Revolver

Film : Revolver (2004)

Réalisateur : Guy Ritchie

Acteurs : Jason Statham (Jack Green), Ray Liotta (Macha), André Benjamin (Avi), Terence Maynard (Paul), Vincent Pastore (Zach)

Durée : 01:55:00


L’intention de Guy Ritchie était de faire un film s’appuyant sur l’arnaque parfaite. C’est le thème principal de Revolver, qui revient régulièrement. L’arnaque est plus que parfaite : elle est mécanisée, mathématisée, sous la forme d’une formule mystérieuse, infaillible. Guy Ritchie avait cette idée en tête avant de faire son film. Le scénario, l’intrigue, l’ambiance sont venus après. Quelle est cette formule ? Si on laisse de côté les chiffres, les équations qui la composent, elle est toute simple, en fait. Trop simple. Citons Guy Ritchie : « La formule de l’arnaque est toute simple : piéger les gens en s’appuyant sur leur cupidité. On peut tous se faire arnaquer, mais à quel moment est-ce qu’on s’en rend compte, et jusqu’à quel point est-ce qu’on se laisse faire ? » Cette théorie, tous les joueurs d’échecs la connaissent : on donne la reine en pâture à l’ennemi,
trop content de pouvoir la prendre sans risque, et on riposte par l’échec et mat. L’ennemi réalise alors seulement qu’il s’est fait « arnaquer ». L’essentiel est de savoir qui contrôle, qui est le pion, qui est l’instigateur. C’est pour cela que l’on voit Jack jouer aux échecs très souvent dans le film, tout en exposant ses théories de l’arnaque. Ces théories sont rappelées sous forme de citations qui reviennent périodiquement, comme des leitmotivs : « L’ennemi se cache là où on l’attend le moins » (Jules César), « C’est en affrontant un ennemi plus fort que toi que tu deviendras plus fort »… Guy Ritchie aurait pu aussi glisser des citations du Joueur d’échecs, de Stefan Zweig, car la base de son intrigue (le prisonnier entre quatre murs, le manuel d’échecs qui lui tombe sous la main), n’est pas sans rappeler le livre de l’auteur autrichien.  Là est la base. Autour de cette base, il y a le reste. Le reste, c’est un amoncellement d’action, d’arnaques en tout genre, de personnages schizophrènes, d’ennemis
fictifs, ou pas fictifs on ne sait pas trop, de rebondissements étranges, commentés par une voix off chantant toujours la même rengaine et censée faire le lien… L’impression finale est que si on a compris le principe, c’est bien. Pour le reste, on regarde. A tel point qu’on se demande si le but du film n’est pas d’avoir un scénario incohérent, inexpliqué et inexplicable afin de faire comprendre au spectateur qu’il est peut être en train de se faire arnaquer, la voix off le sous-entendant. C’est le problème de Revolver. On voit très bien que les faits se sont superposés à l’idée de Guy Ritchie, de faire un film sur la formule parfaite de l’arnaque, où personne n’est jamais trop sûr d’être le meneur, ou la « victime », pour reprendre les mots de Macha. Au passage, Macha dit cela à l’intention de Jack, qui est en train de le plumer.  Cependant, il faut souligner la qualité artistique du film du point de vue de l’image. La technique est soignée, les prises de vue précises. Par exemple, il faut souligner la
scène où le tueur à gages Sorter se balade dans une maison silencieuse et extermine les uns après les autres une bonne dizaine d’autres tueurs, sans montrer un quelconque signe de tension. Un petit regard par là, un bref mouvement de caméra, un coup de silencieux, et au suivant. Un réel suspense s’installe, notamment grâce à l’utilisation de la caméra. D’autre part, à propos de jeu d’acteur, il faut souligner l’excellente performance de Ray Liotta, dans son personnage de caïd torturé par la peur de ne pas être craint. L’acteur montre qu’il sait habilement jongler avec un personnage glaçant, sûr de soi, et son envers : un être faible, tremblant, suant et pleurant de peur et d’effroi.  En conclusion, sur un principe très intéressant, notamment lors des parties d’échecs qui sont de vraies joutes psychologiques (il suffit de voir comment joue Jack : il fixe son adversaire du regard, lui parle en lui disant qu’il se fait arnaquer, et un autre regard bref le renseigne sur son prochain coup…), Guy Ritchie a
monté tout un imbroglio dans lequel le spectateur s’embourbe. C’est dommage, car cela décourage de réfléchir pour mieux comprendre la psychologie des personnages.

 
Revolver est un éloge de l’arnaque parfaite. Ses personnages visent à améliorer toujours plus leur performance dans cet art. Car il s’agit bien d’un art. Que ce soit aux échecs, au jeu, mais aussi psychologiquement, dans la guerre des gangs. Ce sont des personnages sans morale. De même, il n’y a pas vraiment de méchants ni de gentils. Disons plutôt, des « méchants très méchants », et des « méchants moins méchants ». On pourrait même parler de « gentils très méchants ». Rappelons que nous sommes dans l’optique de l’arnaque parfaite, et les méchants ont atteint leur objectif quand on croit qu’ils sont des bons… Par certains de ces aspects, Revolver fait penser à Sin City  (réalisé par Robert Rodriguez et Franck Miller, sorti en 2005): il n’y a pas
vraiment de gentils. Ni vraiment de morale, mais le culte et l’éloge de l’arnaque. 

Dans le domaine de la violence, le spectateur sera servi. Scènes de tortures à plusieurs reprises, parfois presque sous les yeux d’une enfant, tentative d’enlèvement… Il est vrai que le titre du film avertit quelque peu de la nature de l’action, mais cela ne justifie pas une telle violence.
Il en est de même pour l’érotisme, l’affiche du film (représentant une femme à la poitrine en partie dénudée) prévient le spectateur qu’il ne va pas voir un film pour enfants. On peut même être surpris, car on s’attendrait à plus de scènes de nu ou de débauche. Il n’en est pas question, on reste loin de Sin City, mais le spectateur est confronté à de nombreuses suggestions volontaires, trop poussées. Sans rien montrer de vraiment choquant, Revolver sait très bien faire travailler les méninges à ce sujet. Et encore une fois, on ne peut
justifier cela : l’intrigue n’en aurait pas été altérée si l’on s’était passé de ces scènes, et on peut facilement déplorer le rôle « aguicheur » de l’affiche, qui ne correspond pas vraiment à l’ensemble du film.    

Jérémy Le GAL