- Adolescents
Cote VA:
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Le sens du voyage : le pardon, la pénitence. Alvin, âgé, fragile, s'apprête à mourir, comme son frère Lyle. Il revoit un certain nombre de choses qui ont compté dans sa vie :
Les ruptures familiales entre son frère et lui, ainsi qu'entre sa fille et ses enfants, qui ont été injustement enlevés à cette dernière.
La guerre en France : Alvin se sent coupable d'avoir tué quelqu'un. Son voyage constitue donc un pèlerinage au cours duquel il va se purifier et se réconcilier avec son frère et avec lui-même, ainsi qu'avec son passé d'ancien combattant. Il va se libérer de ces poids, et, en se libérant, accepter sa vie telle qu'elle a été.
Le sens des différentes rencontres : chacune d'entre elles permet à Alvin de s'ouvrir et de se révéler au spectateur.
Avec la jeune auto-stoppeuse, c'est la nécessité de la famille qu'il a réussi à démontrer, puisque la jeune fille laisse en partant un fagot de brindilles liées ensemble par un ruban, image symbolique.
Avec les cyclistes qui l'interrogent sur la vieillesse, il a du mal à accepter celle-ci («Le pire de la vieillesse, c'est de se souvenir de sa jeunesse.»)
Avec la conductrice qui a tué un daim : scène assez surréaliste, contraste entre la jeune femme très agitée et Alvin, très calme, qui fera griller un morceau du daim pour son dîner et accrochera les bois de l'animal à sa remorque.
Avec la famille qui l'héberge lorsque sa tondeuse tombe en panne : symbole du sens de l'accueil et de l'humanité, qui règnent dans tout le film. Le dialogue avec les deux réparateurs, qui essaient de magouiller un peu, est révélateur de l'esprit rusé et paysan d'Alvin et de son sens de l'humour.
La discussion avec l'ancien combattant lui permet de s'ouvrir comme nous l'avons dit plus haut;
La conversation avec le prêtre est une sorte de confession qui confirme la dimension spirituelle du film : après une enfance commune et fraternelle des deux frères (ils regardent ensemble les étoiles), c'est l'histoire de Caïn et Abel; l'orgueil et la vanité, sources de la séparation.
Enfin la dernière rencontre, celle entre les deux frères, but du voyage : le dialogue est court. Il y a cette phrase : «Il y a un mo-ment dans la vie, où l'on n'a pas besoin de se parler pour se comprendre.» Aucune mièvrerie, aucun sentimentalisme. Du très grand style.
Richesse des rapports entre Alvin et sa fille Rose : tout l'amour paternel pour une fille légèrement handicapée, privée de ses enfants par une décision injuste et légère des services sociaux. En échange, tout l'amour filial pour un père merveilleux. De ces deux, on ne sait pas lequel aide l'autre le plus. Une magnifique image est celle où ils regardent ensemble l'orage.
Cote VH:
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Originalité du sujet : il s'agit d'une histoire vraie, simple, belle, émouvante. Le titre original en anglais («The straight story») est d'ailleurs mal traduit en français par «Une histoire vraie». Straight, qui est le nom du personnage principal, signifie «droit» et sous-entend : rigueur et droiture. Alvin a une ligne de conduite droite et simple : il doit aller voir son frère Lyle pour se réconcilier avec lui.
La mise en scène est à l'image du sujet : simple et belle. Les décors sont les grandes plaines à céréales, avec des routes droites, les sillons des moissonneuses-batteuses également bien droits.
Tout le film comporte une dimension spirituelle qui ressort du jeu de la caméra : plongées et contre-plongées, va-et-vient entre ciel et terre, contraste entre l'immensité du ciel étoilé (les premières et dernières images du générique) et les gros plans sur les visages éclairés d'Alvin et de Rose, ou bien entre l'immensité de la plaine et le petit point de la tondeuse qui se déplace. Dès le début du film, il y a une succession de cadrages depuis la plaine dans son immensité, en passant par le village dans son ensemble, puis la grande rue du village, la maison et le jardin d'Alvin, jusqu'à la porte et la fenêtre derrière lesquelles il se trouve.
Dans le même esprit, David Lynch utilise la technique des fondus enchaînés : le soleil sur la plaine, puis le feu devant lequel Alvin passe la soirée, ou les ombres des sillons de la plaine qui défilent sur les murs de la maison avant d'apparaître directement aux yeux du spectateur.
L'importance de la nature dans ce périple, complète cette dimension spirituelle : ciels étoilés, couchers et levers de soleil, travaux de la maison dans l'Iowa, traversée du Mississippi, collines parsemées de pâturages dans le Wisconsin, flamboiement des feuillages en ce début d'automne (l'histoire se passe en septembre/ octobre).
Le rythme lent du film : nous sommes habitués au rythme rapide de notre époque et bien souvent nos critiques portent sur le manque de rythme dans les films. Ici la lenteur est nécessaire au déroulement de cette belle histoire.
Le départ d'Alvin pour ce voyage n'a lieu que 40 minutes après le début du film. Mais dans cette lente introduction, le metteur en scène a pu nous présenter le personnage après sa chute chez lui. Nous savons qu'il a 73 ans, qu'il ne marche qu'avec des cannes, qu'il est têtu, que son frère est malade, que sa fille est arriérée, mais qu'il l'aime tendrement.
Puis la lenteur du voyage, au rythme de la tondeuse (7km/heure), correspond au caractère de purification qui est donné à ce parcours initiatique, à ce dépouillement progressif d'Alvin. Ceci conduit lentement à la dernière scène, sommet du film (celle de la rencontre d'Alvin avec son frère Lyle) pleine de sobriété et d'économie de moyens, tous les sentiments étant résumés dans l'expression des visages, en particulier de celui de Lyle, qui dit une seule phrase, après avoir vu la tondeuse: «Tu es venu pour me voir avec cela !»
Ce rythme lent correspond aussi au fait que nous sommes dans l'Amérique profonde, rurale, trop souvent méconnue, loin de l'agitation urbaine moderne, laquelle est traduite par de petites allusions (la circulation des camions énormes, les feux rouges et la nervosité de la conductrice qui a tué un daim, en roulant trop vite).
Importance de la bande-son et de la musique, soit du style «country», soit plus ample, lorsqu'il s'agit de faire ressortir la plénitude des ciels étoilés.
Interprétation exceptionnelle, sobre et juste des principaux acteurs : Richard Farnsworth (Alvin), dont le visage est extrêmement expressif, et Harry Dean Stanton (Lyle). Sissy Spacek (Rose) est merveilleuse, totalement crédible dans un rôle difficile. Tous les acteurs des seconds rôles sont très justes : l'auto-stoppeuse en fugue, mal dans sa peau, les quatre vieillards amis d'Alvin, la famille qui accueille celui-ci pendant sa panne.
Justesse de ton grâce au scénario et à la direction d'acteurs.
Beaucoup de scènes cocasses, humoristiques : la description de la voisine, modèle de vulgarité, la scène de la chute d'Alvin dans sa maison, avec l'agitation qui entoure celui-ci, qui reste très calme.
Film correspondant:
Une Histoire vraie