Shrek III

Film : Shrek III (2007)

Réalisateur : Chris Miller

Acteurs : les voix américaines de Mike Myers (Shrek), Eddie Murphy (l’âne), Cameron Diaz (la princesse Fiona), Antonio Banderas (Potté), Justin Timberlake (Arthur)…

Durée : 01:33:00



Dernier volet d’une saga de trois dessins anim&
eacute;s en images de synthèse, Shrek le Troisième clôt le premier cycle des aventures de l’ogre Shrek. Le prochain Shrek n’est d’ailleurs pas attendu avant 2010. Ce troisième épisode est réalisé par Chris Miller, scénariste sur les deux premiers films ; Andrew Adamson, le réalisateur originel, laisse en effet la main pour se consacrer aux films de la saga Narnia.

Le succès de Shrek se fonde en grande partie sur sa capacité à rassembler un public très large. Il joue en effet un double jeu : dessin animé pour enfants, il les séduit par des gags, des procédés narratifs simples (causalité si… alors), une action débridée… Du côté des adultes, il comporte une dimension réflective (sur le rôle de père, sur les contes de fée d’une manière générale), et tire son charme d&
rsquo;une large palette de clins d’œil (qui va du choix des comédiens aux vrais contes de fée en passant par le détournement systématique du septième art…). Shrek illustre aussi la puissance de l’industrie hollywoodienne qui, tout en exploitant jusqu’au bout une licence commerciale, se veut fédératrice de toute la nébuleuse du cinéma en le compilant dans un chef-d’œuvre de caricature et de parodie.

La scène d’ouverture donne le la : les nuages menaçants rappellent Harry Potter, la chevauchée de Charmant le Seigneur des Anneaux, et le décor de carton-pâte qui délimite le lieu de ses exploits imaginaires, filmé en plan italien, évoque les comédies musicales de Broadway, les contes de fées et les cafés-théâtres de la vieille Europe. Cette ouverture sur les planches trouve un écho dans la s&
eacute;quence finale, dans laquelle l’usurpateur Charmant met en scène l’exécution de Shrek, dans un décor digne du Roi-Soleil, devant un parterre amorphe et indifférent… Elle montre surtout que le film refuse de se prendre au sérieux, exploitant la thématique du théâtre pour montrer que les apparences sont trompeuses, ne sont que de la poudre aux yeux… Cette dualité dans le discours fait tout le charme de ce dessin animé qui, tout en éraflant les Chevaliers de la Table Ronde, la comédie musicale, les campus américains, les contes enfantins, y ajoute des perspectives nouvelles basées sur une réflexion plus mature.

Artistiquement, Shrek le Troisième relève le défi lancé par son prédécesseur (couronné par l’Oscar du meilleur film d’animation). Dans un univers virtuel mais enchanteur, les protagonistes sont plus
vrais que nature, tandis que leur nombre s’agrandit (Merlin l’Enchanteur, la Belle au Bois dormant…). La caméra fait beaucoup pour entretenir l’humour et la satire, bien plus que ce que les techniques de prises de vue classiques ne le permettent (la mort laborieuse du roi Arrold est très drôle grâce à des angles de prises de vue étonnants, rendus possibles par la technique informatique).

Plus mûr que ses prédécesseurs, Shrek le Troisième ne fait pas étalage de gags et de situations extraordinaires. Il peut au contraire sembler plus calme, plus posé, moins mordant que les premiers épisodes. Ce sentiment général se confirme du fait de la réflexion plus profonde, s’adaptant à la maturité grandissante de Shrek – et de ses spectateurs adolescents.

style="font-size: x-small;">D’une manière générale, ce dernier volet s’est adapté à un public plus adolescent : moins d’action et plus de questions sur les responsabilités des adultes. Le socle de la réflexion reste le même : un monstre hideux peut cacher une grande âme et donner des leçons d’humanité aux hommes. Deux défis vont s’offrir à Shrek : trouver un héritier au trône, à moins de régner lui-même, ce qu’il refuse, et affronter un tournant dans sa vie : la perspective de la paternité. L’humour qui découle de ces deux quêtes enrobe les exigences d’un parcours initiatique : Shrek doit moins se soucier de lui-même, tel un adolescent casanier et solitaire, et davantage s’ouvrir aux responsabilités et aux devoirs de la vie en famille.

Tout en cachant son jeu derrière une ironie
mordante et malicieuse, le film n’en délivre pas moins un message positif : il montre l’importance de la cellule familiale, qui procure beaucoup de joie tout en mettant à l’épreuve l’esprit de sacrifice de ses membres. L’angoisse de Shrek, mise en avant dans un de ses rêves dans lequel il se voit père de toute une tribu de petits ogres verts, repose sur un sentiment d’étouffement de l’individu en face des responsabilités familiales. Elle trouve un heureux aboutissement dans l’amour que se portent les deux époux, qui à chaque défi relevé et remporté va en grandissant.

*Citations tirées des notes de production 

Stéphane
JOURDAIN