Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

Film : Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu (2010)

Réalisateur : Woody Allen

Acteurs : Naomi Watts (Sally), Antonio Banderas (Greg), Josh Brolin (Roy), Anthony Hopkins (Alfie) .

Durée : 01:38:00


un film prétentieux, rempli de références culturelles réservées aux initiés, qui réussit magnifiquement à combler le spectateur de vide, ainsi que le voulait Woody Allen.

Attention : il s'agit d'un film de Woody Allen. Il ne faut donc surtout pas dire que le film est mauvais. Il est juste difficilement accessible.

Il faut être initié pour remarquer
ce long plan séquence dans l'appartement de Roy et Sally, pour percevoir dans la fenêtre voyeuse qui s'affiche au bout d'une longue profondeur de champ un clin d'oeil à la fenêtre sur cour d'Hitchcock, pour comprendre la rougeur d'une robe symbole de séduction et de lièvres inaccessibles.

La signature de Woody Allen est toujours aussi jazzy. Le scénario est celui d'un authentique film choral, orchestré par des acteurs en pleine maturité, épaulés par de jeunes talents.

Mais la vacuité du fond trahit la richesse de la forme. Il faudrait s'extasier : c'est du Woody Allen !.. qui a voulu nous faire partager ses coup de blues :
« Nos personnages tournent en rond à la recherche du sens de la vie. Ils rencontrent le succès, l’amour, se heurtent les uns aux autres, se font des bleus, commettent des erreurs, le tout dans un perpétuel chaos. D’ici une centaine d’années, ils auront disparu de la surface le Terre, comme nous tous, et d’autres êtres les auront remplacés. Et tout ce qui paraissait si important, toutes ces ambitions, ces aspirations, ces plagiats, ces adultères aura sombré dans l’insignifiance. Et bien plus tard, le soleil s’éteindra dans le ciel, notre astre mourra, et bien plus tard encore, tout l’univers disparaîtra dans le néant. Et même si nous trouvions le secret de l’éternité, celle-ci serait encore finie car rien n’est infini. Ce n’est que bruit et fureur, qui ne signifie rien. » (in Dossier de Presse).

Pour autant que la vie de certains personnages soit vide de sens, faut-il qu'elle y soit condamnée ? Pendant que les couples s'abîment à l'écran (et que les spectateurs, faits réels, quittent la salle ou soupirent d'ennui), celui qui a trouvé un sens à sa vie est atterré par la désespérance qui suinte de la pellicule. C'est l'aura de cette comédie, bien plus que sa matière, qui est noire. Le film n'apprend rien : il constate. Il brosse pendant plus d'une heure et demi ce que tout le monde peut voir au quotidien. Le monde est désorienté. Ceux qui le peuplent sont-ils pour autant voués au néant ? Au moment où l'humanité se déteste le plus, se rendant, dans une componction obsessionnelle, responsable des guerres et du mal fait à la nature, aux animaux, aux pauvres, et à l'univers tout entier, ce dernier film de Woody Allen est dans le vent. Au moment où les hommes ont besoin de voir qu'
ils ont en eux des trésors d'ingéniosité et d'amour, il faudrait un génie du cinéma pour remonter le moral du genre humain. Si Alfie traverse la crise de la cinquantaine, ne peut-on montrer que le temps n'est pas un ennemi ? Si Héléna confie son destin aux mains d'une voyante, n'est-il possible pas de montrer que l'usage de la liberté donne au fatalisme des leçons de courage ? Si Sally veut un enfant de l'homme qu'elle aime, ne devrait-elle pas utiliser sa joyeuse lucidité pour le convaincre, plutôt que de le jeter comme un mouchoir usagé ? Et si celui-ci est fatigué de son couple, ne peut-on imaginer que l'humanité de sa femme est bien trop profonde pour qu'il n'ait plus rien à en apprendre ? Un homme qui est capable de délaisser sa femme quand son couple bat de l'aile peut-il sans rien changer rendre une autre femme heureuse ? Probablement pas.

Mais la mélancolie a ses charmes. Pour mieux en profiter il faut se convaincre que l'infini n'existe pas : la résignation donne l'air humble. On peut alors brosser des personnages qui arrosent le germe de leurs malheurs dans une candeur qui confine à la sottise. Quand on s'appelle Woody Allen on a le droit, la critique applaudira...