Twilight - Chapitre 3 : hésitation

Film : Twilight - Chapitre 3 : hésitation (2010)

Réalisateur : David Slade

Acteurs : Kristen Stewart (Bella Swann), Robert Pattinson (Edward Cullen) et Taylor Lautner (Jacob Black)

Durée : 02:04:00


Une nouvelle aventure de
la jeune Bella aux prises avec des acteurs remarquables, un scénario très riche (inspiration littéraire oblige), une bande-son efficace qui explique à n'en pas douter le milliard de dollars engrangé par la fameuse saga jusqu'ici.

L'action est le maître-mot : « Tentation était plus intimiste, tandis qu’Hésitation a un rythme beaucoup plus rapide. Et la tonalité y est plus dure. Les combats y sont beaucoup plus intenses et brutaux. Même dans les séquences de discussion, le tempo est plus soutenu – ce qui va en surprendre plus d’un. » (Robert Pattinson)

Sur le fond comme sur la forme, le divertissement est parfaitement pensé pour toucher les adolescents et, surtout, les adolescentes.

Dans ce drame autant psychologique que sentimental (« s'il s’agit bien d’un film de vampire, c’est surtout une grande histoire d’amour » d'après David Slade) la jeune héroïne, confortablement logée entre les coeurs de ses deux soupirants, vit un parcours initiatique au terme duquel elle rejoindra l'un d'eux dans sa condition de vampire. Chez ces derniers comme chez les loups-garous, les adolescents seront sans aucun doute séduits par le gnosticisme des « clans » , sociétés secrètes dans
lesquelles les initiés ont accès à des connaissances ignorées du commun des mortels : l'existence des monstres, de la hiérarchie, de l'organisation, des techniques de combat...

Des clans comme des groupes d'amis, des super-pouvoirs, un savoir extraordinaire, une histoire d'amour compliquée et valorisante telle qu'on rêve d'en raconter à ses copines, comment mieux exaucer les espoirs adolescents ? Et au jeune qui rêve de quitter une peau dans laquelle il se sent mal, la condition de vampire n'est-elle pas une option exotique et séduisante ?

En outre de nombreux thèmes existentiels ajoutent à cette fiction une profondeur qui
rehausse encore son prestige : la mort, l'amour, le mariage...

David Slade s'emflamme « ce qui m’a beaucoup plus dans cette histoire, c’est que Stephenie aborde la problématique du grand amour dans une société où il a quasiment disparu. C’est un thème magnifique qui, malheureusement, n’intéresse pas beaucoup les médias. » Pour Bella en effet, « le mariage n'est qu'un bout de papier. » Devant la candeur d'Edward, vampire au grand coeur, elle rappelle les vérités élémentaires de la modernité : « dans mon monde c'est ce qu'on fait quand on est enceinte. » Son père ne la détrompera pas (lorsque sa fille lui
parle de se marier, il pense immédiatement qu'elle est enceinte), mais il lui affirmera quand même sans lui expliquer (dommage !) que le mariage a un sens.

La sexualité est également abordée de manière originale. Comme le dit David Slade : « Dans la saga, Bella considère qu’il est normal de ne pas avoir de relations sexuelles. Il ne s’agit pas de stigmatiser la sexualité, mais de dire qu’on n’est pas obligé de coucher dès les premiers temps d’une relation. On vit dans une société où les femmes, et notamment les plus jeunes, sont très libérées sexuellement. Je pense que c’est un élément qui a séduit les lecteurs de Stephenie Meyer et que c&
rsquo;est très sain. »
Mais pour Bella la sexualité est juste une expérimentation avant de devenir vampire. Or si avoir des relations sexuelles trop jeune est effectivement une erreur, ce n'est pas au nom d'un principe mystérieux mais bien parce que ces relations impliquent une profondeur psychologique qui demande de la maturité pour être gérée correctement, sans parler des conséquences logiques de la relation sexuelle : la famille, qu'il faut être apte à porter.

Bella est bien loin de toutes ces préoccupations et, en définitive, c'est surtout par égard pour Edward et pour être « mordue » par lui qu'elle acceptera l'idée de se marier.

Cette morsure se drape d'ailleurs dans un Romantisme (au sens littéraire du terme) trempé d'une indéfectible exaltation du sacrifice morbide. « La décision de Bella a des conséquences irréversibles, » relève David Slade. « Si on choisit de devenir immortel, on ne peut plus revenir en arrière. Il faut que Bella évolue pour être en mesure de prendre une telle décision. » Pour aimer Edward jusqu'au bout, Bella va choisir ni plus ni moins de mourir pour renaître vampire, un « nouveau-né. » Mais ce faisant elle perdra la chaleur humaine, deviendra dépendante de la soif de sang et, surtout, perdra l'affection de son deuxième amour : le loup-garou Jacob.

C'est peut-être dans ce dilemme enfantin que réside le plus le Romantisme. Bella passe d'un amour à l'autre avec ses yeux de cocker battu, indécise, ballottée par la vie comme le fétu d'adolescente qu'elle est. Lui ? L'autre ? Au moment où les spectatrices inondent leurs joues, on a envie de lui demander d'arrêter son cirque. Mais il doit y avoir une sorte de délectation à se glisser dans la peau de cette jeune fille en souffrance...

Pourtant, aux dires du producteur Wyck Godfrey, le vrai choix est autrement plus religieux : « Edward espère encore qu’elle changera d’avis, et renoncera à devenir vampire, car il en va du salut de son âme.&
nbsp;»
Dans un langage chrétien, l'option est claire : Bella veut la damnation, choix d'autant plus glacial qu'il n'est pas fait librement. Bien sûr elle va devenir vampire sans que personne ne la force, mais avec une conception catastrophique de la décision, parfaitement résumée par un discours de fin d'année d'une de ses amies, qui va beaucoup « l'éclairer. » Alors que celle-ci parle des choix difficiles de la vie (comme celui de choisir son métier, préoccupation une nouvelle fois très proche des adolescents), elle aura cette phrase probablement philosophique : « faites toutes les erreurs possible […] comme ça on saura. » Le choix n'est plus de peser, en adulte, les avantages et les inconvénients, mais de choisir indifféremment l'erreur ou la vérité, afin d'expérimenter. Bien s&
ucirc;r c'est oublier qu'il est dans la nature même de l'erreur d'avoir à subir des conséquences graves et parfois irréversibles, mais c'est surtout rester dans une conception puérile du choix : si l'on ne pèse pas avant de prendre une décision (contrairement à ce qu'affirme Wyck Godfrey : « Hésitation parle surtout de la décision de Bella de devenir vampire et des conséquences d’une telle décision. Elle doit peser le pour et le contre en réfléchissant à ce que cela implique de devenir l’éternelle compagne d’Edward. »), il en résulte tout simplement que le choix n'est presque pas libre. On ne choisit pas : on expérimente, doctrine de déresponsabilisation particulièrement nocive pour les jeunes. S'il n'y a aucun mal à se tromper, il y en a bien un à ne rien faire pour ne pas se tromper...

style="margin-bottom: 0cm; text-align: justify;">C'est probablement pour cette raison que Bella reste sourde à l'expérience des autres. Quand l'une des vampires lui explique ses regrets de ne plus pouvoir fonder une famille, montrant du même coup que le « clan » est en l'occurrence bien éloigné de cette famille qu'elle croit rejoindre, elle s'obstine, croyant avoir, comme elle le dit à Edward, vécu toutes les expériences de la condition humaine (sauf le bonheur apparemment).

Le vampirisme est donc, comme l'humanité, une condition dont on ne peut échapper (cf. notre fiche pédagogique intitulée « les
films de vampires
 »). Il devient donc légitime de sucer du sang (sans le consentement des humains cela va sans dire), de tuer et même de... laisser tuer. Comment accepter en effet que le clan laisse torturer et mourir sous leurs yeux, uniquement par esprit d'« obéissance », une petite fille innocente qu'ils avaient pourtant prise sous leur protection ?

En plus des mensonges permanents (en particulier à Charlie, père de Bella), et d'un suicide stupide présenté comme un acte de courage (comme s'il n'y avait pas d'autre solution pour détourner l'attention d'un monstre que de se tuer), le vampirisme charrie donc une nouvelle fois dans son sillage les fumées du royaume des ténèbres : les doctrines liberticides, la déresponsabilisation, la
violence, le meurtre et la noirceur... enrobés de miel...