la différence entre un métrage qui se regarde, et un métrage qui se vit. L’un reste un conte divertissant (ou pas), l’autre est une expérience, une illusion de réalité troublante. Et qui vit vraiment un rêve, si ce n’est en le croyant réel sur le moment ?
En deux mots, une odyssée magistrale, dont on ne ressort pas indemne.