Wu Ji, la légende des cavaliers du vent

Film : Wu Ji, la légende des cavaliers du vent (2004)

Réalisateur : Chen Kaige

Acteurs : Hiroyuki Sanada (Général Guangming), Cecilia Cheung (Princesse Qingcheng), Dong-Kun Jang (L'Esclave Kunlun) .

Durée : 01:43:00


Après des films comme Hero et Le secret des poignards volants (Zhang Yimou, 2002 et 2004), L’Hirondelle d’or (film hongkongais, 1966, de King Hu) Tigre et dragon (Ang Lee, 2000), la famille des légendes chinoises et hongkongaises s’agrandit avec Wu Ji.

Les visages de ces
œuvres sont en effet très semblables mais, comme entre deux frères, les différences sont remarquables.

L’un des traits communs est le succès du film en Chine qui le place en deuxième position après son aîné Hero de Zhang Yimou. Un succès qui n’est pas étonnant puisque Wu Ji est certes dans la lignée des autres fresques épiques chinoises mais n’en demeure pas moins assez original. L’histoire est puisée dans l’inaltérable source des légendes du pays et se prête facilement à une interprétation cinématographique attrayante surtout avec la technologie moderne en matière d’effets spéciaux. C’est probablement l’une des originalités les plus marquantes du film où dès le début nous sommes plongés dans un univers d’images de synthèse qui auraient apporté une plus value en étant moins imposantes.

Le réalisateur a voulu construire un récit qui mêle harmonieusement le caractère des personnages et un tourbillon de sentiments antagonistes : « J'avais bien
sûr imaginé cette histoire bien avant la préparation du film : il y aurait une belle Princesse, un courageux Esclave, un puissant Général ambitieux et charismatique, un Duc rusé et maléfique, tous mus par de fortes passions : la cupidité, l'ambition, la loyauté, la vengeance, la quête inlassable du grand amour (...) Qui plus est, j'avais situé l'histoire 3000 ans plus tôt, en Asie. Telles étaient l'essence et les prémices du film. Mais une série d'événements se combinèrent simultanément pour donner à Wu Ji, la légende des cavaliers du vent une forme plus atemporelle (...) ». Le résultat est cependant loin de l’intensité d’une tragédie comme Hero ou Le secret des poignards volants à cause d’un aspect enfantin, presque naïf. L’issue du film comporte bien les ingrédients d’un drame chinois mais avec une touche plus optimiste. Pourtant tout semblait s’orienter vers un dénouement terrible mais le réalisateur n’a pas poussé le thème de la fatalité, du destin tyrannique, à son paroxysme. Par ailleurs, les
acteurs n’ont pas toujours le charisme que l’on attendait pour leur rôle.

En outre, le petit frère est sans aucun doute moins abouti en matière d’arts martiaux. De fait, les admirateurs des joutes de Hero (chorégraphiées par Tony Ching Siu-Tung) risquent fort d’être déçus. Si la qualité est moyenne, ce n’est pas faute de moyens : on retrouve le fameux câblage donnant tant de légèreté et de possibilité aux actions, un style largement issu du Kung fu et des armes aussi variées qu’originales. Pourtant le résultat tant quantitatif que qualitatif reste inférieur à celui de ses prédécesseurs, probablement dû aux compétences mêmes des acteurs (Jet Li ne peut pas être dans tous les films !), du chorégraphe et d’une caméra qui masque trop les mouvements…

Cependant, Wu Ji, la légende des cavaliers du vent, reprend sa place au sein de la famille avec un esthétisme travaillé des images accompagné par une BO très convaincante de Klaus Badelt (Pirates des
Caraïbes) : les costumes sont magnifiques, les couleurs sont douces et chaudes, et les paysages charmants et poétiques.

Outre une très courte scène érotique, le film est un lieu de rencontre de beaux sentiments (qui contribuent parfois à la naïveté dont il était question précédemment) : le choix de la liberté, le choix de son destin, l’amour, le courage… Ce qui est plaisant c’est la vision optimiste globale du film. Une déesse fait un pacte avec la petite fille mais la fatalité n’est pas indestructible. L’homme reste maître de sa destinée, il n’y pas ou peu de fatalité. Pour conforter cette idée, les esclaves ont une position sociale et physique dégradante, mais l’un d’eux, Kunlun, parvient à se lever contre son statut et contre ses maîtres. Rien n’est impossible à celui qui veut et qui est mû par un réel et sain désir. De même pour le pacte de la petite fille et pour l’assassin de Wuhuan. « La remise en question de leur destinée ne serait pas seulement réglée par d'
irrépressibles besoins et désirs, mais aussi par des promesses et des pactes scellés des années plus tôt » (Notes de production). Ce message peut paraître naturel voire banal mais si l’on prend en considération le cinéma asiatique en général et le cinéma chinois en particulier, il y a une forte tendance au fatalisme. Mais le thème est présent, Wu Ji n’y échappe pas, et la fatalité reste une grande toile sur laquelle les films chinois se brodent.

Ainsi, bien que d’une parenté incontestable, l’œuvre se démarque quelque peu dans l’esprit comme dans l’esthétisme.

 

 

Jean LOSFELD