Un illustre inconnu

Film : Un illustre inconnu (2013)

Réalisateur : Matthieu Delaporte

Acteurs : Mathieu Kassovitz (Sébastien Nicolas), Marie-Josée Croze, Eric Caravaca, Siobahn Finneran

Durée : 01:58:00


Flippant. Dans la vie, Sébastien Nicolas est un type qui ne sert à peu près à rien… Il est le fantôme de nos sociétés modernes, dans son appartement sans couleurs, son métier sans passions, ses relations sociales plates et désinvesties. Pourtant il cache une grande passion perverse : prendre l'identité des gens. Oui seulement voilà : le jour on vous prend vraiment pour quelqu'un d'autre, il faut faire un choix : décider d'arrêter la comédie ou aller jusqu'au bout.

Aller jusqu'au bout, dans ce nouveau film de Matthieu Delaporte, réalisateur du très psychologique Le prénom, c'est assumer la profondeur d'une vraie existence et partir en plongée dans l'humain. Un enfant, une ex-maîtresse au bord de la mort… En prenant possession d'un corps, ce petit Satan se retrouve emprisonné et poussé jusqu'aux extrémités les plus terribles.

L'intrigue, quoique parfois un peu longuette, est très bien menée. Matthieu Kassovitz (4 heures de maquillage par jour pour le tournage), quand il ne hurle pas des obscénités dans la presse, se révèle un grand acteur qui parvient à endosser sur son hyperémotivité un costume blafard qu'il illumine de l'intérieur.

Car Sébastien Nicolas est un homme banal tout entier, c'est-à-dire qu'il est passionné. Mais cette passion est d'autant plus féroce qu'elle est discrète. Derrière les yeux du petit employé modèle, ce sont les flammes de la prédation qui ronflent.

De ce point de vue, le dialogue avec le prêtre est magistral. Ce que propose le père, c'est d'être soi-même un homme nouveau. Mais ce que Sébastien veut, c'est être autrement soi-même. Dialogue de sourds, enfoncement dans l'abîme.

L'horreur dans la banalité. Annah Harendt y verrait un nouvel Eichman. Peut-être. Pour nous, il est un personnage qui renvoie le reflet d'une société en quête d'humanité.