Une famille à louer

Film : Une famille à louer (2015)

Réalisateur : Jean-Pierre Améris

Acteurs : Benoît Poelvoorde (Paul-André), Virginie Efira (Violette), François Morel (Léon), Philippe Rebbot (Rémi)

Durée : 01:36:00


Le film commence sous les meilleurs auspices. Jean-Pierre Améris, Benoît Poelvoorde… Comment ne pas penser à l'excellent Les émotifs anonymes, dans laquelle interviennent les deux hommes, ou même plus récemment L'homme qui rit ou Marie Heurtin, du même réalisateur ?

A l'heure où la famille souffre des nouveaux schémas pensés par les idéologues d'en haut, un tel film faisant la promotion de la famille et de son importance ne peut tomber qu'à pic. Une famille à louer raconte la rencontre d'un homme seul et riche, qui réalise soudainement à quel point une famille lui manque, avec une femme et ses deux enfants d'un milieu social totalement différent et au bord du gouffre financier.

La situation est explosive et potentiellement désopilant. L'un est maniaque, réservé et laconique, l'autre expansive et désordonnée. Le premier vivait dans la solitude tandis que la maison qui l'accueille abrite une adolescente et un garçon assez remuant.

Las, le film n'est pas à la hauteur. Benoît Poelvoorde n'a pas l'espace qui convient pour exprimer son jeu et Virginie Efira souffre encore de quelques faiblesses d'expression qui handicapent sa spontanéité. Les situations qui auraient pu être franchement drôles n'éclatent pas, l'émotion qui aurait pu ressortir d'un homme adoptant progressivement une famille ne s'exhale pas.

Pourquoi la mayonnaise ne prend-elle pas ? Je n'étais pas sur le lieu du tournage, mais j'ai eu l'impression que le courant entre les acteurs ne passait pas vraiment. Pas d'alchimie, pas de plaisir à jouer ensemble… Les yeux de Poelvoorde sont inhabituellement vides, et Virginie Efira ne pétille pas comme avant (indépendamment de son mauvais jeu d'actrice).

Pour peu qu'on prenne un peu de hauteur, le film se fourvoie aussi dans les valeurs qu'il veut promouvoir. En voulant défendre la famille, le film semble oublier que celle-ci est avant tout charnelle. Même s'il est évidemment possible de reconstituer des familles grâce à l'adoption, la famille est « naturellement » le fruit de l'union entre deux êtres dont les corps vont en engendrer d'autres. De ce fait les parents voient grandir leur progéniture et la relation qui s'opère est comme une fusion, cette fusion légitime qui rend le départ des nouveaux adultes si difficile par la suite pour les parents. Même si, par conséquent, l'adoption rend possible des familles artificielles dans lesquelles l'amour pourra néanmoins se développer aussi fort et aussi durablement, les familles ne sauraient véritablement être « à louer ». [spoil]On dira probablement que je cherche la petite bête, puisque finalement la famille finit par s'aimer, mais qu'on me laisse défendre un dernier point de vue. Tout au long du film, la relation que ce père improvisé noue avec les enfants est d'une superficialité confondante !

Au petit garçon, il parle de météorites et raconte des histoires.

A la jeune fille, il… bah rien… Il la laisse se disputer avec sa mère, et range une fois sa chambre.

Comment dès lors croire à l'attachement qui se construit autour de rapports aussi futiles ?

La famille ne serait-elle que la juxtaposition de personnes qui veulent vivre ensemble, une sorte de micro contra-social rousseausiste ? Peut-être le film ne le pense-t-il pas, sûrement le laisse-t-il penser...[/spoil]