Scoop est la seconde collaboration du réalisateur Woody Allen et de l’actrice
Scarlett Johansson après l’étonnant Match Point (2004), à ceci près que le réalisateur donne ici la réplique à sa nouvelle égérie. Woody Allen signe aussi son retour à la comédie policière, genre dans lequel il fut prolifique et auquel il accorde sa préférence : « Scoop est une comédie, je souhaitais un ton léger, avec même quelques touches de bouffonnerie. C’est le genre de film que j’aime voir et tourner… », explique-t-il lui-même (in notes de production). Il s’agit aussi d’un projet assez ancien, dont le rôle principal avait été originellement écrit pour un homme. Devant la caméra, et dans un genre bien différent de la saga X-Men dont il est le héros, l’acteur Hugh Jackman s’imposait, par son humour et sa prestance, aux yeux de la fidèle directrice de casting du réalisateur, Juliet Taylor. Quant à Scarlett Johansson, le réalisateur ne tarie pas d’éloge à son égard : « Elle me procure une joie sans partage. C’est simple : elle a tout… ».
Après Match Point, son précédent
opus londonien, Woody Allen abandonne un climat inquiet et oppressant pour une comédie nettement plus burlesque et détachée de tout réalisme, une enquête policière folle et légère. À ce titre, il faut tout d’abord souligner la performance de l’acteur réalisateur, qui s’amuse autant qu’il fait rire dans le rôle sur-mesure du magicien américain Splendini, anxieux perpétuel, gaffeur pathologique, à l’humour vache et tordant, aux manières et à la tenue décalées dans la haute société anglaise. Si la dimension comique ravira les fans de Woody Allen par son autodérision et ses répliques caustiques - dont le rythme incessant peut parfois agacer -, l’acteur devient touchant en se transformant en père adoptif de la jeune journaliste Sondra Pransky. Il souligne ainsi sa propre vieillesse et, en sorte d’adieu, couve de ses conseils abscons et de son affection maladroite sa jeune protégée. Celle-ci est l’image d’Épinal de l’étudiante débordante d’ambition mais à l’expérience limitée, ingénue derrière ses lunettes rondes,
à la tenue vestimentaire laissant à désirer, attendrissante dans un jeu très loin du sulfureux personnage qu’elle interprétait dans Match Point. Elle insuffle au film une jeunesse qui déborde sur tous les protagonistes : le jeune Lord Peter Lyman tombe sous le charme, tandis que le grincheux Splendini se découvre l’âme et les jambes d’un fin limier aux intuitions géniales.
D’un scénario peu recherché le réalisateur tire trouvailles et gags savoureux, notamment une vision de la mort très drôle. Le rythme imposé au long-métrage, teinté de cette fameuse politesse flegmatique qui fait la réputation des Anglais, entraîne les deux compatriotes américains dans un tourbillon d’éclats de rire. À tel point que la recherche du tueur en deviendrait secondaire, si les apparitions fantomatiques de Joe Strombel et les manchettes des tabloïds rapportant les faits du serial-killer ne venaient relancer la machine.
Comédie au développement aussi drôle que la fin
est amère, Scoop se sert des obsessions de Woody Allen comme un accessoire de son ambition humoristique. Hommage aux grands journalistes d’investigation, Scoop est un film décalé, à l’univers très libre, dans lequel ne semble régner aucune règle en dehors de celle du hasard. Cet aspect, déjà fondamental dans Match Point, met en avant la ténacité et l’ambition personnelle, qui peut être favorisée ou balayée d’un seul revers de fortune.
Décor de l’enquête échevelée menée par nos deux héros, l’aristocratie anglaise est peinte avec un humour mordant. Derrière l’avalanche de bonnes manières se cache sans doute un criminel; derrière le vernis se cache la noirceur. Mais Woody Allen se permet seulement de le suggérer grâce à l’interprétation étonnante et ambiguë de Hugh Jackman. Les obsessions du réalisateur (la mort, la fatalité, l’ironie du sort…) sont en filigrane dans cette comédie à la note finale en demi-teinte. C’est l’homme soumis aux aléas de la fortune qui préoccupe Woody Allen.
Pas de providence donc, mais une tyrannie du hasard finalement pessimiste autant que cynique.
Stéphane JOURDAIN
Scarlett Johansson après l’étonnant Match Point (2004), à ceci près que le réalisateur donne ici la réplique à sa nouvelle égérie. Woody Allen signe aussi son retour à la comédie policière, genre dans lequel il fut prolifique et auquel il accorde sa préférence : « Scoop est une comédie, je souhaitais un ton léger, avec même quelques touches de bouffonnerie. C’est le genre de film que j’aime voir et tourner… », explique-t-il lui-même (in notes de production). Il s’agit aussi d’un projet assez ancien, dont le rôle principal avait été originellement écrit pour un homme. Devant la caméra, et dans un genre bien différent de la saga X-Men dont il est le héros, l’acteur Hugh Jackman s’imposait, par son humour et sa prestance, aux yeux de la fidèle directrice de casting du réalisateur, Juliet Taylor. Quant à Scarlett Johansson, le réalisateur ne tarie pas d’éloge à son égard : « Elle me procure une joie sans partage. C’est simple : elle a tout… ».
Après Match Point, son précédent
opus londonien, Woody Allen abandonne un climat inquiet et oppressant pour une comédie nettement plus burlesque et détachée de tout réalisme, une enquête policière folle et légère. À ce titre, il faut tout d’abord souligner la performance de l’acteur réalisateur, qui s’amuse autant qu’il fait rire dans le rôle sur-mesure du magicien américain Splendini, anxieux perpétuel, gaffeur pathologique, à l’humour vache et tordant, aux manières et à la tenue décalées dans la haute société anglaise. Si la dimension comique ravira les fans de Woody Allen par son autodérision et ses répliques caustiques - dont le rythme incessant peut parfois agacer -, l’acteur devient touchant en se transformant en père adoptif de la jeune journaliste Sondra Pransky. Il souligne ainsi sa propre vieillesse et, en sorte d’adieu, couve de ses conseils abscons et de son affection maladroite sa jeune protégée. Celle-ci est l’image d’Épinal de l’étudiante débordante d’ambition mais à l’expérience limitée, ingénue derrière ses lunettes rondes,
à la tenue vestimentaire laissant à désirer, attendrissante dans un jeu très loin du sulfureux personnage qu’elle interprétait dans Match Point. Elle insuffle au film une jeunesse qui déborde sur tous les protagonistes : le jeune Lord Peter Lyman tombe sous le charme, tandis que le grincheux Splendini se découvre l’âme et les jambes d’un fin limier aux intuitions géniales.
D’un scénario peu recherché le réalisateur tire trouvailles et gags savoureux, notamment une vision de la mort très drôle. Le rythme imposé au long-métrage, teinté de cette fameuse politesse flegmatique qui fait la réputation des Anglais, entraîne les deux compatriotes américains dans un tourbillon d’éclats de rire. À tel point que la recherche du tueur en deviendrait secondaire, si les apparitions fantomatiques de Joe Strombel et les manchettes des tabloïds rapportant les faits du serial-killer ne venaient relancer la machine.
Comédie au développement aussi drôle que la fin
est amère, Scoop se sert des obsessions de Woody Allen comme un accessoire de son ambition humoristique. Hommage aux grands journalistes d’investigation, Scoop est un film décalé, à l’univers très libre, dans lequel ne semble régner aucune règle en dehors de celle du hasard. Cet aspect, déjà fondamental dans Match Point, met en avant la ténacité et l’ambition personnelle, qui peut être favorisée ou balayée d’un seul revers de fortune.
Décor de l’enquête échevelée menée par nos deux héros, l’aristocratie anglaise est peinte avec un humour mordant. Derrière l’avalanche de bonnes manières se cache sans doute un criminel; derrière le vernis se cache la noirceur. Mais Woody Allen se permet seulement de le suggérer grâce à l’interprétation étonnante et ambiguë de Hugh Jackman. Les obsessions du réalisateur (la mort, la fatalité, l’ironie du sort…) sont en filigrane dans cette comédie à la note finale en demi-teinte. C’est l’homme soumis aux aléas de la fortune qui préoccupe Woody Allen.
Pas de providence donc, mais une tyrannie du hasard finalement pessimiste autant que cynique.