The Truman Show

Film : The Truman Show (1998)

Réalisateur : Peter Weir

Acteurs : Jim Carrey (Truman Burbank), Laura Linney (Meryl / Hanna Gill), Natascha McElhone (Lauren Garland / Sylvia), Ed Harris (Christof)

Durée : 01:43:00


The Truman Show, ou quand Jim Carrey rencontre Platon.

Il y a quelque chose de fascinant dans cette comédie pourtant si tragique, où le jeu extravagant de Jim Carrey (Truman) rencontre la mise en scène toujours sobre de Peter Weir (Cercle des Poètes disparus, Witness, Master and Commander) – même s’il faut reconnaître que c’est son film le plus emprunt de style. Dans sa forme, The Truman Show est très réussi et parvient à créer chez le spectateur un vrai malaise, tendu entre le burlesque et le bizarre. Car l’œuvre est à n’en point douter un véritable objet filmique non identifié, étrange et attirant, où l'inhumanité est comique et le gag, tragique. Cette dualité de la forme permet au spectateur une réelle identification au personnage qui, malgré son mal-être profond, choisit d’aborder le monde avec légèreté – jamais de naïveté, simplement du détachement.

The Truman Show regorge de symboles qui en font un film aux interprétations diverses : dénonciation de la société de consommation (car la vie de Truman est tournée comme une gigantesque publicité), de la désinformation (tout est artificiellement orienté et les événements du show le plus réaliste jamais produit restent des éléments de scénarios, et des arguments commerciaux), de la marchandisation de l’homme… dénonciation aussi d’un public narcissique (qui ne pense pas au bien du héros mais aime se regarder et s’aimer en regardant et en aimant Truman), d’une ambition prométhéenne représentée par Christophe… Toutes ces interprétations en font un film de son époque, acerbe et plaisant, pour un public qui s’aime mieux en se sentant critiqué (comment expliquer sinon le succès de Fight Club ou de American Beauty). Néanmoins, ce niveau de lecture, essentiel puisqu’évident n’est que très plat et cynique.

La quête de Truman va au delà de la révolte sociale, de l’anticonformisme, où d’une lutte athée ; c’est un chemin spirituel et philosophique. Il n’est pas l’Adam rebelle, le marxiste dénonçant la lutte des classes, le nietzschéen déicide, le surhomme se créant lui-même. Il est une humble créature cherchant à se soumettre à la réalité : c’est d’ailleurs le doux sacrifice qu’il fait en empruntant dans un grand élan de courage, la porte d’un monde qu’il ne connaît pas, mais dans lequel il a le devoir naturel de vivre. Loin d’être la fable d’une lutte, The Truman Show soutient une haute idée de la dignité humaine, trouvée dans la tension entre immanence et transcendance. Truman d’ailleurs n’a aucun mal à imaginer qu’un autre monde ne dépasse le sien, mais accepte de ne l’imaginer que par analogie avec des éléments de sa propre nature (comme par exemple le portrait robot de l’ange Sylvia, reconstitué à partir d’images, de photos de mode). Il est un homme à la nature complexe, héros d’un film comique et dramatique, un film conformiste dans son anticonformisme… néanmoins un film juste et virtuose !