Sous les jupes des filles

Film : Sous les jupes des filles (2014)

Réalisateur : Audrey Dana

Acteurs : Isabelle Adjani (Lili), Alice Belaïdi (Adeline), Laetitia Casta (Agathe), Audrey Dana (Jo)

Durée : 01:56:00


« Rétines et pupilles, les garçons ont les yeux qui brillent, pour ce jeu de dupe, voir sous les jupes des filles ! » chantait Alain Souchon. Rien d'étonnant, donc, à ce que ce film choral ait choisi un  nom aussi accrocheur pour synthétiser à merveille son contenu.

Au sens figuré, voir sous les jupes des filles c'est, pardonnez-moi cette image peut-être trop virile pour son époque, soulever le capot pour examiner le moteur… Comment diable cette machinerie fonctionne-t-elle ?
Alors soyons empiriques ! Plus besoin de se demander comme Patrick Juvet où sont les femmes ! Savamment construit, le montage tantôt alterné tantôt parallèle étale devant nos yeux ébahis une palette de femmes plus différentes les unes que les autres : femmes d'affaire ou au foyer, femmes mûres ou jeunes, femmes lesbiennes ou hétérosexuelles, femmes exubérantes ou timides, femmes, femmes et encore femmes, qui pâtissent de leurs ragnagnas, de leurs envies sexuelles, de leurs tracas gastriques, mais qui nous livrent aussi les tourments de leurs âmes : paranoïa, ménopause, constipation sentimentale, etc.
Un film de nanas, avec des nanas pour des nanas, dans lequel les nanas sont donc priées de se retrouver et, entendu le nombre de rires féminins empathiques dans la salle, la recette fonctionne puisque le comique de situation, filmé de manière très conventionnelle, est amené avec grande lucidité.

Il aurait cependant fallu s'affranchir du nombrilisme parisien qui caractérise la plupart de ces comédies. Ces dames, interprétées par de jolies actrices pomponnées, sont le plus souvent célibataires, n'ont pas plus de deux ou trois enfants, travaillent à l'extérieur, ont l'air de sortir le soir aussi facilement que des étudiantes… Seule la mère au foyer, rôle à contre-emploi brillamment assumé par Géraldine Nakache, échappe à la règle pour mieux se réfugier dans les bras de la jolie Alice Taglioni, puisque c'est dans l'air du temps.

De plus, si on échappe au féminisme brutal et stupide des FEMENS qui, pour le coup, ne concerne pas grand monde, si on évite la caricature outrancière de la gente masculine (quoique le film en montre quelques spécimens pathétiques), la réalisatrice tombe malgré elle dans un autre féminisme aussi consensuel qu'insidieux.
Car de même que la pilule est une invention de mec pour avoir des femmes toujours disponibles (et tant pis si elles chopent le cancer, il en naît de nouvelles tous les jours), comment un macho pourrait-il espérer mieux que cette vision vagino-centrée de la femme ?
Certes, comme le chantait un Georges Brassens résigné, « qu'elles le taisent ou qu'elles le confessent, ce n'est pas tous les jours qu'on leur déride les fesses, » mais en se focalisant presque exclusivement sur la sexualité et les histoires de coeur, le film cède en effet au fantasme très masculin qui veut que le plaisir de la femme soit la clé de sa libération, alors que c'est exactement l'inverse : à long terme, on sait combien la jouissance sexuelle d'une femme dépend avant tout de la qualité de la relation qu'elle entretient avec son partenaire. Ces femmes libérées sont du pain béni pour les hommes obsédés. Paradoxal, dès lors, de tourner en dérision un gynécologue qui explique les comportements du personnage de Vanessa Paradis par un excès de testostérone !

Plus largement enfin, le film ridiculise la conception hédoniste dont il voulait pourtant faire la promotion. Une fois la loupe sortie et la naïveté enterrée, que constate-t-on ? Que ces femmes sont malheureuses !
Soit elles sont insatisfaites et frustrées en amour, soit elles souffrent de leur foyer, soit elles sont terrifiées par une hypothétique ménopause, et mille autres tracas peu enviables.
N'en déplaise à Michel Onfray, voilà tout le salaire de l'hédonisme, car « plaisir » ne saurait signifier « bonheur. »

C'est donc le miroir déformant d'un film qui s'interroge sur la féminité et dans lesquelles les galériennes se reconnaîtront sans doute, mais qui aura bien du mal à séduire les femmes stables, celles qui sont heureuses avec leurs enfants et leurs maris et qui, pour reprendre ce mot de Brassens, de l'oeuvre de chair font bien peu de cas peu chère.

Si, comme le chantait cette fois Ferrat, ces femmes sont l'avenir de l'homme, on a du mourron à se faire !

Après, c'est vous qui voyez !..