Snowpiercer, Le Transperceneige

Film : Snowpiercer, Le Transperceneige (2013)

Réalisateur : Bong Joon Ho

Acteurs : Chris Evans (Curtis), Song Kang-Ho (Namgoong Minsoo), Ed Harris (Wilford), John Hurt (Gilliam)

Durée : 02:05:00


S'il est inspiré de la bande dessinée quasi homonyme des sieurs Lob et Rochette, le film n'en reprend en fait que l'idée principale : celle d'un train qui fend des décors vides et apocalyptiques dans lequel une population serrée par la peur s'est répartie en classes aisées ou misérables.

Parmi les innombrables différences avec l’œuvre originale, on ne mentionnera que les principales.

Tout d'abord l'histoire n'est pas la même. La lutte des classes défendue par le film n'est qu'en filigrane dans la BD, qui raconte plutôt les imbroglios politiques d'un jeune homme issu des classes pauvres et parvenu au sommet.

La BD raconte une histoire totalement absente du film qui, en revanche, invente un génial informaticien à la mesure de la star coréenne Song Kang-Ho, qui avait déjà travaillé avec le même réalisateur et la même actrice (interprétant une nouvelle fois sa fille) dans le film The host.

Le film est également à la fois beaucoup moins érotique (aucune scène n'est à signaler) et beaucoup plus violent.

Mais, surtout, le scénario du film (storyboardé par Jean-Marc Rochette lui-même) est bien moins riche que celui de sa cousine en papier. Alors que dans la bande-dessinée le train est dirigé par un conseil d'hommes à la personnalité complexe et changeante, c'est ici un Ed Harris étriqué dans son rôle qui incarne la toute puissance d'un Big Brother remâché et foncièrement mauvais.

Face à lui, un meneur de révolution (totalement absent de la bande-dessinée) rêvant d'emmener le peuple jusqu'au wagon du pouvoir. La bande-dessinée avait pu s'exprimer sur trois albums (le Snowpiercer n'étant montré que dans le premier tome, les deux autres traitant en fait d'un autre train en parallèle), le film n'emmène le spectateur que sur deux heures. La production assume donc le fait d'avoir inventé une histoire totalement différente mais malheureusement perdant singulièrement en qualité diégétique.

Il en résulte néanmoins un scénario extrêmement bien construit, indépendamment de toutes considérations livresques.

Si les branches sont épaisses et bien montées, le feuillage est tout aussi plaisant. Bien que classiques, les effets spéciaux sont remarquables et si Chris Evans incarne un héros à mille lieux de Captain America, c'est pour déployer très efficacement une autre facette de son jeu. Planté dans les Studios Barrandov en République Tchèque (les seuls à être suffisamment grands pour accueillir les wagons reconstruits), le décor est titanesque et, par moment, vraiment magnifique (comme ce wagon-aquarium, qui nourrit les classes aisées du train).

On aura en revanche compris que le message du film est au ras des pâquerettes. Un gros méchant industriel exploite de pauvres petits êtres faibles et sans défense qui n'aspirent qu'à la paix et au minimum vital. Pris en tant que tel dans le film, ce serait passable, mais envisagé comme une métaphore sociale, c'est tout simplement de l'escroquerie ! Dans un contexte social où tout va mal, le peuple a besoin de délaisser la mamelle sèche du marxisme pour se nourrir de vérité et comprendre une bonne fois pour toute que si la recherche de progrès est parfaitement légitime, elle doit s'appuyer sur une force tranquille ayant accepté au départ l'imperfection inhérente de la vie sociale. Staline nous servait du rêve, le Transperceneige nous livre au cauchemar et dès lors ce sera toujours pareil : soit le public se repaîtra de misère cinématographique pour se satisfaire de sa condition soit, c'est probable, il se reconnaîtra dans l'exploitation et rêvera d'une nouvelle révolution sanglante. C'est selon...