Zabriskie Point version restaurée est la relique cinématographique d’un monde en voie de disparition : celui de la génération Mai 68. Un monde étudiant en révolte contre les repères traditionnels de la société, pressé de déstructurer tout ce qui a trait à la limite, flirtant aux États-Unis avec le mouvement de contre-culture hippie et sublimant le meurtre de la police dans des manifestations houleuses.
Le film, en mode road-movie, raconte la rencontre (assez irréaliste) dans le désert californien de deux jeunes en révolte. L’une en voiture, l’un en avion volé. Il est vrai que dans les années 60-70, on vole un avion comme une trottinette, et hop ! Pour la petite histoire, les acteurs principaux, non professionnels, ont été engagés à la suite d’une rencontre dans un bus. Cela tombe bien, puisque le réalisateur, Michelangelo Antonioni, déteste communiquer et s’attarder sur les dialogues… L’un (Mark Frechette) sera condamné à 15 ans de prison pour braquage de banque peu après la sortie du film. L’une, Daria Halprin, a en fait été repérée dans un documentaire sur la naissance du mouvement hippie, dans la région de San Francisco (Revolution, de Jack O’Connell, 1968). Mark et Daria rejoindront un temps la secte communautaire dirigée par le gourou Mel Lyman. Les idéaux politiques de Michelangelo Antonioni, proche des communistes italiens, lui vaudront quant à lui de nombreux incidents perturbant le tournage du film, le tout dans un climat politique quasi insurrectionnel. Des groupuscules proches du parti conservateur manifesteront violemment leur hostilité au film, le jugeant profondément anti-américain. À l'origine, le film devait notamment se terminer par un plan sur un avion dans le ciel, traînant derrière lui une banderole indiquant : "Fuck You America". Celle-ci ne fut évidemment pas du goût de Louis F. Polk, président de la MGM, qui produisait le film. Il ordonna donc une coupe de cette scène. Voilà pour l’ambiance assez funky entourant le tournage !
Un débris de la contre-culture hallucinée
Le film est resté célèbre pour deux séquences. La scène d'orgie située en plein désert, et la séquence finale d'explosion, que Michelangelo Antonioni a souhaité filmer au ralenti sur une musique hallucinogène des Pink Floyd. Deux séquences ayant pour thème commun la révolte : sexuelle pour la première, et terroriste pour la seconde. Deux scènes totalement fantasmées. D’un bout à l’autre, le film ne cesse de mettre en perspective le désir d’évasion de la jeunesse étudiante. Il condamne la réaction policière du président conservateur Nixon à ce mouvement de révolte, se caractérisant notamment par de nombreuses arrestations et la présence de policiers au sein des campus. A l’aide de graphismes insistants, il assimile les classes blanches et aisées de la société à un monde emprisonné où femmes et businessmen sont comparés à des mannequins en plastique inanimés.
La solution pour Antonioni, c’est donc le désert, mais pas à la façon des ermites ou des Pères du désert. Si les deux aventuriers découvrent en effet les vertus de l’isolement et l’éloignement des grandes villes dans de splendides décors arides, leur cheminement paraît assez limité. L’esthétique de la disparition, chère à Antonioni dans la plupart de ses films, prend ici la forme d’une cosmétique de l’errance. Si bien que le « néoréalisme de l’intérieur » revendiqué par le réalisateur arrête le destin de ses personnages à un gros délire graphique, un peu kitsch aujourd’hui, sensé illustrer leur désir intime de tout faire péter. De ce point de vue, Zabriskie point apparaît surtout comme une belle figuration de crise d’ados ponctuée d’un joli doigt d’honneur aux valeurs sociétales. L’histoire nous montre heureusement que la société humaine ne se suffit pas de slogans aussi créatifs et subtils que « nique la police » ou encore « make love, no war ».
Zabriskie Point version restaurée est la relique cinématographique d’un monde en voie de disparition : celui de la génération Mai 68. Un monde étudiant en révolte contre les repères traditionnels de la société, pressé de déstructurer tout ce qui a trait à la limite, flirtant aux États-Unis avec le mouvement de contre-culture hippie et sublimant le meurtre de la police dans des manifestations houleuses.
Le film, en mode road-movie, raconte la rencontre (assez irréaliste) dans le désert californien de deux jeunes en révolte. L’une en voiture, l’un en avion volé. Il est vrai que dans les années 60-70, on vole un avion comme une trottinette, et hop ! Pour la petite histoire, les acteurs principaux, non professionnels, ont été engagés à la suite d’une rencontre dans un bus. Cela tombe bien, puisque le réalisateur, Michelangelo Antonioni, déteste communiquer et s’attarder sur les dialogues… L’un (Mark Frechette) sera condamné à 15 ans de prison pour braquage de banque peu après la sortie du film. L’une, Daria Halprin, a en fait été repérée dans un documentaire sur la naissance du mouvement hippie, dans la région de San Francisco (Revolution, de Jack O’Connell, 1968). Mark et Daria rejoindront un temps la secte communautaire dirigée par le gourou Mel Lyman. Les idéaux politiques de Michelangelo Antonioni, proche des communistes italiens, lui vaudront quant à lui de nombreux incidents perturbant le tournage du film, le tout dans un climat politique quasi insurrectionnel. Des groupuscules proches du parti conservateur manifesteront violemment leur hostilité au film, le jugeant profondément anti-américain. À l'origine, le film devait notamment se terminer par un plan sur un avion dans le ciel, traînant derrière lui une banderole indiquant : "Fuck You America". Celle-ci ne fut évidemment pas du goût de Louis F. Polk, président de la MGM, qui produisait le film. Il ordonna donc une coupe de cette scène. Voilà pour l’ambiance assez funky entourant le tournage !
Un débris de la contre-culture hallucinée
Le film est resté célèbre pour deux séquences. La scène d'orgie située en plein désert, et la séquence finale d'explosion, que Michelangelo Antonioni a souhaité filmer au ralenti sur une musique hallucinogène des Pink Floyd. Deux séquences ayant pour thème commun la révolte : sexuelle pour la première, et terroriste pour la seconde. Deux scènes totalement fantasmées. D’un bout à l’autre, le film ne cesse de mettre en perspective le désir d’évasion de la jeunesse étudiante. Il condamne la réaction policière du président conservateur Nixon à ce mouvement de révolte, se caractérisant notamment par de nombreuses arrestations et la présence de policiers au sein des campus. A l’aide de graphismes insistants, il assimile les classes blanches et aisées de la société à un monde emprisonné où femmes et businessmen sont comparés à des mannequins en plastique inanimés.
La solution pour Antonioni, c’est donc le désert, mais pas à la façon des ermites ou des Pères du désert. Si les deux aventuriers découvrent en effet les vertus de l’isolement et l’éloignement des grandes villes dans de splendides décors arides, leur cheminement paraît assez limité. L’esthétique de la disparition, chère à Antonioni dans la plupart de ses films, prend ici la forme d’une cosmétique de l’errance. Si bien que le « néoréalisme de l’intérieur » revendiqué par le réalisateur arrête le destin de ses personnages à un gros délire graphique, un peu kitsch aujourd’hui, sensé illustrer leur désir intime de tout faire péter. De ce point de vue, Zabriskie point apparaît surtout comme une belle figuration de crise d’ados ponctuée d’un joli doigt d’honneur aux valeurs sociétales. L’histoire nous montre heureusement que la société humaine ne se suffit pas de slogans aussi créatifs et subtils que « nique la police » ou encore « make love, no war ».