Very Bad Trip 2

Film : Very Bad Trip 2 (2011)

Réalisateur : Todd Phillip

Acteurs : Bradley Cooper (Phil Wenneck), Ed Helms (Stu Price), Zach Galifianakis (Alan Garner), Justin Bartha (Doug), Ken Jeong (Mr. Chow)...

Durée : 01:42:00


Un quasi copié-collé de Very Bad Trip, qui fera rire les amateurs de genre et consternera les autres.

Quand ça marche, on recommence ! Le premier épisode (du même réalisateur en 2009) avait tout pour plaire. Une ambiance fêtarde aux lendemains
de cuite douloureux, une intrigue démêlée à grands coups de flashback, des situations explosives : de quoi ravir les gammas de tous les campus, mélangeant bières et pizzas au milieu d'un vieux canapé tâché. Bref ! De la rigolade bien grasse qui avait su charmer sa cible en son temps. « Le premier film a trouvé sa place dans la culture populaire, et Todd était le seul à pouvoir faire encore mieux », explique Justin Bartha (Doug) dans le dossier de presse.

On prend donc les mêmes et on remet ça ! Les ressorts comiques sont identiques. Nos trois immatures vont donc se faire embarquer par Allan dans des aventures trépidantes au goût souvent douteux : ils déclenchent une émeute, perturbent l'organisation du mariage de l'un d'eux, perdent un compère, kidnappent un moine... Dans un accès de fébrilité imaginative, les coucheries se feront cette
fois avec un transexuel, avec force détails et étalage de biroutes à l'écran, histoire d'avoir l'air décomplexé !

Si quelques rebondissements pourront surprendre les plus naïfs, dans l'ensemble tout est prévisible. Objectivement il s'agit d'une vraie faiblesse technique, mais tout porte à croire que cela délecte au contraire le public, puisque la plupart sont venus pour retrouver les gags qu'ils avaient aimés dans le premier opus.

Sur le fond, alors que dans Very Bad Trip ils s'étaient mis volontairement en état d'ébriété, se rendant par là responsables de toutes les bêtises qu'ils avaient pu faire au cours de leur ivresse, ils sont cette fois victimes de la bêtise d'Allan qui destinait ses marshmallows drogués à
quelqu'un d'autre. De ce point de vue, leur responsabilité morale est donc diminuée.

Pourtant, malgré toute l'affection qu'on peut porter à Allan, ce grand gosse de riche aux idées ravageuses, on ne peut que partager les craintes de Stu. Ce dernier refuse en effet de l'inviter à son mariage, afin de préserver la beauté de l'événement, mais ses amis insistent pour qu'il revienne sur sa décision. Il finit par céder, pour son plus grand malheur.

Une fois drogués à leur insu, rien n'empêche alors le réalisateur de se complaire dans le grand n'importe quoi. Ed Helms jubile : « Je n’avais jamais tourné dans une aussi grosse production, avec des explosions, des courses effrénées, des passages à tabac, tous au service de la
comédie. »
L'objectif du film est donc clairement de montrer une avalanche de délires et d'en faire rire le public afin de le divertir. Ce point est intéressant parce que très actuel. Au lieu d'être un moyen de se changer les idées au contact d'un spectacle édifiant, le divertissement est aujourd'hui trop souvent vécu comme une désinhibition absolue délimitée dans le temps. Etudiants, militaires, équipes sportives semblent alors vouloir compenser la discipline du quotidien par la transgression. Mais transgression de quoi ? Des règles de savoir-vivre qui permettent une vie sociale harmonieuse. Or, à y regarder de plus près, on tremble pour les conséquences de ces actes irréfléchis. Déclencher une émeute dans un bar de strip-tease est très certainement drôle (il faut bien le reconnaître), mais chaque explosion, chaque incendie, chaque affrontement avec les forces de police n'est-elle pas de nature à mettre en danger la vie d'autrui ? Le fait de se faire sodomiser par un transsexuel de
Bangkok n'est-il pas une autoroute vers le sida ? Les courses poursuites en voiture au milieu d'un marché bondé ne mettent-elles pas gravement en péril des innocents ? Se faire imprimer un énorme tatouage sur le visage n'est-il pas de nature à entraîner bon nombre de désordres (à commencer par celui du portefeuille pour le faire retirer une fois la cuite apaisée) ?

Cette question en soulève une autre, plus ontologique, qui est celle de la catharsis. Une objection fréquemment opposée est de prétendre faire de certaines œuvres culturelles un défoulement pour le spectateur qui ne pourrait faire, dans la réalité, la moitié de ce qu'il voit à l'écran. Certes, mais ce n'est pas la position de L'Écran. La culture n'est pas là pour satisfaire tous les désirs, sous peine d'en venir à flatter les plus bas instincts. Elle est au contraire là pour orienter le
désir vers le bien désirable, à savoir l'épanouissement physique, intellectuel et spirituel de l'homme. Il n'est pas certain que traiter des moines bouddhistes de « grands connards chauves » en soit le meilleur moyen, fût-ce assez drôle !


Raphaël Jodeau