» est une problématique relativement récurrente au cinéma. Ici, les trois héros sont en prise avec la précarité, la
pauvreté, le déshonneur ou l’ennui. Ce triangle est composé de personnages aux soucis et aux intérêts différents. L’un souffre que sa mère soit encore obligée de travailler à son âge pour pouvoir payer le loyer, l’autre est traumatisé par la mort de sa femme et a perdu sa fortune, et le dernier semble avoir besoin de changement. L’argent apparait pour chacun d’eux l’unique moyen de sortir de la misère matérielle ou psychologique. Pourtant l’amitié plus ou moins récente qui les lie pourrait être cette échappatoire, mais c’est d’abord au matérialisme qu’ont recours ces trois hommes.
Sam, qui a perdu son épouse dans un accident de voiture, s’est remarié avec une femme déséquilibrée qui le trompe avec un policier véreux (ce qui donne par ailleurs lieu à une courte scène érotique). Le passage où il danse avec son épouse à moitié folle montre à quel point la mort de sa première femme n’a pas été surmontée. Son attitude presqu’irréelle est émouvante parce qu’elle regorge de contradictions : il
passe de la violence à l’affection, de la haine au pardon et finalement reprend goût à la vie.
Le film est en quelque sorte un hymne à la simplicité. Quel que soit le milieu d’où l’on sorte, quelle que soit notre fortune ou notre infortune, l’équilibre de la vie ne se trouve pas dans le confort matériel mais plutôt dans notre rapport aux autres, et bien sûr, même si le film ne le mentionne pas, dans notre rapport à Dieu. «
réalisateur.
Tsui Hark, l'un des principaux acteurs de la nouvelle vague des années 80 du cinéma hongkongais, s'était déjà distingué avec des films comme
The big heat (1988), Il était une fois en Chine (1991), Seven Swords (2005) ou encore The Blade (1995), Time and Tide (2000) pour évoquer sa période hollywoodienne. Il signe ici la première partie du film qui a pour thématique « le pouvoir et l’argent ». « L’argent semble être le seul dénominateur qui affecte chacun, il a tranquillement corrompu notre civilisation, de la même manière que la technologie a pollué cette planète », constate Tsui Hark*. Ça commence donc comme un film de gangsters avec l’obsession de gagner de l’argent rapidement. Les plans rapprochés ainsi que les prises de vue originales et désaxées font entrer le spectateur dès le début dans une ambiance d’intimité, de confidence et de mystère. L’homme qui leur donne une pièce d’or apparaît comme le hasard, le destin quipousse les hommes à faire un choix. Comme pour mieux pénétrer la conscience de ses personnages, Tsui Hark favorise les gros plans et les inserts qui attirent l’attention sur les détails, comme le stress ou la peur. Le montage rapide et les scènes de courses-poursuites placent plutôt cette première partie dans le genre du film d’action.
Ringo Lam, quant à lui s’intéresse
« plus particulièrement à l’obsession du personnage de Sam pour son épouse »*. Il est responsable des seuls flashs-back du métrage et ses images, récurrentes et quasi identiques, représentent bien, par la répétition, la hantise du personnage. C’est peut-être la partie la plus profonde et la plus dramatique, ce qui requérait un rythme pluslent : « Je voulais raconter l’histoire du point de vue d’un observateur extérieur. Du coup j’ai évité les mouvements de caméra rapides et me suis concentré sur les plans fixes »*.
Enfin, Johnny To, qui a également fait ses débuts dans les années 80, en partie sous la houlette de Tsui Hark, est un réalisateur éclectique, composant avec les genres comme la comédie, la romance, l’action ou le policier. Certains de ses films, tels que
Breaking the news (2005), Fulltime Killer (2002) ou encore Exilé (2007) ont pu connaître un large succès sur les écrans français. « En ce qui concerne la partie dont je suis responsable, mon intérêt s’est porté sur le dilemme suivant : quel prix sommes-nousprêts à payer pour nos désirs et nos obsessions ? »*. Cette troisième partie est sans doute la plus étrange et la plus ironique. La mise en scène virtuose est rythmée par une série de rebondissements burlesques et surprenants comme si tout était hors de contrôle, même pour ceux qui sont sensés maîtriser (les gangsters ou le policier). Durant la séquence d’action finale notamment, les héros vivent des émotions très différentes, la peur, la haine, l’incertitude, la lâcheté, l’égoïsme pour finalement réussir à choisir leur destin.
Pour ce qui est de l’ensemble de l’œuvre, la photographie, par une manipulation adroite des ombres et de la lumière, offre quelques plans remarquables : l’ambiance réchauffée par une image aux tons jaunes au début cède le pas aux tons bleus comme pour mieux marquer le drame du film. S’il y a une unité esthétique dans
Triangle s’impose donc comme un exercice de style intéressant, misant plus sur l’esthétisme et les thématiques que sur le scénario.cette œuvre tripartite, il n’en demeure pas moins une certaine étrangeté due au mélange des genres. Il s’agit d’un film qui revêt une certaine autonomie et dépasse la notion de genre en raison de ses mélanges. C’est ainsi que le spectateur se fait projeter dans une atmosphère tantôt fantastique, tantôt comique, tantôt dramatique, avec des touches de film d’action et de thriller.
Les thèmes sont simples, le script n’est pas innovant mais les questions abordées sont loin d’être dénuées d’intérêt.
L’argent et le pouvoir » est une problématique relativement récurrente au cinéma. Ici, les trois héros sont en prise avec la précarité, la«
pauvreté, le déshonneur ou l’ennui. Ce triangle est composé de personnages aux soucis et aux intérêts différents. L’un souffre que sa mère soit encore obligée de travailler à son âge pour pouvoir payer le loyer, l’autre est traumatisé par la mort de sa femme et a perdu sa fortune, et le dernier semble avoir besoin de changement. L’argent apparait pour chacun d’eux l’unique moyen de sortir de la misère matérielle ou psychologique. Pourtant l’amitié plus ou moins récente qui les lie pourrait être cette échappatoire, mais c’est d’abord au matérialisme qu’ont recours ces trois hommes.
Sam, qui a perdu son épouse dans un accident de voiture, s’est remarié avec une femme déséquilibrée qui le trompe avec un policier véreux (ce qui donne par ailleurs lieu à une courte scène érotique). Le passage où il danse avec son épouse à moitié folle montre à quel point la mort de sa première femme n’a pas été surmontée. Son attitude presqu’irréelle est émouvante parce qu’elle regorge de contradictions : il
passe de la violence à l’affection, de la haine au pardon et finalement reprend goût à la vie.
Le film est en quelque sorte un hymne à la simplicité. Quel que soit le milieu d’où l’on sorte, quelle que soit notre fortune ou notre infortune, l’équilibre de la vie ne se trouve pas dans le confort matériel mais plutôt dans notre rapport aux autres, et bien sûr, même si le film ne le mentionne pas, dans notre rapport à Dieu. «
Les personnages de mon film ont la vue courte, ils n’ont aucun moyen de savoir ce que le futur leur réserve. Ils vivent pour l’argent et mourront pour l’argent. Dans ce qu’on appelle « le monde », c’est malheureusement aussi simple et cruel que cela » (Tsui Hark)*.