Le premier film de Madonna, la « reine de la pop », suscite une certaine curiosité. Chanteuse sulfureuse et controversée, son succès est d’abord musical. Elle fait cependant quelques apparitions au cinéma en tant qu’actrice : Vision Quest de Harold Beckeren en 1985, et À la dérive de Guy Ritchie en 2008. Obscénité et vertu marque donc un évènement dans la carrière de l’artiste qui n’avait d’ailleurs plus rien à prouver à ses fans.
Reste à savoir si cet évènement est heureux ? Qu’on apprécie ou non le personnage, Madonna s’est imposée comme une artiste talentueuse et une femme d’affaires redoutable. Serait-elle allée au bout de ses limites avec ce film, ou les aurait-elle encore repoussées, revitalisant ainsi sa carrière ? Un seul métrage est bien sûr insuffisant
pour juger réellement ses capacités de réalisatrice.
Malgré quelques prises de risques intéressantes mais loin d’être innovantes, le film ne parvient pas à décoller. S’adressant directement au spectateur par le biais de AK, son personnage principal, qui nous fait part de sa vision du monde et des hommes, Madonna a voulu faire un film d’auteur sans concession à l’instar de ses maîtres – Godard, Pasolini, Visconti et Fellini.
Rien de très remarquable d’un point de vue esthétique. Une photographie classique, peut-être plus emprunte du cinéma allemand que du néoréalisme italien ou de la nouvelle vague française, une caméra épaule intimiste, des plans assez longs… Le scénario, construit sur la rencontre de destins de quelques personnages sans grand intérêt, intéressera principalement les
amateurs de drames glauques et transparents.
En revanche, la bande son pourra au moins satisfaire les fans de Madonna et d’Eugene Hütz (du groupe gypsy-punk Gogol Bordello). Mais si ce n’est que ça, une succession de clips aurait été plus efficace.
Le problème de la réussite de ce type de film de mœurs est qu’elle repose non pas tellement sur une réalisation sans défaut mais plutôt sur un fond moral, psychologique ou philosophique solide. Obscénité et vertu manque d’âme. Il est d’une certaine manière touchant en raison de l’exposition de la réalisatrice
mais son apport est limité ou moralement douteux.
Il semble que Madonna n'ait pas réussi à remplir l'objectif attendu. Si le film porte un regard sur l'obscénité, il n'y a en réalité pas de véritable analyse. Il ne faut en effet pas s'attendre à une réflexion sur les conséquences de l'obscénité simplement parce que les frontières ne sont pas définies. Travailler dans une boite de strip tease pour avoir plus d'argent, bien ou mal ? Être gigolo, bien ou mal ? Tout semble justifié par une fatalité à laquelle personne ne croit : il existe bien évidemment d'autres jobs. Madonna se contente donc de pointer du doigt une situation sans porter de jugement, si ce n'est par le biais de quelques aphorismes sans intérêt, alors même que le titre l'exige. Où est l'obscénité ? Où est la vertu ? Quelles sont les conséquences ? Soit le titre est mal choisi, soit le film ne communique pas le bon message.
Mise à part pour l'écrivain aveugle, on éprouve difficilement de la compassion pour les personnages sous prétexte qu’ils sont paumés et fiers de l'être. Au mieux éprouve t-on de la pitié. À aucun moment AK ne va se remettre en question. Certes il méprise son travail, il méprise ses clients, mais au final il est le seul responsable de ses choix de vie. Quant à Holly, elle est naturellement dégoûtée par ses débuts dans la boite, mais finit par se prêter au jeu. Merci Madonna : la solution à la précarité est donc la déchéance. Finalement c'est Juliette qui s'en sort le mieux en supposant qu'elle parvienne un jour à ne plus se gaver d'antidépresseur.
Obscénité et vertu nous livre donc une analyse psychologique plate et primaire qui n'apporte pas grand
chose sinon une confusion totale.
Jean LOSFELD
Le premier film de Madonna, la « reine de la pop », suscite une certaine curiosité. Chanteuse sulfureuse et controversée, son succès est d’abord musical. Elle fait cependant quelques apparitions au cinéma en tant qu’actrice : Vision Quest de Harold Beckeren en 1985, et À la dérive de Guy Ritchie en 2008. Obscénité et vertu marque donc un évènement dans la carrière de l’artiste qui n’avait d’ailleurs plus rien à prouver à ses fans.
Reste à savoir si cet évènement est heureux ? Qu’on apprécie ou non le personnage, Madonna s’est imposée comme une artiste talentueuse et une femme d’affaires redoutable. Serait-elle allée au bout de ses limites avec ce film, ou les aurait-elle encore repoussées, revitalisant ainsi sa carrière ? Un seul métrage est bien sûr insuffisant
pour juger réellement ses capacités de réalisatrice.
Malgré quelques prises de risques intéressantes mais loin d’être innovantes, le film ne parvient pas à décoller. S’adressant directement au spectateur par le biais de AK, son personnage principal, qui nous fait part de sa vision du monde et des hommes, Madonna a voulu faire un film d’auteur sans concession à l’instar de ses maîtres – Godard, Pasolini, Visconti et Fellini.
Rien de très remarquable d’un point de vue esthétique. Une photographie classique, peut-être plus emprunte du cinéma allemand que du néoréalisme italien ou de la nouvelle vague française, une caméra épaule intimiste, des plans assez longs… Le scénario, construit sur la rencontre de destins de quelques personnages sans grand intérêt, intéressera principalement les
amateurs de drames glauques et transparents.
En revanche, la bande son pourra au moins satisfaire les fans de Madonna et d’Eugene Hütz (du groupe gypsy-punk Gogol Bordello). Mais si ce n’est que ça, une succession de clips aurait été plus efficace.
Le problème de la réussite de ce type de film de mœurs est qu’elle repose non pas tellement sur une réalisation sans défaut mais plutôt sur un fond moral, psychologique ou philosophique solide. Obscénité et vertu manque d’âme. Il est d’une certaine manière touchant en raison de l’exposition de la réalisatrice
mais son apport est limité ou moralement douteux.
Il semble que Madonna n'ait pas réussi à remplir l'objectif attendu. Si le film porte un regard sur l'obscénité, il n'y a en réalité pas de véritable analyse. Il ne faut en effet pas s'attendre à une réflexion sur les conséquences de l'obscénité simplement parce que les frontières ne sont pas définies. Travailler dans une boite de strip tease pour avoir plus d'argent, bien ou mal ? Être gigolo, bien ou mal ? Tout semble justifié par une fatalité à laquelle personne ne croit : il existe bien évidemment d'autres jobs. Madonna se contente donc de pointer du doigt une situation sans porter de jugement, si ce n'est par le biais de quelques aphorismes sans intérêt, alors même que le titre l'exige. Où est l'obscénité ? Où est la vertu ? Quelles sont les conséquences ? Soit le titre est mal choisi, soit le film ne communique pas le bon message.
Mise à part pour l'écrivain aveugle, on éprouve difficilement de la compassion pour les personnages sous prétexte qu’ils sont paumés et fiers de l'être. Au mieux éprouve t-on de la pitié. À aucun moment AK ne va se remettre en question. Certes il méprise son travail, il méprise ses clients, mais au final il est le seul responsable de ses choix de vie. Quant à Holly, elle est naturellement dégoûtée par ses débuts dans la boite, mais finit par se prêter au jeu. Merci Madonna : la solution à la précarité est donc la déchéance. Finalement c'est Juliette qui s'en sort le mieux en supposant qu'elle parvienne un jour à ne plus se gaver d'antidépresseur.
Obscénité et vertu nous livre donc une analyse psychologique plate et primaire qui n'apporte pas grand
chose sinon une confusion totale.
Jean LOSFELD