Un long dimanche de fiançailles

Film : Un long dimanche de fiançailles (2003)

Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet

Acteurs : Audrey Tautou (Mathilde), Gaspard Ulliel (Manech), Albet Dupontel (Célestin Poux), Jodie Foster (Elodie Gordes), Clovis Cornillac (Benoît Notre-Dame), Jérôme Kircher (Bastoche), Dominique Bettenfeld...

Durée : 02:14:00


On ne pouvait s' empêcher de penser au Fabuleux destin d'Amélie Poulain, si auréolé en 2002. A vrai dire, on ne s'en empêche pas forcément après avoir vu Un long dimanche de fiançailles. Ne retrouve-t-on pas le même rôle principal dans une riche mise en scène, une composition spécialement travaillée, un souci des images, des plans proportionnés, aux couleurs très chaudes ? Jean-Pierre Jeunet a pu vouloir profiter de son précédent, dans la même veine, où l'amour est le sentiment qui fait explicitement avancer l'action, mais Un long dimanche de fiançailles est différent : l'époque est autre, introduisant un moment historique sans doute très intéressant à montrer au cinéma. De plus, c'est une adaptation de roman (même titre). Enfin, apparaît la violence qui se projette tout au long du film. Le réalisateur dénonce à travers celle-ci -des scènes de tranchées récurrentes notamment- la guerre et son horreur. Il déplore la jeunesse des combattants, la folie des assauts, l'enfer des explosions. En parallèle, il nous montre le calme de la Bretagne, la beauté de ses paysages côtiers, ou la capitale et la vie des Parisiens dans des reconstitutions magnifiques : citons la place de l'Opéra, telle qu'ont pu la voir nos grands-parents, ou, mieux, le foisonnant marché des Halles, le "ventre de Paris".
Jean-Pierre Jeunet donne un message, celui de l'amour et de la vie, plus forts que la séparation et la douleur. Audrey Tautou et Gaspard Ulliel, dans les deux premiers rôles, interprètent des personnages d'abord naïfs : on pense à l'espoir décidé de la jeune orpheline Bretonne, qui ne vit que par son Manech, alors que toutes les personnes raisonnables le disent disparu. La naïveté n'est elle pas habituellement le propre des enfants ? Cette jeunesse donne un ton au film, qui se retrouve dans des scènes pittoresques charmantes, des scènes de la vie quotidienne, des intérieurs chaleureux, et contraste de manière brutale avec la dureté des scènes de combats, où Jeunet nous fait côtoyer la douleur et la mort omniprésente.
La mise en scène est très plaisante, et souvent impressionnante. Le film est traversé par de nombreux sentiments que le spectateur peut retrouver successivement : la douleur et la désolation, l’angoisse, la passion et l'amour, qu'une caméra toujours mobile capte par le brassage de séquences courtes, par des travellings très fréquents promenant le spectateur dans de vastes paysages et de profondes émotions. La bande-son laisse une place importante aux bruitages, évidemment expressifs dans des scènes de guerre, et la musique peu présente permet de s'intéresser davantage aux dialogues et aux images.

Un long dimanche de fiançailles est artistiquement beau, mais on peut faire d'importants reproches. Jean-Pierre Jeunet ne cache pas un antimilitarisme prononcé. L'image qui est proposée de l'armée française, bien qu'elle soit sans doute issue du roman de Sébastien Japrisot, est triste à voir, pas moins que le patriotisme dont font preuve ses poilus. La trame de l'histoire est composée par un refus de quelque soldats de combattre : ces hommes se transpercent la main avec leur fusil afin d'être renvoyés dans leur famille. Le procédé ne réussit pas pour ces soldats, et le réalisateur en profite pour nous présenter une image des responsables militaires tout-à-fait déplorable dans l’application de la peine, une image pleine des clichés de l'officier tyrannique. Les scènes de combats, dans leur violence parfois dure à supporter, rappellent cependant quelle fut la souffrance de nos aînés, a fortiori leur courage certain, et fait évidement réfléchir sur l'horreur de la guerre. Un long dimanche de fiançailles est une histoire d'amour, et, même si Mathilde et Manech sont séparés à cause de la mobilisation, on n'échappe pas à quelques scènes érotiques. On pouvait s'y attendre pour ce long dimanche de fiançailles, qui se situe entre 1917 et 1923 mais qui est bien un film d'aujourd'hui.









Raphaël du CHAZAUD