Au moment où Un jour entrait en tournage, le livre éponyme, écrit par David Nicholls publié en 2009, était déjà un best-seller dans le monde entier. Publié en une trentaine de langues, il s'est hissé en tête des ventes au
Royaume-Uni, en Italie et en Suède, et s'est également très bien positionné en Allemagne et en Russie.
On ne peut parler de Lone Scherfig sans avoir à l'esprit son dernier film Une éducation paru en 2010. Comme dans ce dernier, en effet, la réalisatrice décrit la tristesse d'une vie en pointant du doigt ses turbulences. La petite Jenny était une adolescente fraîche et naïve, dupée par l'esprit tortueux d'un adulte accompli. Dans ce film Dexter et Emma sont deux jeunes adultes qui vont apprendre à leurs dépends que pour prodiguer du bonheur, l'amour ne souffre aucune pusillanimité.
Le soir de leur remise de diplômes les deux partenaires, qu'on ne saurait alors même pas qualifier de tourtereaux, décident de coucher ensemble pour passer le temps. L'opération ayant avorté pour cause de maladresse du jeune homme, ils se promettent alors de devenir amis (on remarquera au passage cette formidable candeur qui consiste à livrer la fleur de son intimité à une personne qui n'est même pas un ami. Mon côté fleur bleue décevra probablement notre folle époque, à moins que ça ne soit le contraire...) . Chacun va alors mener sa vie, multipliant les conquêtes, (surtout Dexter), et découvrant au passage que les carrières sont souvent bien capricieuses.
Alors qu'Emma, résign&
eacute;e, abandonne ses rêves d'écrivain pour devenir serveuse, Dexter devient animateur d'émission pour crétins, c'est-à-dire célèbre, courtisé et riche. Emma est sérieuse, lui cabotin et, à vrai dire, tout les oppose. C'est ce qu'exprime la scène dans laquelle Emma découvre le tatouage de ying et de yang sur la cheville de son complice. Lui demandant ce qu'il signifie, ignorance au passage fort suspecte pour une jeune fille très cultivée, elle se voit répondre qu'il s'agit de « l'union parfaite de deux forces opposées. » C'est sans aucun doute le message principal du film : un amour paradoxal au cœur duquel chacun apporte à l'autre ce qu'il n'a pas. Le tempérament d'Emma stabilise Dexter, quand celui ci s'évertue à la dé
rider. Mais l'amour authentique peut il se contenter de complémentarité ? « S'aimer, disait Saint Exupéry, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction »
« Emma est pleine d'esprit et peu sûre d'elle, analyse la réalisatrice, et c'est une grosse bosseuse qui a toujours le nez dans ses livres. La question qu'on se pose tout au long de l'histoire est de savoir si Dexter ne vient pas d'un milieu trop favorisé pour elle et s'il n'est pas trop sûr de lui. »
La vie de Dexter est en effet particuli&
egrave;rement mouvementée, au grand dam de ses parents, nullement impressionnés par sa célébrité (« des filles qui dansent dans des cages, déplore la mère de Dexter, c'est à ça que tu en es réduit »).C'est ainsi que Dexter et une de ses petites amies vont suivre le cheminement classique des couples d'aujourd'hui : ils vivent ensemble et ne veulent pas d'enfants, mais font tout pour en avoir tout en les empêchant d'arriver, en ont finalement accidentellement, comme souvent, se marient pour « régulariser » (comme le dit Dexter lui même) puis se trompent et divorcent, avant de se remarier avec d'autres et de s'inquiéter parce qu'ils n'ont pas d'enfants. Bref, une vie simple et tranquille, une vraie liberté, un couple modèle ! S'il est une deuxième
leçon à tirer de ce film, elle sera sans doute que, à tout prendre, la maturité d'Emma croque plus de bonheur que la frivolité de Dexter. « C'est un personnage difficile à cerner, défend son interprète Jim Sturgess, car il évolue beaucoup tout au long du film : je ne crois pas qu'il sache vraiment qui il est. Il veut simplement profiter de la vie au maximum. »
Après son divorce, Dexter va donc épouser Emma et promettre, toute naïveté bue, de ne jamais la tromper ni l'abandonner. Par amour (soudainement implacable ?), par volonté (brutalement infaillible ?), ou plutôt par souci de ne pas brusquer le spectateur avec une histoire d'amour bancale, il sera pourtant fid&
egrave;le. Ce bonheur sera de courte durée : dans une scène brutale que le cinéphile sent venir à des kilomètres de bobine, Emma se fait mortellement renverser par un camion. A ce stade du scénario leur jeunesse est derrière eux, Dexter comprend qu'il l'a gâchée . Il n'est pourtant pas complètement perdant puisque, tel un ange de passage dans le monde , Emma lui aura apporté ce dont il avait besoin, sa maturité. Pour Anne Hathaway, « Dexter n'a jamais eu de vrais problèmes dans la vie. Au début de l'histoire, il croit qu'il est capable de s'adapter à tout et qu'il s'en sortira toujours à merveille – et c'est ce qui se passe pendant quelque temps. Mais quand les choses prennent une mauvaise tournure pour lui, il ne sait pas s'y prendre. Il est paumé et, en le regardant, on espère qu'il retrouvera
plus de sérénité. »
Il ne sera vraiment serein qu'à la fin du film.
Comme dans Une éducation , le film raconte le mûrissement d'esprits adolescents en donnant une précieuse leçon de vie : il vaut mieux regretter de n'avoir pas été frivole, plutôt que de déplorer de n'avoir pas été sage. « C'est bel et bien une histoire d'amour, affirme David Nicholls, auteur du livre Un jour, mais le livre parle aussi d'amitié, de relations familiales, de la nostalgie du temps
qui passe et des regrets qu'on peut avoir, et du fait que nos espoirs et nos rêves ne se réalisent pas toujours – ou, tout du moins, pas comme on pourrait s'y attendre. La tonalité est donc douce-amère. »
Certaines expériences sont brûlantes, de ces blessures qui suintent jusqu'à la fin d'une vie...
Alors qu' Une éducation restait relativement pudique, Un jour déroule une pellicule souvent crue, comme si l'exhibition était nécessaire à l'histoire. Faut il montrer pour dénoncer ? Assurément non, surtout quand la d&
eacute;nonciation est aussi talentueuse.
Au moment où Un jour entrait en tournage, le livre éponyme, écrit par David Nicholls publié en 2009, était déjà un best-seller dans le monde entier. Publié en une trentaine de langues, il s'est hissé en tête des ventes au
Royaume-Uni, en Italie et en Suède, et s'est également très bien positionné en Allemagne et en Russie.
On ne peut parler de Lone Scherfig sans avoir à l'esprit son dernier film Une éducation paru en 2010. Comme dans ce dernier, en effet, la réalisatrice décrit la tristesse d'une vie en pointant du doigt ses turbulences. La petite Jenny était une adolescente fraîche et naïve, dupée par l'esprit tortueux d'un adulte accompli. Dans ce film Dexter et Emma sont deux jeunes adultes qui vont apprendre à leurs dépends que pour prodiguer du bonheur, l'amour ne souffre aucune pusillanimité.
Le soir de leur remise de diplômes les deux partenaires, qu'on ne saurait alors même pas qualifier de tourtereaux, décident de coucher ensemble pour passer le temps. L'opération ayant avorté pour cause de maladresse du jeune homme, ils se promettent alors de devenir amis (on remarquera au passage cette formidable candeur qui consiste à livrer la fleur de son intimité à une personne qui n'est même pas un ami. Mon côté fleur bleue décevra probablement notre folle époque, à moins que ça ne soit le contraire...) . Chacun va alors mener sa vie, multipliant les conquêtes, (surtout Dexter), et découvrant au passage que les carrières sont souvent bien capricieuses.
Alors qu'Emma, résign&
eacute;e, abandonne ses rêves d'écrivain pour devenir serveuse, Dexter devient animateur d'émission pour crétins, c'est-à-dire célèbre, courtisé et riche. Emma est sérieuse, lui cabotin et, à vrai dire, tout les oppose. C'est ce qu'exprime la scène dans laquelle Emma découvre le tatouage de ying et de yang sur la cheville de son complice. Lui demandant ce qu'il signifie, ignorance au passage fort suspecte pour une jeune fille très cultivée, elle se voit répondre qu'il s'agit de « l'union parfaite de deux forces opposées. » C'est sans aucun doute le message principal du film : un amour paradoxal au cœur duquel chacun apporte à l'autre ce qu'il n'a pas. Le tempérament d'Emma stabilise Dexter, quand celui ci s'évertue à la dé
rider. Mais l'amour authentique peut il se contenter de complémentarité ? « S'aimer, disait Saint Exupéry, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction »
« Emma est pleine d'esprit et peu sûre d'elle, analyse la réalisatrice, et c'est une grosse bosseuse qui a toujours le nez dans ses livres. La question qu'on se pose tout au long de l'histoire est de savoir si Dexter ne vient pas d'un milieu trop favorisé pour elle et s'il n'est pas trop sûr de lui. »
La vie de Dexter est en effet particuli&
egrave;rement mouvementée, au grand dam de ses parents, nullement impressionnés par sa célébrité (« des filles qui dansent dans des cages, déplore la mère de Dexter, c'est à ça que tu en es réduit »).C'est ainsi que Dexter et une de ses petites amies vont suivre le cheminement classique des couples d'aujourd'hui : ils vivent ensemble et ne veulent pas d'enfants, mais font tout pour en avoir tout en les empêchant d'arriver, en ont finalement accidentellement, comme souvent, se marient pour « régulariser » (comme le dit Dexter lui même) puis se trompent et divorcent, avant de se remarier avec d'autres et de s'inquiéter parce qu'ils n'ont pas d'enfants. Bref, une vie simple et tranquille, une vraie liberté, un couple modèle ! S'il est une deuxième
leçon à tirer de ce film, elle sera sans doute que, à tout prendre, la maturité d'Emma croque plus de bonheur que la frivolité de Dexter. « C'est un personnage difficile à cerner, défend son interprète Jim Sturgess, car il évolue beaucoup tout au long du film : je ne crois pas qu'il sache vraiment qui il est. Il veut simplement profiter de la vie au maximum. »
Après son divorce, Dexter va donc épouser Emma et promettre, toute naïveté bue, de ne jamais la tromper ni l'abandonner. Par amour (soudainement implacable ?), par volonté (brutalement infaillible ?), ou plutôt par souci de ne pas brusquer le spectateur avec une histoire d'amour bancale, il sera pourtant fid&
egrave;le. Ce bonheur sera de courte durée : dans une scène brutale que le cinéphile sent venir à des kilomètres de bobine, Emma se fait mortellement renverser par un camion. A ce stade du scénario leur jeunesse est derrière eux, Dexter comprend qu'il l'a gâchée . Il n'est pourtant pas complètement perdant puisque, tel un ange de passage dans le monde , Emma lui aura apporté ce dont il avait besoin, sa maturité. Pour Anne Hathaway, « Dexter n'a jamais eu de vrais problèmes dans la vie. Au début de l'histoire, il croit qu'il est capable de s'adapter à tout et qu'il s'en sortira toujours à merveille – et c'est ce qui se passe pendant quelque temps. Mais quand les choses prennent une mauvaise tournure pour lui, il ne sait pas s'y prendre. Il est paumé et, en le regardant, on espère qu'il retrouvera
plus de sérénité. »
Il ne sera vraiment serein qu'à la fin du film.
Comme dans Une éducation , le film raconte le mûrissement d'esprits adolescents en donnant une précieuse leçon de vie : il vaut mieux regretter de n'avoir pas été frivole, plutôt que de déplorer de n'avoir pas été sage. « C'est bel et bien une histoire d'amour, affirme David Nicholls, auteur du livre Un jour, mais le livre parle aussi d'amitié, de relations familiales, de la nostalgie du temps
qui passe et des regrets qu'on peut avoir, et du fait que nos espoirs et nos rêves ne se réalisent pas toujours – ou, tout du moins, pas comme on pourrait s'y attendre. La tonalité est donc douce-amère. »
Certaines expériences sont brûlantes, de ces blessures qui suintent jusqu'à la fin d'une vie...
Alors qu' Une éducation restait relativement pudique, Un jour déroule une pellicule souvent crue, comme si l'exhibition était nécessaire à l'histoire. Faut il montrer pour dénoncer ? Assurément non, surtout quand la d&
eacute;nonciation est aussi talentueuse.