Une sortie de l’enfance en beauté…

Film : Le Château de ma mère (1990)

Réalisateur : Yves Robert

Acteurs : Julien Ciamaca (Marcel Pagnol), Philippe Caubère (Joseph Pagnol), Nathalie Roussel (Augustine Pagnol), Victorien Delamare (Paul Pagnol), Didier Pain (Oncle Jules), Thérèse Liotard (Tante Rose), Joris...

Durée : 1h 38m


Le Château de ma Mère, tourné dans la foulée de la Gloire de mon Père, sortit quelques semaines après celui-ci. Yves Robert avait choisi de condenser en deux films le contenu des trois premiers livres des Souvenirs d’enfance de Marcel Pagnol, la Gloire de mon Père, le Château de ma Mère et le Temps des Secrets. On s’étonnera d’autant moins de trouver dans le deuxième film des éléments du troisième livre, que déjà le film la Gloire de mon Père contenait des éléments du livre le Château de ma Mère. Vous me suivez ?

Vous vous souvenez donc que la Gloire de mon Père était une ode à l’enfance, qu’il en contenait toutes les facettes : joie de vivre, abondance, insouciance, découverte… Vous aviez noté que cette gaieté se terminait sur une petite note douce-amère, avec la fin des vacances et le départ des chères collines. Comme un paradis que l’on quitte…

Le Château de ma Mère commence exactement là où le premier opus nous avait laissés, et poursuit la narration de la dure année scolaire qui suivit, marquée pour le jeune Marcel par la préparation intensive du concours des Bourses. Heureusement, ces austères périodes scolaires sont entrecoupées de séjours dans les collines de plus en plus fréquents, puisque la famille Pagnol y retourne d’abord durant les vacance, puis ensuite à chaque fin de semaine – on ne disait pas encore week-end, et d’ailleurs les petits comme les grands travaillaient le samedi.

La continuité du récit est soulignée par celle de la mise en scène : la même voie off (magnifique diction de Jean-Pierre Darras, avec juste ce qu’il faut d’ironie dans le ton pour restituer l’humour du texte de Pagnol), et toujours ces scènes réglées comme des ballets, soulignées de surcroit par la même valse. Dès le début du film, on replonge dans cette impression d’une réalité magnifiée, et aussi d’un théâtre comique.

Mais peu à peu, les péripéties de l’histoire nous font sortir de l’enfance. Ce sont d’abord les devoirs scolaires, qui se chargent d’apprendre au jeune Marcel la dureté du travail. Puis c’est la découverte de la Femme et de l’amour, encore sous sa version enfantine, avec la rencontre d’Isabelle, une petite péronnelle qui a tôt fait de transformer le jeune Marcel tout émoustillé en un toutou soumis. Avec la mésaventure du redoutable garde en faction dans le château qui donne son titre au film, la famille et le spectateur avec elle se trouvent confrontés au risque du chômage et de la précarité. Enfin, les dernières scènes du film relatent la découverte de la mort et, bien des années plus tard, de la façon de faire son deuil.

A la joie éclatante de La gloire de mon Père succède donc une tonalité douce-amère, désamorcée par l’humour toujours présent, mais que les adultes et les adolescents reconnaitront malgré tout. Travail, amour, insécurité, mort et deuil : le jeune Marcel et nous sommes bel et bien sortis du Paradis de l’enfance, perdu à tout jamais. L’initiation s’achève ici. Seuls restent les souvenirs, et parmi eux celui, radieux, de Maman, qui continue d’illuminer notre enfance.