Twilight - Chapitre 4 : Révélation 1ère partie

Film : Twilight - Chapitre 4 : Révélation 1ère partie (2011)

Réalisateur : Bill Condon

Acteurs : Robert Pattinson (Edward Cullen), Kristen Stewart (Bella Swan), Taylor Lautner (Jacob Black), Ashley Greene (Alice Cullen)

Durée : 01:57:00


Un esthétique hollywoodienne pleine de finnesse met en valeur le romantisme de ce quatrième épisode de la saga Twilight qui, sous couvert d'un amour idyllique qui n'a pas grand-chose de moral, entraîne l'héroïne Bella dans les couloirs de la mort et la damnation.

Dans la continuité des trois premières adaptations cinématographiques de la saga >Twilight de Stephenie Meyer, le premier volet du quatrième chapitre Révélation est promis au succès. Il ne s’agit plus des tentations ni des hésitations de l’adolescente mais de l’engagement volontaire de Bella (Kristen Stewart) dans les couloirs de la mort où l’entraîne sa fascination pour Edward (Robert Pattinson), ce vampire éperdument amoureux d’elle.

Le style hollywoodien de cette œuvre, visuellement très harmonieuse, est subtilement manié pour replonger les fans de la saga Twilight dans l’univers pourtant macabre des vampires et des loups-garous. Le jeune public féminin se laissera trop volontiers envoûter par des personnages répondant à la perfection aux canons de beauté actuels et par l’évolution de l’intrigue dans un environnement splendide : Le « chef dé
corateur avait trouvé ce coin superbe pour y bâtir la maison des Cullen, où l'on trouve des arbres magnifiques et tout ce vert, presque fluorescent, et de la mousse sur tous les arbres. Sans parler de ce fleuve vert émeraude si impressionnant dont on entend le bruit de l'eau pendant le tournage. L‘endroit est absolument époustouflant et le mariage va être renversant. Toutes les scènes seront fantastiques et pouvoir tourner ici a été un grand changement, puisque la première partie du tournage, en Louisiane, s'est surtout déroulée en studio. » (Dossier de Presse)

Cette esthétique trouve bien sûr son apothéose dans l’ouverture du film par les préparatifs et la cérémonie du mariage de Bella et
Edward au cœur d’un jardin paradisiaque. Il convient d’insister sur ce que, d’après le dossier de presse, les fans attendaient ce passage avec une impatience hystérique si on en croit l’effervescence des prévisions sur internet. Mesdemoiselles, avouons-le, Edward, ce beau gosse irrésistible, intelligent, riche, attentionné, en adoration devant son épouse, pour qui tout est facile, revêt bien l’apparence du prince charmant par excellence! Tous les rites et coutumes, qui ne cesseront décidément jamais de faire rêver, même au XXIe siècle, sont respectés : une bague de fiançailles démesurément scintillante au doigt, dans sa robe de mariée à couper le souffle, les cheveux retenus par un délicat bijou de famille, Bella s’en va, épouse comblée au bras de son mari pour un voyage de noces sur une île déserte au large
des côtes brésiliennes. Voilà bien ce qui séduit le public majoritairement jeune et essentiellement féminin de
Twilight. Le folklore qui accompagne cette institution est volontiers mis en valeur aujourd’hui, en particulier par la comédie sentimentale américaine. Une touche de modernité est toujours chargée de réactualiser ces coutumes séculaires afin de mieux séduire les spectatrices d’aujourd’hui. Mais la finalité du mariage, telle que la conçoit la culture occidentale chrétienne depuis des siècles, ne correspond guère aux projets de Bella et Edward !

L’esthétisme et le romantisme dont l’œuvre est imprégnée seraient un divertissement des plus inoffensifs s’ils ne faisaient pas perdre de vue la cause finale de cette institution qui lui donne tout son sens : comment les deux héros envisagent-ils leur mariage ? Ils veulent partager une vie commune pour l’éternité, cela ne fait aucun doute, mais dans laquelle au départ les enfants n'ont pas de place ! Pour Edward, Bella est la femme qu’il attend depuis quelques centaines d’années. Voilà qui est bien romantique, mais ce vampire au cœur de pierre n’envisage pas une seconde que l’amour engendre la vie. S'agit-il d'amour ou d'affection intéressée ? Edward a bien l’intention de se complaire pour l’éternité, selon l’expression de Madame de Staël, dans un « égo&
iuml;sme à deux ». Dans leur sentimentalisme, les deux personnages s’isolent également de la société, à commencer par leur entourage le plus proche. En effet, Bella s’éloigne de ses parents et de ses amis, soi-disant par amour, afin de les protéger lorsqu’elle se rapprochera d’Edward par sa transformation en vampire. Institution éminemment sociale, comment le mariage peut-il mener à l'associal ?

De plus, le mariage n’a pas pour but de donner naissance à la vie. Il s’agit d’un dommage collatéral qu’il va bien falloir accepter, romantisme et sentiment maternel obligent. Lorsque Bella est enceinte, la nouvelle, compte-tenu du contexte fantastique dans lequel évoluent les personnages, est choquante.
Soit. Mais l’attitude d’Edward souligne une nouvelle fois l’idée paradoxalement égoïste qu’il se fait de l’amour :
« Edward sent bien que ce bébé est une sentence de mort, alors que Bella pense que c'est un miracle. » (Dossier de Presse).

Comme le prouve le choix de Stephenie Meyer et de la scénariste, qui s’introduisent dans la vie intime du couple, la vie sexuelle est envisagée de manière assez originale : « Le
premier conflit au cours du mariage a lieu parce que Bella souhaite faire l'amour. Elle veut vivre cette union comme n'importe quel être humain. Ils se disputent donc – elle essaie de séduire Edward, et lui essaie de lui résister. Comme on le voit dans le livre, c'est elle qui gagne, »
ironise Melissa Rosenberg (scénariste). « Pour Bill, renchérit le dossier de presse, il s'agissait avant tout de montrer cette émotion à l'écran, de l'ancrer de façon crédible au cœur d'une expérience humaine très réelle, et d'y faire évoluer les personnages du début à la fin. » Cet étalage n’aura pour conséquence que de souligner la sensualité dominant la relation de nos pseudo-champions de valeurs traditionnelles. On constatera qu’il s’agit moins de pureté que d’un plaisir charnel retiré de l’union contre-nature d’une femme avec un vampire qui n’a rien d’humain, dont le cœur a cessé de battre depuis des années.

>Dans ce dernier épisode, Bella se retrouve confrontée à ses devoirs d’épouse et de mère, et son évolution intéresse bien sûr les spectatrices pouvant s’identifier à l’un ou l’autre des traits de caractère de la jeune femme. Nous sommes en présence d’une œuvre romantique où tous les personnages, toute l’intrigue sont centrés autour de la jeune femme. Comment expliquer à une jeune fille que ce genre de situation qui semble des plus désirables n’a rien à voir avec la réalité ? Le mariage ne serait-il qu'une perpétuelle lune de miel ?

Il convient de noter également l’absurdité des choix que Bella pense
devoir faire. L’horreur que Bella envisage dans son cauchemar à la veille de son mariage prouve bien qu’elle s’engage consciemment sur le sentier de la mort. La naissance de Renesmée est le fruit du choix fou de s’unir à un vampire, mettant ainsi sa vie en péril par une union dont on oublie qu’elle est intrinsèquement ignoble. Cette remarque de la brillante actrice, Kristen Stewart, le prouve bien :
« Bella et Edward ont passé un marché. Elle veut pouvoir ressentir les choses comme une humaine et veut donc passer sa nuit de noces comme n'importe quelle jeune femme. C'est un désir très humain et elle a confiance en Edward, en sa capacité à ne pas la blesser. Elle se rend compte, même si cela peut paraître étrange que, bien qu'elle fasse tout pour devenir vampire au
plus vite, elle a peut-être envie de passer un peu plus de temps physiquement avec lui sous forme humaine. »

Bella est bien consciente de son choix. Se perdre, c’est-à-dire troquer sa nature humaine contre celle d’un vampire, pour se rapprocher d’un être désiré, relève de la passion et non pas de l’amour qui entraînerait Bella à aider Edward ou à s’éloigner de lui, aussi civilisé et accablé par son sort qu’il puisse paraître. Pour Kristen Stewart, Edward « croit que l'enfant est maudit et porte la marque de Satan, car c'est comme cela qu'il se considère lui-même ».
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Un vampire qui prend un bébé pour un démon, c'est un comble !

Le vocabulaire chrétien des titres (Tentation, Révélation), la défense de valeurs traditionnelles, mais aussi cette remarque dans le dossier de presse constituent une manipulation consciente des choses chrétiennes désacralisées parce que mêlées à des mythes et des légendes auxquelles on accorde finalement davantage de crédit. En effet, le vampire est
terrifié face à cette annonce d’une femme issue d’une tribu ancestrale que son enfant apporte avec lui la mort.

Le lecteur aura déjà constaté que le macabre est particulièrement mis à l’honneur dans ce film à la différence des trois premiers épisodes. La transformation de Bella, qui est une transformation intérieure, dont la douleur reste ignorée des autres, signifie en fait la mort de cette dernière : « la scène de la mort de Bella est merveilleusement détaillée dans le roman,
où l'on comprend qu'un venin s'insinue dans son corps. Elle vit l'agonie absolue de tout humain qui se change en vampire mais tout cela se produit à l'intérieur de son corps. On a donc décidé de montrer des flammes qui parcourent ses veines. Elle crie et personne ne peut l'entendre : c'est donc une représentation classique de cinéma d'horreur, mais on a adopté un point de vue subjectif, et la séquence aboutit à sa mort. »
Alors, toujours aussi romantique le bel Edward si amoureux de sa femme qu’il accepte de l’entraîner dans la mort ? Que dire de cette scène aberrante, où une mère, qui défend la vie, se retrouve à boire du sang humain pour nourrir son bébé ! Les spectatrices les plus délicates n&
rsquo;auraient-elles pas frémi si une telle scène leur avait été infligée dans un film d’action ou d’horreur ?

On peut comprendre la fureur de Jacob, le loup-garou, qui « pense que la transformation de Bella est bien pire que sa mort ». (D.P.) Mais ce jeune garçon et son clan de loups-garou a pour but de défendre les hommes contre les vampires. L’union de Bella et Edward vient semer le trouble parmi ses frères-loups. Cet amour sème la discorde au sein du clan et même une guerre fratricide entre
Jacob, allié aux vampires contre la quasi-totalité de la meute de loup-garous. C’est bien ce renversement d’un ordre établi qui fait la richesse du scénario superposant les intrigues intimes, telles que les débats intérieurs de Bella à l’aube de sa vie de femme et les combats dans un monde fantastique.
« Les gens aiment la saga Twilight parce qu‘ils peuvent se reconnaître dans cette histoire…et au-delà de toute la mythologie, il y a une sensibilité proche de nous à laquelle les spectateurs peuvent être sensibles, tout en pouvant s‘échapper de la réalité. Ces histoires évoquent des choses complètement folles – des vampires et des loups-garous –, mais elles parlent aussi d‘amour et du désir d‘être aimé. Chacun, quel que soit son parcours, peut trouver matière à s'y reconnaître. » C’est bien ce mélange entre intimisme et guerres fantastiques qui fait le succès de son adaptation cinématographique après celui des livres de Stephenie Meyer. Ceux-ci « sont devenus un phénomène unique au monde. Ses ouvrages ont été publiés dans une cinquantaine de pays et se sont vendus &
agrave; plus de 116 millions d'exemplaires. Ils se sont inscrits sur la liste des best-sellers du
New York Times pendant 302 semaines d'affilée. » Mais la clef de succès ne constitue-t-il pas également un danger pour les âmes fragiles de nos jeunes spectatrices ?