Tu ne tueras point

Film : Tu ne tueras point (2016)

Réalisateur : Mel Gibson

Acteurs : Andrew Garfield (Desmond T. Doss), Vince Vaughn (Le sergent Howell), Teresa Palmer (Dorothy Schutte), Sam Worthington (Le capitaine Glover)

Durée : 02:11:00


 Mel Gibson fait son grand retour en tant que réalisateur, dix ans après Apocalypto (2006). Un retour remarqué pour une histoire hors du commun : celle du première classe Desmond Doss, soldat du corps des infirmiers perdu au milieu de l’enfer d’Okinawa durant la seconde guerre mondiale. Présent par sa volonté et refusant de porter aucune arme, Desmond (l’excellent Andrew Garfield) essaye de se frayer un chemin sous les pluies de bombes, les nuages de feu et les amas de cadavres putréfiés du théâtre le plus sanglant de la guerre du Pacifique. Pour sauver la vie de ses camarades.

La violence extrême des combats est restituée avec le label certifié « Mel Gibson », au moyen d’images assez spectaculaires. Pour une fois elle se justifie historiquement. Les Japonais sont acculés, encerclés de toutes parts par la 10ème flotte de l’US Navy. Hystérisés par la perte de liaisons avec l’empire nippon et la progression irréversible des Américains, ils sont réfugiés dans les corniches fortifiées du sud de l’île. Leur défense désespérée les pousse à mener des contre-offensives suicidaires, guidées depuis les souterrains par un général ennemi prêt à sacrifier tous ses hommes. Le film ne s’attarde pas sur la géographie pourtant intéressante du conflit, oubliant l’aspect décisif de la bataille aérienne soldée par l’échec des 3000 kamikazes chargés d’anéantir la flotte américaine.

Le bras armé face au bras de la charité

Au centre de l’histoire, cet étonnant infirmier, ce fou, pourrait-on dire, porté de façon incompréhensible par un zèle de solidarité et de foi. Objecteur de conscience et adventiste, Desmond Doss s’est pointé sur le pire lieu de la planète (19000 obus/jour, 300 000 morts) avec pour seule arme… une bible ! Abstraction faite des horreurs qu’il restitue, Mel Gibson signe là le film le plus costaud et le plus profond de sa carrière de réalisateur. Bien sûr on a déjà vu des films pacifistes dénonçant l’inhumanité de la guerre. Bien sûr Mel Gibson ne peut pas se défaire de sa brutalité matinée de nostalgie. Mais quelle bravoure ne nous montre-t-il pas sous les traits de cet infirmier ! 

Soupçonné de lâcheté, découragé de partir au front par ses autorités et ses camarades, le jeune Desmond vole au combat avec la certitude intime qu’il pourra se rendre utile bien que sa morale personnelle lui interdise le port d’une arme. Au fond de sa démarche, une aversion très noble pour l’acte de tuer, la peur du syndrome de Caïn, et surtout la pureté étincelante de l’âme chrétienne lorsqu’elle accepte de se livrer au bien en toutes circonstances. Que peut une bible face aux armes de destruction massives ? Que peut le bien au milieu de la terreur ? Mel Gibson livre là une réflexion terriblement énergisante sur la volonté de puissance, mais aussi sur la puissance de la charité. 

Son approche est subtile et intense, même s’il attribue aux troupes américaines un athéisme légèrement anachronique (en réalité, on les voit prier en masse sur les images d’archives, la veille du débarquement à Okinawa). Cette liberté avec l’historicité lui permet de s’adresser aux cohortes de non croyants qui garnissent à présent le navire amiral de l’humanité occidentale. Quoiqu’il en soit, Mel Gibson n’a pas fini de raconter à Hollywood sa passion surprenante pour la foi. On attend avec impatience la suite de la Passion du Christ, prévue pour 2018 ! Avec un poil moins de ketchup ce sera parfait !