Charlie et la chocolaterie

Film : Charlie et la chocolaterie (2004)

Réalisateur : Tim Burton

Acteurs : Johnny Depp (Willy Wonka), Freddie Highmore (Charlie), Annasophia Robb (Violette Beauregard)...

Durée : 01:56:00


Dès le commencement du film, le fantastique nous prend et nous entraîne dans un monde fabuleux. « Avec l'adaptation de Charlie et la chocolaterie, roman de Roald Dahl, on se retrouve en "Burtonie", un pays où l'étrange et le féerique font un pied de nez à la réalité », explique Emmanuèle Frois. La première vision est celle de la fabrique de chocolat, avec un décor féerique et magnifique. Bien que cette vue
de l’usine soit déjà merveilleuse, le décor est plus impressionnant encore dans la suite du film. En effet, Willy Wonka nous emmène lui-même visiter cette fabrique unique de chocolat, où rien ne peut être comparé à une autre fabrique de confiseries. La production se fait selon des procédés tout droit sortis de rêves d’enfants.

Cette magie et la richesse certaine que l’on trouve dans l’usine de Willy Wonka forment très rapidement un contraste avec la pauvreté, et presque la misère, de la famille de Charlie Bucket. Mais cette pauvreté sait rester digne et cette famille ne se laisse pas aller.

Ce rêve d’enfant très calme est cependant entrecoupé d’instants d’actions, qui éveillent la curiosité, et de tension où l’on a le souffle coupé. Il en est ainsi de l’expédition dans la chocolaterie, qui réserve des surprises et des moments amusants, et de la scène où Charlie ouvre les tablettes de chocolat. Dans ce
procédé, la musique ou l’absence de musique a un rôle très important, de même que les gros plans sur les visages ou les objets.

Le fabuleux et le féerique que nous voyons à travers les décors correspondent à la magie de l’enfance. Cette magie enfantine est un mélange à la fois de gentillesse, de naïveté, de pureté et d’une soif de voir et d’apprendre que l’on retrouve chez tous les enfants. Cela est bien illustré par la réflexion de Charlie : « Les bonbons, ça n’a pas à être utile sinon ce n’est plus un bonbon », et cette petite phrase est en quelque sorte l’explication de la raison d’être de l’usine de Willy Wonka.

Toutes les merveilles que découvrent les petits invités de Willy Wonka ne sont pas explicables d’une manière rationnelle. Et d’ailleurs, seuls les adultes (et ceux qui leur ressemblent) cherchent un moyen de les expliquer. C’est ainsi que les quatre enfants qui accompagnent Charlie dans la
chocolaterie sont assimilés d’une certaine manière aux adultes, en particulier Mike Teavee pour qui tout s’explique par la science, réaction qui n’est guère enfantine. Voici d’ailleurs comment Tim Burton qualifie son adaptation de l’œuvre de Roald Dahl : « Certains adultes oublient ce que c'était que d'être un enfant. Roald, non. Dans son livre, vous avez donc des personnages qui vous rappellent des gens de votre propre existence et des enfants avec lesquels vous alliez à l'école, mais en même temps il plonge cette réalité dans les anciens archétypes de la mythologie et des contes de fées. C'est un mélange d'émotion, d'humour et d'aventure qui est absolument hors du temps et je pense que c'est la raison pour laquelle ce roman s'imprègne tellement en vous. Il vous fait vous rappeler vivement ce que c'était que d'être un enfant, mais il offre également une perspective adulte. C'est pourquoi vous pouvez revisiter ce livre à n'importe quelle période, en tirer différentes choses, quel que soit votre
âge. »

Tim Burton montre un contraste  saisissant entre la pauvreté des Bucket et la richesse exubérante de la fabrique de chocolat. Pourtant la misère n’enlève aucune dignité à cette famille. Charlie Bucket perçoit nettement qu’il existe une certaine injustice sociale, puisque les riches ont souvent plus de choses que ce dont ils ont besoin, tandis que les pauvres ont à peine le nécessaire pour vivre. Malgré son appartenance évidente à la partie la plus pauvre de la population, Charlie ne se révolte ni ne s’offusque de son sort.

Au contraire, la pauvreté de cette famille a pour effet de l’unir fortement par un sentiment  d’amour profond, qui résiste à de multiples épreuves comme le chômage du père, et qui fait refuser à Charlie une offre que lui fait Willy Wonka. De même la générosité se développe, puisqu’il faut que tout le monde subvienne aux besoins de la famille. Toutefois, grand-papa
Georges fait valoir à Charlie que, certes, l’argent est nécessaire pour vivre mais qu’il y en aura toujours tandis que le ticket d’or est unique. Par cette explication, la générosité de Charlie est récompensée. Cette notion de l’argent comme chose futile qui ne doit pas être recherchée pour elle-même marque d’autant plus les esprits qu’elle est édictée par un homme dans la misère.

D’autre part, il est possible de dire que la pauvreté a préservé l’enfance de Charlie. En effet, il n’a jamais eu que de petits cadeaux qu’il sait apprécier à leur juste valeur et ses parents l’ont laissé grandir lentement. Il résulte de cela que Charlie est réellement resté un petit garçon. Cela se voit d’une façon frappante lorsqu’il se retrouve avec les quatre vainqueurs des tablettes de chocolat de Willy Wonka. Ces quatre enfants riches et ambitieux, orgueilleux et gourmands n’apparaissent plus comme des enfants purs et naïfs, à côté de Charlie qui est le seul à s’émerveiller
et à vouloir en savoir plus.

L’un de ces enfants illustre l’un des sept  péchés capitaux que l’on imagine fort bien en relation avec une chocolaterie : la gourmandise. Augustus Gloop est puni pour sa gourmandise, sans pour autant paraître guéri de son défaut. La jeune Violet Beauregarde, ambitieuse de caractère, après avoir désobéi et avoir été insolente, est également punie par Willy Wonka. Mais sa punition ne lui transforme guère son caractère, au point qu’il faut se demander si la punition a bien porté. De même, Véruca Salt voit son orgueil corrigé par des écureuils. Quant à Mike Teavee, le plus adulte des quatre enfants, imbu de lui-même, il désire tellement avoir raison et en remontrer à tout le monde qu’il est puni en montrant comment il a …tort.

« La force du film est de retrouver la vigueur de l'épreuve des contes de fées, où les enfants-monstres sont châtiés : dévorés, perdus, métamorphosés,
défaits de leur beauté et de leur prestige. Les contes de fées ont longtemps été l'épreuve de l'enfance et Burton ravive cette ordalie, même s'il la masque des atours affriolants et colorés, musicaux et enjoués, de la parade carnavalesque d'un film de pur divertissement », va jusqu’à dire Antoine de Baecque*.

Face à ces enfants déjà adultes par leur comportement se dressent les petits Oompa-Loompas moralisateurs. Ces petites personnes font remarquer avec raison que ces quatre enfants ont été pourris par leurs parents qui cédaient à tous leurs caprices, les gâtaient et même leurs obéissaient. Pour  Mike Teavee, il vont jusqu’à montrer la nuisance de la télévision qui a détruit son enfance.

Aux côtés des Oompa-Loompas, il y a Willy Wonka qui tout au contraire des quatre enfants est resté très enfantin et taquin. Assez orgueilleux au début de l’histoire, son caractère est transformé par la
gentillesse et la naïveté enfantines de Charlie. Il a cependant, dès le départ, la volonté d’apporter du bonheur, par ses confiseries, aux enfants qui pourraient être malheureux.

Le dernier caractère essentiel est celui de Charlie Bucket. Enfantin et insouciant, il sait être généreux  envers sa famille qu’il aime énormément. Son amour filial le fait renoncer à une offre de  Willy Wonka, à condition qu’il quitte ses parents. Malgré cette proposition peu à l’honneur de Willy Wonka, Charlie n’hésite pas, peu après, à aider Willy Wonka à comprendre toute l’importance de la famille, ce qui va entièrement transformer le chocolatier.

*Antoine de Baecque : Historien et critique de cinéma, membre du comité de rédaction des Cahiers du cinéma. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le cinéma (Truffaut, Oliveira, Tarkovski…).