Sexe entre amis

Film : Sexe entre amis (2011)

Réalisateur : Will Gluck

Acteurs : Justin Timberlake (Dylan), Mila Kunis (Jamie), Patricia Clarkson (Lorna), Jenna Elfman (Annie)

Durée : 01:49:00


Une comédie trop vulgaire pour être romantique et vraiment drôle qui dénonce les relations sexuelles sans sentiments de manière peu convaincante.

Sexe entre amis plonge le spectateur dans l’atmosphère enivrante de New York, l’une des villes les plus fascinantes du monde. En effet, Jamie (Mila Kunis), chasseuse de tête pleine d’entrain, guide habilement son client, le jeune et séduisant Dylan (Justin Timberlake) dans la découverte d’un New York fiévreux. Voilà de quoi fasciner le jeune directeur artistique débarquant des plages paisibles de Los Angeles. Aucun site emblématique ne manque pour inscrire ce film dans la lignée des grandes comédies sentimentales américaines. Mais suffit-il de percher audacieusement une sc&
egrave;ne sur une lettre « O » du gigantesque et symbolique panneau Hollywood qui domine Los Angeles pour réussir son œuvre ?

Le jeune Dylan ne se contente pas du New York des touristes, que les clichés risquent d’affadir, et nous fait découvrir son milieu professionnel pittoresque où l’équipe des rédacteurs si créatifs et énergiques du magazine GQ discute toujours à battons rompus. Que l’on soit gay (comme le collègue de Dylan) ou non, en matière de relation amoureuse, on a toujours un conseil « plein de sagesse » à donner sur le ton de la boutade douteuse. De même on se plaît à promouvoir un art et une culture déconnectés de la beauté en publiant par exemple des photos érotiques
sans rapport pour illustrer la rubrique sport. Il s’agit moins d’élévation de l’âme que d’un culte effréné du plaisir.

C’est dans une ambiance où se mêlent clichés et innovations en matière de relations amoureuses que sont aussi présentées les familles des protagonistes. Ceux-ci ne sont pas gâtés : Jamie a vite endossé le rôle de mère vis-à-vis de sa propre maman hippie instable qui ne compte plus ses amants, squatte l’appartement de sa fille et n’a jamais su qui était le père de celle-ci. Quant à Dylan, sa mère a abandonné sa famille dix ans auparavant et il n’est pas une seule fois question du père du petit neveu Sam (Nolan Gould) que sa mère Annie (Jenna Elfman) &
eacute;lève seule. Le message est clair, le rêve d’une famille heureuse née d’une histoire romantique (comme les parents de Dylan) ou d’une relation libre, façon « peace and love » (comme ceux de Jamie), est illusoire. Sans rejeter leurs parents qu’ils aiment sincèrement, Jamie et Dylan ne peuvent s’empêcher de remettre
« en question le modèle de relation avec lequel ils ont grandi, avec tout ce que cela implique » (Justin Timberlake in Dossier de Presse). Il faut donc trouver mieux, innover à l’image de la société du 21e face="Cambo, sans-serif"> siècle. Et Will Gluck d’expliquer : « C’est un film destiné aux adultes qui traite des relations amoureuses de nos jours » (D.P.). On notera qu’interdit aux moins de 16 ans aux Etats-Unis, ce film est tout public en France alors que Justin Timberlake lui-même l'envisage comme un film pour adulte : « C’est une bonne chose que le film ait été classé « R » (interdit aux moins de 17 ans), parce que cela nous a permis d’intégrer des éléments humoristiques dans les scènes d’intimité &
raquo; (D.P.).

Nos deux héros se lancent alors dans la recherche de la forme parfaite de fréquentation, expérimentant à peu près tous les stades possibles de la relation entre deux personnes. De rapports professionnels on passe rapidement à du copinage pour coucher bientôt ensemble avant de devenir amis sans relation sexuelle. La réalité rattrape vite ce couple innovateur qui se perd dans des relations de plus en plus compliquées et constate avec dépit son manque de cohérence : « Avant on avait le sexe sans le sentiment, maintenant on a le sentiment sans le sexe. » Le duo finit par se détester mais on ne peut imaginer de comé
die sentimentale américaine sans un baiser final ! Une histoire à donner le vertige.

En effet les deux héros méprisent les conventions qui veulent que le sexe soit l’expression de sentiments. Déçus dans leurs relations amoureuses précédentes et par leurs parents qui croyaient s’aimer, leurs sensibilités ont été mises à rude épreuve. Ils les refoulent et cherchent de l’assurance dans la provocation : on se moque des films à l’eau de rose et du rêve du prince charmant, on méprise le romantisme des parents. C’est compréhensible, car ces conceptions de la vie de couple ne se fondent que sur le sentiment, sur l’attirance mutuelle, sur le bien agréable qu’on en retire, fugacité qui substitue le plaisir au
bonheur !

Cette déception justifie-t-elle l'étalage de chair rose et les propos obscènes? Dans une société sans tabous et dédaigneuse des conventions, entre copains, on parle sexe comme on parlerait football ou sac à main. C’est normal puisqu’il s’agit pour Dylan et Jamie d’un acte aussi prosaïquement physique qu’un jeu de tennis (sic !). Ce n’est qu’un besoin. Dans ce cas, il n’y a de fait aucune raison de voiler ces moments d’intimité d’une pudeur désuète. On se déshabille sans vergogne à l’écran, on se complaît dans le voyeurisme et la lubricité avec vulgarité et cynisme. A vrai dire, ce qui devait faire rire finit par affliger. En effet, on trouve difficilement sujet plus sérieux
que la quête du bonheur et les personnages tentent désespérément de voiler leur profond désarroi et de se donner une contenance en maniant la plaisanterie graveleuse. Triste génération qui cherche comment faire mieux que des parents s’abreuvant de sentimentalité et dissociant amour et sexualité. Malgré l’orgueil méprisant et audacieux de sa jeunesse, elle ne trouve pas d’autre solution que de supprimer non seulement le don mutuel de l’amour vrai mais aussi tout sentiment d’attirance et de bonheur qui accompagne celui-ci. La mère de Jamie n’avait pas attendu sa fille pour faire l’expérience d’une telle relation, les deux jeunes gens n’ont donc rien inventé.

La vivacité si charmante de Mila Kunis et le flegme de Justin
Timberlake sont admirablement bien rendus par un casting de choc, mais il ne suffit pas à voiler la détresse de leurs personnages. En effet Dylan et Jamie souffrent d’une solitude cruelle très habilement mise en valeur dans les scènes de flash-mob où chacun vient anesthésier son isolement en se donnant l’illusion d’appartenir à un groupe en réalité rapidement dissout quand chacun se fond furtivement dans la foule à la fin de la chanson.

Il semblerait que l’œuvre ait du mal à trouver un aboutissement à la quête de ses personnages. Il est évident que les scénaristes Keith Merryman et David A. Newman désirent pointer du doigt la déraison des deux protagonistes et de leur génération. En effet « en imaginant Sexe Entre Amis, leur objectif était de faire une anti comédie romantique postmoderne sur la disparition de l’amour à l’ère des histoires sans lendemain, destinée à un public âgé de moins de 17 ans » (D.P.). Après avoir tout essayé, il ne reste que la solution de l’amour bien classique. Le détour par ces expériences scabreuses et douloureuses était-il nécessaire ?