Personne n'arrêtera Nathalie Portman, qu'on se le dise ! Après Black Swan, Your Highness pointe à l'horizon ainsi que Cloud Atlas, tous programmés pour 2011. Arrêtons-nous pour le moment sur Sex Friends, le dernier né de Paramount.
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Ashton Kutcher, le chouchou en vogue des comédies romantiques, ne pouvait pas échapper au voyage. Tous les acteurs sont égaux à eux-mêmes et les fausses notes sont très rares dans ce scénario néanmoins très téléphoné. On s'aime, on se repousse, on bascule dans des quiproquos qu'on a soi-même tissés, bref tout y est.
Et pour ceux qui sont amoureux de Los Angeles, la ville est montrée sous toutes ses coutures.
Sur le fond le film pose évidemment la question de la mode « Sex friends. » Qu'est-ce que le « Sex friendisme » ? Un pur produit de notre société, une suite logique de son évolution, un amour artificiel imaginé par l'homme. Dans la conception traditionnelle
de l'amour, que notre époque arrogante appelle « temps de nos grands-mères, » on s'aime pour construire quelque chose ensemble, pour bâtir des lendemains meilleurs et entretenir la petite flamme d'espérance que les hommes gardent intacte en toutes circonstances. On rêve d'une maison, d'un enfant, de soirées entre amis et de bons dîners au restau. Bref on suit l'inclination naturelle de la vie.
Pourtant il est aussi possible de la planifier. On peut même aller contre la nature des choses. Quel est l'intérêt ? Avoir un maximum de plaisir pour un minimum de désagréments. C'est le paradis des coureurs de jupons, que leurs grands-pères regardent peut-être avec quelques larmes émues ! S'ils avaient su, eux, qu'il suffisait de naître quelques années plus tard pour pouvoir séduire une femme en empêchant la conception et, donc, la pénible responsabilité d'un enfantement !
Que de parties de jambes en l'air en perspective ! Scénariste du film et interrogée dans le dossier de presse, Elisabeth Meriwether ne s'y trompe pas :« Ce film, c’est un peu un rêve qui se réalise : on peut simplement se dire qu’on peut avoir une relation purement physique et que si le moindre sentiment pointe le bout de son nez, on peut quitter le navire. » Mais il reste un problème.
Les gens, c'est humain, s'attachent. Les hommes rusent et les femmes rendent les rencards de plus en plus difficiles. Il ne s'agit plus, pour l'homme, de raconter une belle histoire romantique (du type « Je l'aimais tellement ! Elle m'a quitté... Comme je me sens fragile ! »). Non. L'agnelle moderne regarde par la fenêtre si la patte est blanche, et pour le loup, la farine est de plus en plus chère ! Il faut cacher que la veille au soir une autre était dans
le lit, rivaliser d'ingéniosité pour essayer de casser la relation sans faire trop souffrir (les hommes ne sont pas tous des salauds, allons donc!)... Bref, il faut en avoir conscience, coureur de jupons est devenu plus qu'un métier. C'est un enfer... Heureusement l'intelligence humaine n'est pas à court de ressources. Pour éviter les désagréments de l'amour naturel, est apparu un concept nouveau (ou plutôt étendu) : le « sex friendisme ».
Il est donc aujourd'hui courant de s'entendre avec son ou sa partenaire pour que la relation soit sans autre lendemain que le sexe. On se retrouve partout et à toute heure pour de fabuleuses parties de jambes en l'air, mais en ayant à l'esprit un contrat signé de toute sa naïveté : on ne s'attachera pas. On ne fait plus l'amour, on copule ! Ivan Reitman, le réalisateur,
est fasciné : « Ce qu’il y a de vraiment fascinant de nos jours, c’est que les jeunes adultes ont beaucoup plus de facilités à coucher immédiatement qu’à construire une relation ou à s’engager avec quelqu’un. C’est vraiment ce qui m’a attiré dans le scénario. Il y a 20 ans, Quand Harry rencontre Sally posait la question : l’amitié homme/femme est-elle possible sans que le sexe ne se mette en travers de son chemin ? Aujourd’hui, la question s’est transformée en : un homme et une femme peuvent-ils avoir une relation purement sexuelle sans que les sentiments ne se mettent en travers de leur chemin ? » (in Dossier de Presse).
C'est le choix que fait dans le film la petite Emma, quoique son copain Adam soit assez sceptique. Persuadée que
« Les relations suivies, c'est pas le genre qu'elle sait faire », Emma propose à Adam de ne se voir que pour copuler. Nathalie Portman développe dans le dossier de presse : « Emma est un médecin qui ne cherche pas de relation affective. Elle se refuse à toute forme d’attachement, parce qu’elle ne supporte pas de perdre les gens. » Dans le film, un passant promenant son chien ricane : « C'est impossible. » C'est ce que nous allons voir... Et le scénario d'enchaîner les scènes graveleuses, de préférence drôles, afin de montrer que pour nos deux tourtereaux, ou plutôt nos linottes, tout va pour le mieux.
Mais la réalité va bien vite les rattraper, au travers d'une anecdote intellectuellement amusante (si si ! c'est possible!). Alors que pendant tout le film chacun
traite l'autre comme un simple objet de plaisir (cf. à cet effet notre fiche thématique sur L'amitié au cinéma), Emma va retourner la question.
Un jour que le groupe d'amis se paye une bonne tranche de grillade dans un parc quelconque, Emma discute avec un jeune homme plutôt séduisant. Adam lui envoie un texto pour lui dire qu'il a de petites mains. Interprétant cela comme de la jalousie, elle le prend mal et s'indigne : « Je ne suis pas ta chose Adam !» Alors qu'elle a fait le choix de n'être précisément qu'une machine à plaisir, voilà qu'elle interprète la
possessivité (on ne peut plus naturelle dans un couple, pourvu qu'elle ne soit pas maladive), comme une chosification du partenaire. Cocasse !
Peut-on passer sous silence la conséquence évidente d'une telle conception du sexe ? Si celui-ci n'engage en effet pas l'homme dans toutes ses composantes psychologiques, affectives et, même intellectuelles, tromper n'est plus... tromper ! Celui qui trompe sa femme pourra toujours invoquer que c'était juste une partie de plaisir sans lendemain. Et pour peu que celle-ci le croit, et que la chose soit instituée, les couples se livreront à corps perdus à toutes les relations exotiques, oubliant du même coup ce que le film enseigne à Emma et Adam : un couple a besoin d'exclusivité... sous peine d'imploser.
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Arrivera-t-on un jour à tellement violenter la nature des relations humaines qu'il sera possible d'instituer la tromperie tout en préservant l'harmonie des familles ? L'Antiquité a échoué. Mais on est beaucoup plus malins, c'est sûr !
Raphaël Jodeau
Personne n'arrêtera Nathalie Portman, qu'on se le dise ! Après Black Swan, Your Highness pointe à l'horizon ainsi que Cloud Atlas, tous programmés pour 2011. Arrêtons-nous pour le moment sur Sex Friends, le dernier né de Paramount.
>Ashton Kutcher, le chouchou en vogue des comédies romantiques, ne pouvait pas échapper au voyage. Tous les acteurs sont égaux à eux-mêmes et les fausses notes sont très rares dans ce scénario néanmoins très téléphoné. On s'aime, on se repousse, on bascule dans des quiproquos qu'on a soi-même tissés, bref tout y est.Et pour ceux qui sont amoureux de Los Angeles, la ville est montrée sous toutes ses coutures.
Sur le fond le film pose évidemment la question de la mode « Sex friends. » Qu'est-ce que le « Sex friendisme » ? Un pur produit de notre société, une suite logique de son évolution, un amour artificiel imaginé par l'homme. Dans la conception traditionnelle
de l'amour, que notre époque arrogante appelle « temps de nos grands-mères, » on s'aime pour construire quelque chose ensemble, pour bâtir des lendemains meilleurs et entretenir la petite flamme d'espérance que les hommes gardent intacte en toutes circonstances. On rêve d'une maison, d'un enfant, de soirées entre amis et de bons dîners au restau. Bref on suit l'inclination naturelle de la vie.
Pourtant il est aussi possible de la planifier. On peut même aller contre la nature des choses. Quel est l'intérêt ? Avoir un maximum de plaisir pour un minimum de désagréments. C'est le paradis des coureurs de jupons, que leurs grands-pères regardent peut-être avec quelques larmes émues ! S'ils avaient su, eux, qu'il suffisait de naître quelques années plus tard pour pouvoir séduire une femme en empêchant la conception et, donc, la pénible responsabilité d'un enfantement !
Que de parties de jambes en l'air en perspective ! Scénariste du film et interrogée dans le dossier de presse, Elisabeth Meriwether ne s'y trompe pas :« Ce film, c’est un peu un rêve qui se réalise : on peut simplement se dire qu’on peut avoir une relation purement physique et que si le moindre sentiment pointe le bout de son nez, on peut quitter le navire. » Mais il reste un problème.
Les gens, c'est humain, s'attachent. Les hommes rusent et les femmes rendent les rencards de plus en plus difficiles. Il ne s'agit plus, pour l'homme, de raconter une belle histoire romantique (du type « Je l'aimais tellement ! Elle m'a quitté... Comme je me sens fragile ! »). Non. L'agnelle moderne regarde par la fenêtre si la patte est blanche, et pour le loup, la farine est de plus en plus chère ! Il faut cacher que la veille au soir une autre était dans
le lit, rivaliser d'ingéniosité pour essayer de casser la relation sans faire trop souffrir (les hommes ne sont pas tous des salauds, allons donc!)... Bref, il faut en avoir conscience, coureur de jupons est devenu plus qu'un métier. C'est un enfer... Heureusement l'intelligence humaine n'est pas à court de ressources. Pour éviter les désagréments de l'amour naturel, est apparu un concept nouveau (ou plutôt étendu) : le « sex friendisme ».
Il est donc aujourd'hui courant de s'entendre avec son ou sa partenaire pour que la relation soit sans autre lendemain que le sexe. On se retrouve partout et à toute heure pour de fabuleuses parties de jambes en l'air, mais en ayant à l'esprit un contrat signé de toute sa naïveté : on ne s'attachera pas. On ne fait plus l'amour, on copule ! Ivan Reitman, le réalisateur,
est fasciné : « Ce qu’il y a de vraiment fascinant de nos jours, c’est que les jeunes adultes ont beaucoup plus de facilités à coucher immédiatement qu’à construire une relation ou à s’engager avec quelqu’un. C’est vraiment ce qui m’a attiré dans le scénario. Il y a 20 ans, Quand Harry rencontre Sally posait la question : l’amitié homme/femme est-elle possible sans que le sexe ne se mette en travers de son chemin ? Aujourd’hui, la question s’est transformée en : un homme et une femme peuvent-ils avoir une relation purement sexuelle sans que les sentiments ne se mettent en travers de leur chemin ? » (in Dossier de Presse).
C'est le choix que fait dans le film la petite Emma, quoique son copain Adam soit assez sceptique. Persuadée que
« Les relations suivies, c'est pas le genre qu'elle sait faire », Emma propose à Adam de ne se voir que pour copuler. Nathalie Portman développe dans le dossier de presse : « Emma est un médecin qui ne cherche pas de relation affective. Elle se refuse à toute forme d’attachement, parce qu’elle ne supporte pas de perdre les gens. » Dans le film, un passant promenant son chien ricane : « C'est impossible. » C'est ce que nous allons voir... Et le scénario d'enchaîner les scènes graveleuses, de préférence drôles, afin de montrer que pour nos deux tourtereaux, ou plutôt nos linottes, tout va pour le mieux.
Mais la réalité va bien vite les rattraper, au travers d'une anecdote intellectuellement amusante (si si ! c'est possible!). Alors que pendant tout le film chacun
traite l'autre comme un simple objet de plaisir (cf. à cet effet notre fiche thématique sur L'amitié au cinéma), Emma va retourner la question.
Un jour que le groupe d'amis se paye une bonne tranche de grillade dans un parc quelconque, Emma discute avec un jeune homme plutôt séduisant. Adam lui envoie un texto pour lui dire qu'il a de petites mains. Interprétant cela comme de la jalousie, elle le prend mal et s'indigne : « Je ne suis pas ta chose Adam !» Alors qu'elle a fait le choix de n'être précisément qu'une machine à plaisir, voilà qu'elle interprète la
possessivité (on ne peut plus naturelle dans un couple, pourvu qu'elle ne soit pas maladive), comme une chosification du partenaire. Cocasse !
Peut-on passer sous silence la conséquence évidente d'une telle conception du sexe ? Si celui-ci n'engage en effet pas l'homme dans toutes ses composantes psychologiques, affectives et, même intellectuelles, tromper n'est plus... tromper ! Celui qui trompe sa femme pourra toujours invoquer que c'était juste une partie de plaisir sans lendemain. Et pour peu que celle-ci le croit, et que la chose soit instituée, les couples se livreront à corps perdus à toutes les relations exotiques, oubliant du même coup ce que le film enseigne à Emma et Adam : un couple a besoin d'exclusivité... sous peine d'imploser.
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Arrivera-t-on un jour à tellement violenter la nature des relations humaines qu'il sera possible d'instituer la tromperie tout en préservant l'harmonie des familles ? L'Antiquité a échoué. Mais on est beaucoup plus malins, c'est sûr !
Raphaël Jodeau