La Nativité

Film : La nativité (2006)

Réalisateur : Catherine Hardwicke

Acteurs : Keisha Castle-Hughes (Maria), Oscar Isaac (Joseph), Hiam Abbass (Anna), Shaun Toub (Joachim), Ciarán Hinds (Herodes der Große), Shohreh Aghdashloo (Elisabeth), Stanley Townsend (Zacharias), Alexander...

Durée : 1h 41m


La nativité n'a pas souvent éclairé les écrans de cinéma, du moins pas directement, mais à l'approche de Noël quoi de plus naturel ? La Nativité retrace l'histoire depuis la vision de Zacharie dans le temple jusqu'à la fuite en Égypte, ce qui a donné une certaine matière au scénariste Mike Rich. La réalisatrice Catherine Hardwicke, quant à elle, a saisi l'occasion pour faire un film sur cette femme en crise et ses questions*. Le point de vue est ainsi choisi : l'équipe s'est principalement attachée aux difficultés du couple et à son voyage. Il ne s’agit pas d'une adaptation de  roman, car les Écritures saintes ne se lisent pas comme un roman, mais plutôt de favoriser une approche humaine et réaliste. C'est pourquoi La Nativité met en scène des personnages avec des réactions naturelles en essayant de coller au mieux au contexte de l'époque. Malgré quelques relents de naïveté (certaines répliques des Romains sont un peu manichéennes et caricaturales), les différentes psychologies sont assez bien rendues et les acteurs crédibles.

La photographie du film relève d'un choix intéressant. Elliot Davis (directeur de la photo) a déjà travaillé avec Catherine Hardwicke (Le seigneur de Dogtown en 2005, Thirteen en 2003) mais aussi pour d'autres drames psychologiques (Le laurier blanc de Peter Kosminski en 2002) et ses images donnent au film un côté à la fois réaliste et épuré avec cependant une prédominance de bleu et de jaune en fonction des séquences qui apporte une touche plus picturale. La comparaison avec la peinture n'est pas vaine quand on se remémore toutes les œuvres qui ont abordé le sujet. Le Moyen Âge et la Renaissance regorgent de tableaux, de fresques et autres œuvres sur la Nativité (Maître de Moulins et Robert Campin et bien sûr Botticelli au XV° siècle, Bassano et Bordone  au XVI° etc., l'art sacré ne manque pas d'exemples). Cette légère digression permet de s'interroger sur la nature de ce film et sa finalité. Serait-ce la  contemplation ? Il ne semble pas car le film offre peu de moments contemplatifs, peu d'images sortent du lot (une exception peut-être pour le  plan en travelling-arrière de la crèche traversée par un rayon de lumière).
Serait-ce méditatif à l'instar de ces tableaux riches en symbolisme où se  condensent en une image de nombreux trésors de la foi ? Pourquoi pas... Pourtant, malgré quelques dialogues intéressants (notamment celui de Joseph et de Marie sur la future éducation de Jésus), le film ne porte pas réellement à la pénétration des beautés de la religion catholique. La Nativité est un  film surtout représentatif et historique comme l'annonce l'introduction en flashforward. Ainsi, l'équipe est partie en Israël et a cherché à reconstituer le plus fidèlement possible le village de Nazareth. Le réalisme était le mot d'ordre : on l'a vu dans la photographie mais il y est aussi dans les décors, dans les costumes, et dans la vie de village.

Loin de toute imagerie spectaculaire, La Nativité s’attache au parcours  humain, à l’authentique acte de foi et d’amour qui a conduit une famille à  vivre et à participer à la venue du Christ parmi nous*. La Nativité est donc un film qui cherche à faire revivre un événement à la fois ordinaire et extraordinaire. Le souci historique n'a pas empêché quelques libertés d'imagination comme le rôle amusant et touchant des trois Rois Mages.

Les cinéastes assurent s'être entourés de théologiens, historiens et autres experts pour respecter au mieux l'authenticité des Écritures*. Le scénariste quant à lui est protestant et même s'il a travaillé avec des catholiques le film souffre d'un discret dualisme. Le protestantisme se concilie effectivement assez difficilement avec une  lecture authentique des Évangiles (en tout cas pour les questions de foi, les questions historiques n'étant pas le propos ici) puisqu'il repose principalement depuis son apparition au XVI°siècle sur la liberté du croyant dans ses moyens de salut, liberté qui se traduit également en une lecture subjective des Écritures. C'est pourquoi l'œuvre est duale par le respect global des textes et par la recherche de réalisme. Il faut comprendre que le souci de fidélité à une réalité n'est pas mauvaise en soi si l'on admet que réalisme n'est pas synonyme de rationalisme. Or le rationalisme excessif empêche d'atteindre des vérités de foi inexplicables par la science et la raison humaine.

Il est vrai que La Nativité ne recule pas devant les apparitions de l'archange Gabriel, mais on peut regretter le manque de profondeur résultant sans doute du souci d'objectivité. L'annonciation, qui a déjà fait l'objet d'illustres œuvres d'art (on pense à celle de Botticelli ou de Fran Angelico à la fois dépouillées et suggestives), aurait sans doute mérité une attention toute particulière tant esthétiquement que pour son contenu exemplaire.

En outre, on s'étonne de l'absence de prudence et de pudeur à l'égard de la naissance du Christ qui est une question non tranchée par les théologiens. Ce qui est certain c'est que Marie n'a pas accouché comme toutes les autres femmes et qu'elle n'a en aucun cas accouché dans la douleur. L'Église enseigne également que Marie est "restée vierge en concevant son Fils, vierge en l’enfantant, vierge en le portant, vierge en le nourrissant de son sein, vierge mère, vierge toujours" (saint Augustin, serm. 186, 1 : PL 38, 999). Il convient donc de signaler aux spectateurs que l'accouchement douloureux de la Vierge dans le film n'est pas en accord avec l'enseignement de l'Église sur la virginité de Marie (Cathéchisme du concile de Trente, art. 3, par. 2).

Moins marquante mais suspecte tout de même est la représentation d'une Marie un peu trop humaine, qui ne se détache pas vraiment du commun des mortels. Le danger est celui de la contradiction avec le dogme de l'Immaculée Conception proclamé par Pie IX le 8 décembre 1854. Catherine Hardwicke ne sombre pas totalement dans la négation de l'Immaculée Conception mais on devine sous son flirt les influences du protestantisme.

Signalons également que certaines scènes (le massacre des saints Innocents, la circoncision de saint Jean-Baptiste, les accouchements) peuvent choquer les plus jeunes.

Cela dit, le regard de la réalisatrice n'est pas dépourvu d'intérêt dans ce qu'il a d'humain et de compatissant à l'égard de Joseph et de Marie, tous les deux choisis pour la plus grande et la plus humble des missions. Les Évangiles étant très elliptiques sur la relation des parents de Jésus, on est en droit d'imaginer quelques attentions de Joseph pour sa femme ou les interrogations qu'ils ont pu avoir. Il y a notamment le passage où Marie et Joseph s'avouent avoir peur de l'immense responsabilité de recueillir et d'"éduquer" l'enfant-Dieu. Bien évidemment cette peur n'est pas contradictoire avec leur foi et la confiance qu'ils ont en Dieu.



* in notes de production


Jean LOSFELD