RoboCop

Film : RoboCop (2014)

Réalisateur : José Padilha

Acteurs :

Durée : 01:57:00


Robocop étant un mastodonte dans l'imaginaire collectif des générations 80-90, il était attendu au tournant. Faire un simple remake, aussi parfait soit-il, aurait déçu. C'est probablement pour cette raison que l'excellent réalisateur José Padilha a tant insisté auprès de la production pour avoir un maximum de liberté sur le tournage.

On sait que, malgré tout, l'estocade des fans fut cinglante. En effet, plutôt que de faire comme Stallone qui cherche à surenchérir dans la violence (dans Rambo par exemple) pour satisfaire le spectateur vampire, José Padilha a fait ici un film presque tout public (on assiste quand même à une opération cervicale en gros plan) en lui injectant une bonne dose de questionnement éthique.
Forcément, on a donc pu lire partout que le Robocop d'origine était trahi, qu'il était transformé en pleurnichard, que sa violence était celle d'un bisounours.

Pourtant, à y regarder de plus près, ce film présente de très bonnes qualités à bien des égards.
D'une part, précisément, il est violent sans être « gore». N'en déplaise à « ouaich-man, » c'est un plus. Le but du film n'est pas la violence mais l'interrogation sur nos rapports avec les machines que nous créons et, particulièrement, avec le mythe du cyborg.
C'est d'ailleurs une autre de ses qualités. La question est sévèrement posée. La science est-elle capable de contrôler si bien l'individu qu'il lui enlève son libre arbitre ?
Une telle question ne manquera pas de faire saliver le philosophe réaliste, parce que de prime abord le film semble en fait défendre la même position matérialiste que Michel Onfray dans La puissance d'exister : le siège de notre identité serait le cerveau, sur lequel la science aurait tout contrôle et pourrait intervenir pour le rendre meilleur.

Mais ce matérialisme est de courte durée. Contre toute attente, le personnage se met à surmonter l'absence de dopamine pour ressentir de nouveau et aimer... Victoire de l'âme sur le corps ? Peut-être, mais pour de mauvaises raisons. Le film laisse en effet penser que le jugement moral de l'individu n'est possible qu'en raison de ses sentiments, ce qui fait basculer le propos dans le romantisme. En réalité, force est de constater (le moment n'est pas à la preuve) que le jugement moral est avant tout intellectuel. Suite à Aristote, le philosophe saint Thomas d'Aquin détermine avec raison que l'élection qui précède l'acte est un choix rationnel, et que le bien ne saurait être assujetti au sentiment (combien de fois sommes-nous obligés de faire des choses bonnes contre nos forces intérieures et primales ?). Dès lors, même en l'absence de dopamine, un être humain est parfaitement capable de choisir les bonnes options. Le film a donc tort de nous laisser penser que c'est le sentiment tout puissant qui nous rend meilleur. Sans notre capacité de choix, notre liberté, ne serions-nous justement pas les simples esclaves de nos nerfs et de nos glandes ?

Le film aborde ensuite la question des médias menteurs et manipulateurs. La parole de l'opposant est coupée, le journaliste est aux ordres de l'argent, le politique s'efface devant l'économique. Tous les problèmes de notre temps...

Quoiqu’assez anecdotique dans le film, la question du couple est également traitée avec douceur et délicatesse. L'image de cette femme aimante portant la difficulté par amour pour son mari n'est pas un spectacle larmoyant. C'est celui d'une authentique force morale, modèle pour notre temps, face à la puissance colossale d'une sorte de Steeve Jobs charismatique (magnifiquement incarné par Michael Keaton) qui pense, comme lui, que la machine doit être le prolongement de l'humain.

La réalisation est quant à elle lourdement appuyée sur la qualité des effets spéciaux. La gestion de l'espace filmique est effectivement assez classique (on y repère par exemple quelques passages empreints d'une indécision soulignée par la caméra épaule) mais le rythme imposé par le script et l'excellence des images de synthèse ou maquettes (filmées parfois en stop motion) en font un film d'action très réussi.

N'en déplaise aux mauvais coucheurs, le résultat est donc remarquable et mérite d'autant plus d'encouragements qu'il est décrié par une presse capricieuse.