Poséidon est le remake de L’aventure du Poséidon, un classique du film-catastrophe réalisé en 1972 par Ronald Neame. L’actuelle super-production est due au travail du réalisateur Wolfgang Petersen, qui confirme son goût pour les catastrophes maritimes après Le Bateau (1981) et En pleine tempête (2000). L’intérêt de ce remake repose d’après le metteur en scène sur l’apport d’un contenu plus personnel : « Nous avons construit un tout autre
scénario, peuplé de personnages contemporains et originaux. Le film raconte leur histoire. Il est le récit de leurs expériences collectives et individuelles, de leur odyssée à travers ce navire en perdition.(…) Ils montrent vos réactions, vos comportements, vos efforts, vos visages, sur lesquels je veux lire toutes les émotions humaines qu'on peut ressentir au cours d'un tel drame ». A l’aspect dramatique se superpose l’aspect technique du film : ce dernier a bénéficié des dernières techniques en matière d’images de synthèse, l’ensemble du navire étant le fruit de la création numérique. De plus le film se déroule en huis-clos, ce à quoi la caméra doit se plier et dont elle doit tirer profit pour aboutir à un résultat convaincant.
Petersen a donc voulu un film vivant. Il démarre d’ailleurs par une ouverture magistrale, après une brève exposition des personnages-clés du film (nous empêchant d’ailleurs de nous y attacher réellement). On ne peut d’ailleurs que sourire devant le
choix des survivants qui vont entreprendre cette course pour leur survie : un quinquagénaire paumé et touchant, une passagère clandestine, un ancien pompier, maire de New York et papa poule, sa fille, rebelle juste ce qu’il faut, son petit ami, une mère célibataire et son adorable fils, et le leader du groupe, ancien sous-marinier, joueur professionnel charmeur et viril… Le lien qui les unit ne consiste en réalité qu’en leur lutte pour vivre. Le réalisateur a voulu souligner l’aspect humain de cette catastrophe, en nous faisant plonger et lutter avec les rescapés… Mais le rendu est trop surfait et le spectateur a du mal à partager les émotions des acteurs, pourtant tour à tour héros et victimes, mais trop stéréotypés, trop hollywoodiens quant à la manifestation de leur émotions.
Cette déception est due en fait à la véritable réussite que représente la facette technique du film, étouffant un peu la volonté dramatique insufflée dans le scénario. C’est d’une part la scène
saisissante dans laquelle la vague monstrueuse retourne le paquebot : sans fioriture, très classique, elle permet aux effets spéciaux de reproduire remarquablement la déferlante envahissant le navire, percutant avec violence les cloisons, renversant objets et passagers comme un jeu de quille… "Le résultat final n'a rien à voir avec l'infographie traditionnelle. Nous ne vous offrons pas le simple "rendu" d'une vague de 50 mètres de haut, mais l'interaction de phénomènes d'une puissance explosive qui vont submerger le vaisseau (...) Nous vous montrons pour la première fois de gerbes d'eau éclatant sur des objets, les recouvrant, refluant et se reformant de la manière la plus naturelle et la plus réaliste qui soit." (dixit Kim Libreri, infographiste, in notes de production). C’est donc le scénario, la narration qui cimente le film, comme un véritable cahier des charges imposant son rythme effréné et son suspense haletant, aidé en cela par une musique énergique. On ressent très bien l’urgence de la
situation des passagers, soumis à une successions d’épreuves (plongée en apnée, recherche d’issues, eau bouillonnante et essence en flamme…), conduisant chacun à s’illustrer et aussi à périr. L’obligation de tourner en huis-clos empêche l’omniprésence d’effets spéciaux, seule la caméra étant utile pour relancer le film. A chaque plan l’action se renouvelle, des possibilités neuves se créent et d’autres disparaissent (la plongée dans les ballasts du Poséidon…). Petersen maîtrise parfaitement l’environnement, le jeu de l’obscurité et de la clarté, jouant sur la claustrophobie et la panique, plan par plan, comme dans un jeu de rôle structuré où les niveaux s’enchaînent et offrent de nouveaux défis.
Si l’intérêt moral semble dans un premier temps limité, la catastrophe pousse certains personnages à se forger une âme de héros. Au départ, les tendances suicidaires du quinquagénaire, aux motifs obscurs et incompréhensibles au regard de sa volonté de survivre au naufrage, sont loin
de servir la morale, tandis que John Dylan, le meneur du groupe, avoue sans honte qu’il est là pour plumer les gens malchanceux…
La lutte pour la survie présente parfois des dilemmes cornéliens et des choix douloureux… Le film n’est pas passé à côté de cet aspect, mais le traite de manière expéditive : la scène de l’ascenseur, dans laquelle un passager fait tomber volontairement un autre pour survivre, sur les exhortations du meneur du groupe, est aussi cruelle que rapide, et aussi vite oubliée, ce qui la rend d’autant plus cynique. Mais, comme si ce choix délicat, avait provoqué un déclic, les membres du groupe vont s’entraider et se sauver mutuellement la vie ; cela a plus pour but de relancer la machine cinématographique et d’introduire une dose supplémentaire de suspense que d’offrir le spectacle d’authentiques dons de soi, dans un esprit de sacrifice.
Stéphane JOURDAIN
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scénario, peuplé de personnages contemporains et originaux. Le film raconte leur histoire. Il est le récit de leurs expériences collectives et individuelles, de leur odyssée à travers ce navire en perdition.(…) Ils montrent vos réactions, vos comportements, vos efforts, vos visages, sur lesquels je veux lire toutes les émotions humaines qu'on peut ressentir au cours d'un tel drame ». A l’aspect dramatique se superpose l’aspect technique du film : ce dernier a bénéficié des dernières techniques en matière d’images de synthèse, l’ensemble du navire étant le fruit de la création numérique. De plus le film se déroule en huis-clos, ce à quoi la caméra doit se plier et dont elle doit tirer profit pour aboutir à un résultat convaincant.
Petersen a donc voulu un film vivant. Il démarre d’ailleurs par une ouverture magistrale, après une brève exposition des personnages-clés du film (nous empêchant d’ailleurs de nous y attacher réellement). On ne peut d’ailleurs que sourire devant le
choix des survivants qui vont entreprendre cette course pour leur survie : un quinquagénaire paumé et touchant, une passagère clandestine, un ancien pompier, maire de New York et papa poule, sa fille, rebelle juste ce qu’il faut, son petit ami, une mère célibataire et son adorable fils, et le leader du groupe, ancien sous-marinier, joueur professionnel charmeur et viril… Le lien qui les unit ne consiste en réalité qu’en leur lutte pour vivre. Le réalisateur a voulu souligner l’aspect humain de cette catastrophe, en nous faisant plonger et lutter avec les rescapés… Mais le rendu est trop surfait et le spectateur a du mal à partager les émotions des acteurs, pourtant tour à tour héros et victimes, mais trop stéréotypés, trop hollywoodiens quant à la manifestation de leur émotions.
Cette déception est due en fait à la véritable réussite que représente la facette technique du film, étouffant un peu la volonté dramatique insufflée dans le scénario. C’est d’une part la scène
saisissante dans laquelle la vague monstrueuse retourne le paquebot : sans fioriture, très classique, elle permet aux effets spéciaux de reproduire remarquablement la déferlante envahissant le navire, percutant avec violence les cloisons, renversant objets et passagers comme un jeu de quille… "Le résultat final n'a rien à voir avec l'infographie traditionnelle. Nous ne vous offrons pas le simple "rendu" d'une vague de 50 mètres de haut, mais l'interaction de phénomènes d'une puissance explosive qui vont submerger le vaisseau (...) Nous vous montrons pour la première fois de gerbes d'eau éclatant sur des objets, les recouvrant, refluant et se reformant de la manière la plus naturelle et la plus réaliste qui soit." (dixit Kim Libreri, infographiste, in notes de production). C’est donc le scénario, la narration qui cimente le film, comme un véritable cahier des charges imposant son rythme effréné et son suspense haletant, aidé en cela par une musique énergique. On ressent très bien l’urgence de la
situation des passagers, soumis à une successions d’épreuves (plongée en apnée, recherche d’issues, eau bouillonnante et essence en flamme…), conduisant chacun à s’illustrer et aussi à périr. L’obligation de tourner en huis-clos empêche l’omniprésence d’effets spéciaux, seule la caméra étant utile pour relancer le film. A chaque plan l’action se renouvelle, des possibilités neuves se créent et d’autres disparaissent (la plongée dans les ballasts du Poséidon…). Petersen maîtrise parfaitement l’environnement, le jeu de l’obscurité et de la clarté, jouant sur la claustrophobie et la panique, plan par plan, comme dans un jeu de rôle structuré où les niveaux s’enchaînent et offrent de nouveaux défis.
Si l’intérêt moral semble dans un premier temps limité, la catastrophe pousse certains personnages à se forger une âme de héros. Au départ, les tendances suicidaires du quinquagénaire, aux motifs obscurs et incompréhensibles au regard de sa volonté de survivre au naufrage, sont loin
de servir la morale, tandis que John Dylan, le meneur du groupe, avoue sans honte qu’il est là pour plumer les gens malchanceux…
La lutte pour la survie présente parfois des dilemmes cornéliens et des choix douloureux… Le film n’est pas passé à côté de cet aspect, mais le traite de manière expéditive : la scène de l’ascenseur, dans laquelle un passager fait tomber volontairement un autre pour survivre, sur les exhortations du meneur du groupe, est aussi cruelle que rapide, et aussi vite oubliée, ce qui la rend d’autant plus cynique. Mais, comme si ce choix délicat, avait provoqué un déclic, les membres du groupe vont s’entraider et se sauver mutuellement la vie ; cela a plus pour but de relancer la machine cinématographique et d’introduire une dose supplémentaire de suspense que d’offrir le spectacle d’authentiques dons de soi, dans un esprit de sacrifice.
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