Encore un film d’horreur ou d’épouvante qui utilise le diable comme machine à frisson. Ici l’horrible
diablotin s’intitule Bagul (Bughuul) qui n’est rien d’autre qu’un démon inventé de toutes pièces par les cinéastes. L’histoire s’inspire vaguement de faits réels mais toute la mythologie et les phénomènes du film ne reposent sur rien de bien réel. Le but avoué du film est de parler de la peur et particulièrement du rapport des spectateurs avec les films d’horreur.
D’aucuns parleront d’une mise en abîme et le réalisateur aime parler de film avec des “effets thérapeutiques bénéfiques”. Scott Derrickson a au moins le mérite de soulever une question que de nombreux spectateurs se posent. Au-delà de la recherche é
trange du frisson, le cinéma d’horreur permet-il de conjurer nos angoisses, de les maîtriser en les affrontant ? De grands drames sociaux comme la tuerie de Colombine en 1999 ont fait couler beaucoup d'encre sur l'influence de la violence et du sexe au cinéma, spécialement sur les plus jeunes. En est-il de même de la peur ?
Sans prétendre à l’analyse scientifique, il convient néanmoins de formuler quelques remarques.
En réalité, rares sont les spectateurs qui vont voir ce genre en pensant apprendre à contrôler la
peur. Il s’agit plutôt d’une recherche de sensations ou d’ambiance. De ce point de vue, on peut difficilement parler de thérapie. Par ailleurs, la peur, surtout dans ce contexte, résulte essentiellement de l’inconnu et de la surprise. Sinister, par exemple, fait sursauter grâce à une bande son abominable et des flashs d’images qui, même s’ils sont courus d’avance, choquent le spectateur. De ce point de vue, il faut reconnaître que le film bénéficie d'un montage très précis avec des idées certes peu originales mais bien conçues. Les connaisseurs du genre ne manqueront pas de voir quelques références stylistiques et conceptuelles à Ringu (d'Hideo Nakata, 1998). La bande son est en revanche trop présente de sorte qu'on ne sait plus si elle nous irrite ou nous effraie. Mais c'est é
videmment intentionnel. Il s’agit donc d’une peur fabriquée (très bien même) qui n’a rien à voir avec nos peurs réelles. Pour ma part, je suis rarement confronté à une attaque d’enfants dévorés par un certain Bughuul...
L’effet est donc en réalité inverse. Au lieu de conjurer nos peurs, le film d’horreur en crée de nouvelles toujours plus sophistiquées en frappant notre imagination à coup de sons et d’images fascinantes. Le scénariste devrait le savoir puisque c’est en faisant un cauchemar après avoir vu Ring qu’il a eu l’idée de ce film. Il est donc probable que des gens qui auparavant n’étaient pas affect&
eacute;s par le paranormal y deviennent sensibles. D'ailleurs il est très intéressant de constater que les films d'horreur se refilent leur trouvailles ou utilisent l'expérience qu'a eue le spectateur devant certaines scènes pour accroitre la tension. Tout le monde sent bien que lorsque le héros est en plan serré le cinéaste cherche à nous empêcher d'avoir une vision globale de la scène privant ainsi du contrôle des choses et de l'anticipation. Les exemples de réutilisation des codes seraient légions.
Par conséquent, les films reposant uniquement sur des mécanismes qui provoquent l’effroi sont plus perturbants qu’autre chose. N’emmenons pas nos gamins dans les salles obscures par
exemple pour leur “apprendre la vie” ! Pour s’en convaincre, posons-nous la question : depuis que je regarde des films d’horreur, ai-je moins peur dans le noir ? Sursauté-je moins lorsqu’un petit malin m’attaque par surprise ? Ai-je moins peur du surnaturel ?...
Le seul moyen de ne pas avoir peur d’une menace est d’avoir la capacité de la contrôler parfaitement. Or il y a beaucoup de choses que l’on ne maitrise pas. Il n’y a jamais eu autant de films d’horreur et on n’a jamais eu une société autant effrayée par la mort, la souffrance, les responsabilités... Étonnant, n’est-ce pas ?
Le film d’horreur ne trouvera donc pas de raisons thérapeutiques pour justifier son bien fondé puisqu’il constitue au contraire une fragilisation. Pour ceux qui n’ont pas peur c’est une autre histoire, mais dans ce cas ils rechercheront autre chose.
Y-a-t-il autre chose justement ? Sinister est légèrement plus évolué que d’autres films d’épouvante. Bughuul s’attaque à des enfants dont il dévore les âmes et utilise les images comme entrées sur le monde. Puis il finit par détruire des familles entières. On ’y voit sans difficulté une allusion
aux dangers de l’image, notamment du cinéma sur les enfants. Scott Derrickson traite par ce biais la protection du foyer familial. Le héros, jadis célèbre, cherche à tout prix à se refaire un nom grâce à un nouveau best seller. C’est alors qu’il entraîne sa femme et ses deux enfants dans une histoire sordide et dangereuse en leur cachant délibérément l’histoire de la maison qu’ils habitent. Les scènes horrifiques sont alors entre-coupées de scènes de ménage bien faites où s’expriment l’égoïsme du père et les craintes de la mère. Le réalisateur prend d'ailleurs le risque de dialogues assez longs et verbeux pour des scènes qui pourraient avoir leur place dans un drame ou une comédie dramatique. On est donc loin du film d'horreur de bas étage mettant en scène des ados en train de se peloter
juste avant de se faire trucider.
Ce métrage, produit par le producteur de Paranormal Activity, reste un bon moyen de faire de l’argent avec une ambiance glauque. Sinister et Paranormal Activity partagent d’ailleurs le même goût pour le désespoir puisque le “Mal” ressort à chaque fois vainqueur.
Encore un film d’horreur ou d’épouvante qui utilise le diable comme machine à frisson. Ici l’horrible diablotin s’intitule Bagul (Bughuul) qui n’est rien d’autre qu’un démon inventé de toutes pièces par les cinéastes. L’histoire s’inspire vaguement de faits réels mais toute la mythologie et les phénomènes du film ne reposent sur rien de bien réel. Le but avoué du film est de parler de la peur et particulièrement du rapport des spectateurs avec les films d’horreur.
D’aucuns parleront d’une mise en abîme et le réalisateur aime parler de film avec des “effets thérapeutiques bénéfiques”. Scott Derrickson a au moins le mérite de soulever une question que de nombreux spectateurs se posent. Au-delà de la recherche é trange du frisson, le cinéma d’horreur permet-il de conjurer nos angoisses, de les maîtriser en les affrontant ? De grands drames sociaux comme la tuerie de Colombine en 1999 ont fait couler beaucoup d'encre sur l'influence de la violence et du sexe au cinéma, spécialement sur les plus jeunes. En est-il de même de la peur ?
Sans prétendre à l’analyse scientifique, il convient néanmoins de formuler quelques remarques.
En réalité, rares sont les spectateurs qui vont voir ce genre en pensant apprendre à contrôler la peur. Il s’agit plutôt d’une recherche de sensations ou d’ambiance. De ce point de vue, on peut difficilement parler de thérapie. Par ailleurs, la peur, surtout dans ce contexte, résulte essentiellement de l’inconnu et de la surprise. Sinister, par exemple, fait sursauter grâce à une bande son abominable et des flashs d’images qui, même s’ils sont courus d’avance, choquent le spectateur. De ce point de vue, il faut reconnaître que le film bénéficie d'un montage très précis avec des idées certes peu originales mais bien conçues. Les connaisseurs du genre ne manqueront pas de voir quelques références stylistiques et conceptuelles à Ringu (d'Hideo Nakata, 1998). La bande son est en revanche trop présente de sorte qu'on ne sait plus si elle nous irrite ou nous effraie. Mais c'est é videmment intentionnel. Il s’agit donc d’une peur fabriquée (très bien même) qui n’a rien à voir avec nos peurs réelles. Pour ma part, je suis rarement confronté à une attaque d’enfants dévorés par un certain Bughuul...
L’effet est donc en réalité inverse. Au lieu de conjurer nos peurs, le film d’horreur en crée de nouvelles toujours plus sophistiquées en frappant notre imagination à coup de sons et d’images fascinantes. Le scénariste devrait le savoir puisque c’est en faisant un cauchemar après avoir vu Ring qu’il a eu l’idée de ce film. Il est donc probable que des gens qui auparavant n’étaient pas affect& eacute;s par le paranormal y deviennent sensibles. D'ailleurs il est très intéressant de constater que les films d'horreur se refilent leur trouvailles ou utilisent l'expérience qu'a eue le spectateur devant certaines scènes pour accroitre la tension. Tout le monde sent bien que lorsque le héros est en plan serré le cinéaste cherche à nous empêcher d'avoir une vision globale de la scène privant ainsi du contrôle des choses et de l'anticipation. Les exemples de réutilisation des codes seraient légions.
Par conséquent, les films reposant uniquement sur des mécanismes qui provoquent l’effroi sont plus perturbants qu’autre chose. N’emmenons pas nos gamins dans les salles obscures par exemple pour leur “apprendre la vie” ! Pour s’en convaincre, posons-nous la question : depuis que je regarde des films d’horreur, ai-je moins peur dans le noir ? Sursauté-je moins lorsqu’un petit malin m’attaque par surprise ? Ai-je moins peur du surnaturel ?...
Le seul moyen de ne pas avoir peur d’une menace est d’avoir la capacité de la contrôler parfaitement. Or il y a beaucoup de choses que l’on ne maitrise pas. Il n’y a jamais eu autant de films d’horreur et on n’a jamais eu une société autant effrayée par la mort, la souffrance, les responsabilités... Étonnant, n’est-ce pas ?
Le film d’horreur ne trouvera donc pas de raisons thérapeutiques pour justifier son bien fondé puisqu’il constitue au contraire une fragilisation. Pour ceux qui n’ont pas peur c’est une autre histoire, mais dans ce cas ils rechercheront autre chose.
Y-a-t-il autre chose justement ? Sinister est légèrement plus évolué que d’autres films d’épouvante. Bughuul s’attaque à des enfants dont il dévore les âmes et utilise les images comme entrées sur le monde. Puis il finit par détruire des familles entières. On ’y voit sans difficulté une allusion aux dangers de l’image, notamment du cinéma sur les enfants. Scott Derrickson traite par ce biais la protection du foyer familial. Le héros, jadis célèbre, cherche à tout prix à se refaire un nom grâce à un nouveau best seller. C’est alors qu’il entraîne sa femme et ses deux enfants dans une histoire sordide et dangereuse en leur cachant délibérément l’histoire de la maison qu’ils habitent. Les scènes horrifiques sont alors entre-coupées de scènes de ménage bien faites où s’expriment l’égoïsme du père et les craintes de la mère. Le réalisateur prend d'ailleurs le risque de dialogues assez longs et verbeux pour des scènes qui pourraient avoir leur place dans un drame ou une comédie dramatique. On est donc loin du film d'horreur de bas étage mettant en scène des ados en train de se peloter juste avant de se faire trucider.
Ce métrage, produit par le producteur de Paranormal Activity, reste un bon moyen de faire de l’argent avec une ambiance glauque. Sinister et Paranormal Activity partagent d’ailleurs le même goût pour le désespoir puisque le “Mal” ressort à chaque fois vainqueur.