Scream 4

Film : Scream 4 (2011)

Réalisateur : Wes Craven

Acteurs : Neve Campbell (Sidney Prescott), David Arquette (Dwight Riley), Courtney Cox (Gale Weathers), Emma Roberts (Jill Kessler), Hayden Panettiere (Kirby Reed)... .

Durée : 01:50:00


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La série des « Scream » a connu un certain succès à chaque opus et se pose aujourd'hui comme une référence dans les films d'horreur. Extrêmement codifié dans la mise en scène et l'esthétisme,
elle a également fait l'objet d'acides parodies comme les « 
Scary Movie ». Pourquoi faire un quatrième volet ? Financièrement, on le comprend aisément puisque les précédents ont fait des recettes plus que raisonnables. Cinématographiquement, c'est l'occasion, dix ans après, de donner aux fans de quoi se mettre sous la dent un épisode moderne et redynamisé.


Pour entrer dans l'intrigue il faut d'emblée admettre que l'univers de Scream
est invraisemblable, entre grotesque et sérieux, parodie et horreur. Le scénario, aussi adroit soit-il, n'est donc qu'une machine conçue pour faire peur. Les scénaristes ont malgré tout pris soin de donner du corps aux personnages et de la vigueur à l'histoire. Nécessairement, plus on s'attache aux protagonistes, plus on adhère au récit, plus les sensations seront fortes. Ainsi les personnalités des héros sont soignées tant dans l'écriture que dans le jeu des acteurs entre réalisme et bouffonnerie. Neve Campbell incarne avec maîtrise et maturité l'indestructible et célèbre Sidney Prescott. Les jeunes étudiants sont quant à eux parfaitement dans le registre de l'insouciance, de la superficialité et... de la victime idéale. D'ailleurs les personnages un tantinet charismatiques sont gentiment épargnés par les cinéastes. De ce point de vue, les amateurs du genre pourront regretter l'absence de prise de risque tout au long du métrage finalement assez banal. Une des scènes les plus marquantes de la saga
était pourtant l'assassinat de Drew Barrimore dès les premières minutes du premier
Scream... On sera néanmoins surpris par l'ouverture, sorte de mise en abyme du film d'horreur, à la fois gore et humoristique, qui évacue d'entrée de jeu quelques clichés, tout en les assumant.


La mise en scène classique mais très sophistiquée empêche le spectateur de se fixer sur un scénario à chaque séquence de crime. Aucun meurtre n'est linéaire et possède son propre rythme ce qui fait que l'on parvient à éviter l'ennui malgré près de 2h00 de scènes relativement semblables :
Ghostface (le fameux masque) qui sort d'on ne sait où et qui tue au couteau : même arme, même tueur, même méthode (il appelle ses victimes au téléphone...). Les amateurs d'histoires à rebondissements tirés par les cheveux devront être satisfaits. Pour ce qui est du suspens, les scènes sont suffisamment bien conditionnées pour surprendre les quêteurs de sensations fortes. C'est d'ailleurs davantage la surprise que la peur qui prédomine. La peur nécessite généralement plus de temps de mise en scène et de préparation du spectateur, or ici tout s'enchaîne assez vite dans un montage très découpé et dynamique. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, on évite les flots d'hémoglobine, comparativement à d'autres films d'horreur. Le réalisateur Wes Craven, qui a réalisé les précédents volets, ne ménage cependant pas le spectateur qui aura le droit à son lot très réaliste de coups de couteau, le poignard étant l'accessoire fétiche de
Scream
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On est assez logiquement tenté de s'interroger sur l'intérêt d'un tel spectacle qui suppose la recherche d'une satisfaction dans la peur et le sang. Scream est l'archétype de la violence banalisée puisqu'il la propose comme finalité du spectacle et non comme l'accident d'un message. En effet, si l'objectif n'était que la peur ou la surprise, il n'y aurait pas besoin de montrer la pénétration des lames dans le corps des victimes. Hitchcock l'a suffisamment démontré dans la fameuse scène de la douche de Psychose. La question touche le genre en lui-même qui doit apparaître comme mineur bien qu'étant souvent la proie de cinéastes talentueux qui ont su en pousser l'esthétique. Scream 4 est à n'en pas douter loin d'être le plus gore de sa catégorie et surtout il parvient à aborder de manière presque métaphorique des problématiques contemporaines. Ainsi, les réseaux sociaux tels que Facebook sont mis à l'honneur : « Ces nouvelles technologies modifient notre monde et les événements qui nous entourent. C’est un des thèmes importants du film. La nouvelle génération possède de tous nouveaux
moyens de communiquer.
» (Wes Craven, réalisateur, dossier de presse). Internet est montré comme le média de tous les excès. Il est le paradoxe d'une jeune génération qui a accès à tout, qui peut tout montrer mais dont l'identité est noyée dans une masse colossale d'informations. « La clé, c'est l'aptitude de n'importe qui à devenir célèbre sur le plan national ou international. S'ils le veulent, ils peuvent faire quelque chose d'extrême. Tout ceci vient des nouveaux réseaux qui font croire à ces gens qu'ils ont un pouvoir. » (Wes Craven, interview allocine.fr). Pour Neve Campbell, ce qui a changé depuis les précédents films, ce sont les technologies et « cette volonté de devenir célèbre, même sans talent style="font-style: normal"> », « la mentalité des gens d'aujourd'hui qui veulent se faire de l'argent avec le moins de travail possible » (interview allocine.fr). Cette réflexion fait effectivement écho à une réplique du tueur qui demande à l'héroïne ce que devrait être son avenir : faire des études ? avoir un boulot ? Rien de bien stimulant pour un jeune qui voit tous les jours sur Internet des gens qui font fortune ou qui deviennent des stars grâce à un concept ou une vidéo... Scream 4 est donc une critique du monde moderne en poussant à son paroxysme, au travers de l'acte criminel, l'émergence d'une mentalité paresseuse et du voyeurisme.


Si l'on peut saluer le point de vue à contre-courant des cinéastes, il y a fort à parier que Scream 4 sera davantage perçu comme un divertissement à sensation (ce qu'il est) que comme un film à thèse. Il est évident par ailleurs, que l'interdiction aux moins de 12 ans n'est, comme bien d'habitude, pas assez sévère.


Jean LOSFELD