Thérapie de couples

Film : Thérapie de couples (2009)

Réalisateur : Peter Billingsley

Acteurs : Vince Vaughn (Dave), Jason Bateman (Jason), Faizon Love (Shane), Jon Favreau (Joey), Malin Akerman (Ronnie), Kristin Davis (Lucie), Kristen Bell (Cynthia)

Durée : 01:47:00


Vince Vaughn et Jon Favreau se connaissent bien. Depuis leur film Swingers en 1996 ils ont patiemment mûri le projet de Thérapie de couples pour en confier finalement la réalisation à Peter Billingsley, plus connu comme acteur (A Christmas Story de Bob Clark en 1983) ou comme producteur (Tout..
. sauf en famille
, Iron man, La rupture, etc.)

Pour son premier film Peter Billingsley construit donc une pellicule propre, sans grandes prises de risque mais qui raconte sobrement son histoire.

Un accord a été passé avec le Saint Régis Bora Bora Resort, qui occupe une île entière à Motu Piti Aau. Un décor magnifique qui n'a rien d'artificiel : « Le décor est si beau qu'on pourrait croire que nous avons mis un colorant dans l'océan ! L'eau est turquoise et translucide et tout ressort tellement qu'on a l'impression que les couleurs ont été manipulées, mais c'est vrai à 100% » (Eric Edwards, Directeur de la photo, in Dossier de Presse).

Une difficulté principale du tournage a été de filmer sur l'eau : « A Bora Bora, tout passe par la mer. Nous avons dû alimenter le Saint Régis avec des groupes électrogènes que nous transportions sur de grandes barges. Toute la production se déplaçait ainsi. L'eau est peu profonde autour des multiples îlots de corail. Nous accostions sur la plage, déchargions tout le matériel nécessaire en début de journée et chargions à nouveau le tout le soir venu. » (Dan Malone, Chef cascadeur, in Dossier de Presse).

Un accent particulier a été mis sur l'improvisation, moment toujours délicat pour le réalisateur, particulièrement quand les acteurs sont aussi les producteurs. Mais « un acteur comique est un auteur avant tout », disait Louis de Funès. Ce mot prend tout
son sens dans la scène où l'un des vacanciers affronte un animateur de l'île dans un tournoi de Guitar Hero que les adeptes apprécieront.

Le bon jeu d'acteurs met en scène des couples et familles crédibles, à l'exception peut-être de Kali Hawk, pour laquelle il s'agit d'ailleurs d'un premier rôle.

Sur le fond, Thérapie de couples tente de concilier une réflexion profonde sur le couple avec les exigences d'une comédie... américaine.

« Vince et moi réfléchissions sans arrêt à de nouveaux projets sur lesquels collaborer. Quand il m'a
parlé de
Thérapie de couples, j'ai pensé qu'il s'agissait d'une très bonne façon d'aborder les relations amoureuses au travers de la comédie. » (Scott Stuber, producteur, in Dossier de presse).

Concrètement, les couples qui se retrouvent « piégés » sur l'île sont très différents et sont pensés pour recouvrir les situations de couples les plus courantes : un couple chancelant (à l'origine du voyage) qui analyse froidement ses difficultés pour y apporter une réponse rationnelle, un couple stable et fidèle avec trois enfants, un couple dont chacun essaie continuellement de tromper l'autre, et un couple dans lequel monsieur noie sa crise de la quarantaine et les cicatrices de son divorce avec une mademoiselle de vingt ans sa cadette.
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L'intention de la production est aussi rare que louable : « Je voulais aussi que le scénario soit optimiste et gratifiant. Même si les choses sont parfois difficiles, mieux vaut être positif et essayer de résoudre ses problèmes de couple plutôt que de renoncer à l'amour » (Vince Vaughn, acteur et producteur).

Dans un pays où le taux de divorce est un des plus élevés au monde, l'initiative est remarquable.

Inégaux au départ, tous ces couples vont donc finalement connaître une fin heureuse : chacun du couple chancelant finit par accepter que l'autre ne corresponde pas à son idéal exigeant, le couple stable reste
identique à lui-même, celui de trompeurs réalise brutalement au cours d'une soirée qu'ils s'aiment comme au premier jour, et le divorcé malheureux retrouve son ex-femme qui, rongée par les regrets, a traversé l'océan pour le retrouver.

Cette « rédemption » peut cependant laisser perplexe.

Deux conjoints habitués à la tromperie pourraient effectivement, en quelques minutes seulement, réaliser l'attirance qu'ils éprouvent l'un pour l'autre, mais on est obligé de distinguer l'attirance et l'amour. Bien des couples unis depuis de longues années savent combien il est indispensable que l'attirance soit doublée non seulement d'une connaissance approfondie de l'amour, mais aussi et surtout d'un long et patient travail
sur soi et sur l'autre afin d'avoir la force nécessaire de réaliser en acte ce qui n'est au départ qu'une simple connaissance, qu'un simple objectif. Or, malgré les mots de Peter Billingsley (« Les relations amoureuses sont parfois dures à gérer et demandent beaucoup de travail »), ce film ne donne aucune piste pour comprendre ce qu'est l'amour, et encore moins ce qu'il faut pour acquérir cette force. Les deux tourtereaux réconciliés ne semblent que redécouvrir une attirance mutuelle bien insuffisante, laissant ainsi présager de nouveaux orages, malgré ce que laisse entendre le film.

Cette nécessité de « l'effort pour la force » manque également cruellement dans le couple de divorcés. Il est en effet très difficile d'imaginer qu'après toutes les frasques que l'épouse regrette pourtant sincèrement, elle ait la force suffisante pour accepter la pénible
contrainte de la fidélité.

Les mariés à l'origine du voyage quant à eux, ayant constaté froidement l'échec de leur couple, apprennent chacun à accepter les imperfections de l'autre. Cette attitude généreuse pourrait masquer que l'acceptation de ces imperfections n'empêche aucunement de travailler patiemment au perfectionnement de l'autre, pourvu que ce travail soit fait dans un amour authentique et donc patient de l'autre. Après tout le couple n'est-il pas conçu pour que chacun s'épanouisse en son sein, afin de finir meilleur qu'il était au départ ? Si ce n'est le cas, le couple n'est-il pas qu'une simple rencontre d'intérêts personnels où chacun ne retrouve que son propre compte ?

Le couple le plus stable de l'épopée est bien plus intéressant que les précédents. Les deux
mariés font preuve d'une fidélité inébranlable, d'un bon sens désarmant et, comble du bonheur, d'une conscience satisfaite de leur état. On ne saura pas par quelle recette miracle ils sont parvenus à ce résultat, puisque le film n'en pipe mot, mais on ne peut que les envier, ce qui appelle une autre considération.

A la fin du film le « gourou », Monsieur Marcel, remet aux couples des totems, animaux qui symbolisent le « type » de couple. Même s'il est évident que tous les couples sont différents, du fait qu'aucun être humain n'est identique à un autre, on a le sentiment diffus que, malgré tout, il y a des couples heureux et d'autres non, et que les couples heureux sur de longues années ne le sont qu'au prix de gros efforts. Or ce système de totem, assimilable à de la certification, pourrait signifier que tous les
parcours se valent, pourvu que le résultat soit le bonheur conjugal.

Pourtant force est de constater que les membres du couple stable ont été tout du long beaucoup plus heureux que les autres, ce qui leur a d'ailleurs permis d'avoir trois enfants dans une ambiance saine.

A l'idée reçue que plusieurs chemins mènent au sommet de la montagne, on est forcé de répondre que chaque chemin qui monte est également un chemin qui descend...

« La fin ne justifie pas les moyens » dit le proverbe, ce qui oblige à se pencher sur les méthodes utilisées par ce mystérieux Marcel pour amener les couples à leur éden, aussi peu
vraisemblable soit il.

La première méthode originale est celle de la mise à nu, au cours de laquelle les couples mis en ligne sur la plage, les femmes face aux hommes, doivent se mettre en sous-vêtements. Il faudra évidemment, ressort comique oblige, que l'un des hommes soit particulièrement gêné, faute de caleçon.

« S'il y a un message que Marcel veut diffuser dans le monde, c'est de se présenter nu face aux personnes que l'on aime, » s'amuse Jean Reno. « Soyez nus dans votre esprit, pas seulement dans votre corps. Ne vous cachez pas et ne mentez pas. Même si cela peut potentiellement faire du mal. Il est toujours préférable de dire la vérité aux personnes que vous aimez. » (in Dossier de presse style="font-style: normal">).

Cette philosophie bien intentionnée (il ne faut pas mentir) part du postulat curieux mais fréquemment invoqué que s'habiller est un mensonge. Pas la manière de s'habiller, mais le simple fait de s'habiller. On assiste à la sacralisation de cette transparence chère à notre société moderne, où tout doit être su et si possible vu, de la télé réalité, aux magazines « people » en passant par la vie privée des chefs d'Etat. On frémit à l'idée que si les pensées pouvaient être vues sans le consentement des penseurs, la société se ruerait sur ce nouveau et croustillant spectacle, quitte peut-être à créer de nouvelles infractions.

Pourtant n'est-il pas nécessaire de tenir des choses secrètes, de
ne pas tout révéler au risque de donner raison à cet ancien mot «  toute vérité n'est pas bonne à dire » ? Et si l'on disait tout à tous, ne serait-ce pas ôter un nouveau privilège à son conjoint ? Se
« présenter nu face aux personnes que l'on aime » n'est-ce pas réserver le même traitement à ceux que l'on aime plus qu'à ceux que l'on aime moins ? Comment recréer son couple dans ces conditions ?

Une deuxième méthode curieuse est celle d'un yoga qui l'est tout autant, et auquel Vince Vaughn ne réserve d'ailleurs aucune sympathie : « Une de mes anciennes petites amies m'a amené à un des cours de yoga et pendant l'exercice, je me répétais : « je rêve ou quoi ? » Tout le monde agissait comme si de rien n'était
et comme si personne n'avait d'objection à faire contre le prof qui en profitait clairement pour se frotter aux filles présentes. C'était surréaliste. J'avais l'impression d'être dans
La quatrième dimension et j'ai pensé que ce serait une scène marrante à mettre dans un film. Toute personne qui s'est un jour aventurée dans le monde de la recherche de tranquillité spirituelle a rencontré ce personnage déconcertant. » (in Dossier de presse)

En quoi ce type d'exercice mais surtout de professeur peut-il aider un couple à se construire, c'est un mystère ; mais ce qui surprend, c'est qu'aussi bien cette méthode que
celle de la mise à nu font partie d'un processus pédagogique qui fonctionne (enfin... dans le film) puisque les couples se sauvent !

Toutes ces invraisemblances sur fond de comédie engendrent donc un film inégal qui se rapproche plus de son grand frère Swinger (élu « meilleur film de mec » par la chaîne Spike TV) que d'une réflexion sérieuse sur la question du couple.

Raphaël Jodeau